Certains loyers incluent les coûts de l’énergie, mais pas la majorité. Quel est le modèle le plus rentable, pour le propriétaire et le locataire? Ça dépend...

Stéphane Dion n’inclut jamais les coûts d’énergie dans le prix des loyers des immeubles résidentiels qu’il possède. Une grande majorité de propriétaires font comme lui, afin d’éviter des pertes financières, surtout avec un climat de plus en plus imprévisible.

À l’inverse, les propriétaires de très gros immeubles résidentiels incluent souvent les coûts d’énergie dans le loyer, afin de ne pas avoir à installer un compteur dans chaque logement et pour réaliser des économies d’échelle. Cependant, ils sont loin de représenter la majorité.

Environ 74% des locataires québécois paient directement les coûts d’énergie aux fournisseurs, selon la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ). «Les propriétaires de petits immeubles de type plex, qui représentent 320 000 des 370 000 immeubles résidentiels locatifs, veulent éviter de se retrouver tributaires d’une consommation anormalement élevée», explique Hans Brouillette, directeur des affaires publiques pour l’organisation.

Au Québec, la majeure partie de la consommation d’énergie vient du chauffage, du chauffe-eau (lavage, bain, douche, etc.), de la climatisation et des gros électroménagers. Ainsi l’eau chaude peut représenter 20% d’une facture d’électricité et l’utilisation du chauffage et de la climatisation, jusqu’à 54% de la consommation, selon Hydro-Québec.

La société d’État indique que les périodes de pointe en consommation d’énergie sont généralement observées de novembre à avril. En 2019, la période s’est étendue jusqu’en mai. Pourtant, certains locataires consomment trop en tout temps, croit Stéphane Dion.

«Dans mes immeubles commerciaux avec un système central de chauffage et de climatisation, j’arrive parfois l’hiver et je vois les portes ouvertes quand les gens ont trop chaud. Même chose l’été, avec les fenêtres ouvertes, parce qu’ils ont trop froid. Ils pourraient simplement baisser la clim, mais ils s’en fichent, car ce n’est pas eux qui paient.»

Ce qu’il observe du côté commercial l’a convaincu de ne pas inclure les coûts d’énergie dans ses immeubles résidentiels. «Ce serait désavantageux du côté des coûts. Et je serais le seul responsable du compte. J’ai déjà beaucoup de difficulté à récolter les loyers chaque premier du mois…»

Les dirigeants de la CORPIQ connaissent eux aussi plusieurs situations d’excès. «Certains locataires ouvrent les fenêtres en hiver pour aérer leur logement et forcent le thermostat à maintenir la température pour compenser, car ils n’ont aucun intérêt à faire attention, affirme Hans Brouillette. D’autres partent travailler en laissant le chauffage au même niveau toute la journée, car ils ne paient pas.»

Il ajoute que certains courtiers immobiliers ont des clients qui cherchent des plex où le chauffage est inclus, afin de changer les façons de faire. «Ils vont convertir le système pour que l’énergie soit aux frais du locataire, ce qui leur permet de dégager un revenu additionnel dans l’immeuble. C’est tout à fait légal», clame M. Brouillette.

Toutefois, le propriétaire doit ajuster le loyer en conséquence. «Si le locataire payait 900 $ avec le chauffage et qu’il doit désormais payer Hydro, il va peut-être bénéficier d’une diminution du loyer de 100 $. Ça demeure avantageux pour le propriétaire, car il diminue ses dépenses et gagne en rentabilité.»

Parmi les – rares – propriétaires de plex qui incluent les coûts d’énergie dans le prix du loyer, on retrouve Dany Parent, qui possède deux immeubles à Montréal. «J’offre principalement des locations à moyen terme pour des locataires qui viennent d’arriver de pays étrangers, dit-il. Je fournis les meubles, les électros, internet et les coûts d’énergie. Je m’occupe de tout et c’est un service énormément apprécié.»

Comme d’autres propriétaires, il a observé certains excès, mais il trouve la majorité de ses locataires respectueux. «Les gens sont assez écolos maintenant et ils s’assurent d’économiser l’énergie.»

Somme toute, l’opération est très rentable pour lui. «D’une part, je charge plus cher, car tout est inclus. Et comme ma clientèle reste à moyen terme, c’est plus facile pour moi de suivre l’inflation du marché en ce qui concerne le coût des logements. Quand un locataire reste plus longtemps, je ne peux pas augmenter plus que 2% par année. De façon générale, je rentre dans mon argent», conclut-il.