Les rénovations extrêmes ont la cote dans Rosemont, Villeray, le Plateau et même Pointe-Saint-Charles. Les duplex transformés en maisons unifamiliales sont recherchés. Mais mieux vaut garder la tête froide. Personne n’est à l’abri de belles promesses non tenues, ont appris Pascale Godet et Didier Billeau, à leurs dépens.

Ils ont cédé à l’attrait du neuf quand ils ont décidé d’acheter, sur plan, une habitation de deux étages surmontée d’une mezzanine et d’une terrasse dans le Plateau, à la fin de 2017. Le duplex devait être métamorphosé et l’habitation devait leur être fournie clés en main. Ils ont emménagé le 22 juillet 2018 dans une maison encore en chantier et ils attendent toujours que certains problèmes, qui vont de la porte d’entrée en pin non étanche jusqu’à des infiltrations d’eau, soient résolus.

La publicité de l’entrepreneure Tanya Walter, léchée, les avait séduits, se souviennent-ils. Le logo de la firme KnightsBridge, partenaire financier, qui figurait dans tous les documents, donnait aussi à leurs yeux de la crédibilité au projet.

« La beauté, c’est que nous allions avoir une maison moderne avec l’air conditionné et un échangeur d’air dans le Plateau, indique M. Billeau. Fini les travaux. On pensait payer et en avoir pour notre argent. Or, le stationnement promis a été refusé par la Ville parce qu’il n’a jamais été mentionné dans le permis de construire. Elle a décidé de ne plus s’occuper de nous et nous avons deux trous béants au plafond. Le stress a eu un impact sur ma santé. »

L’entrepreneure Tanya Walter plaide sa bonne volonté. « On essaie de les aider, mais cela ne marche pas, soutient-elle. Ils nous mettent des bâtons dans les roues. L’infiltration d’eau s’est produite en avril. De juillet à avril, il n’y a pas eu de problème. Je veux que cela se règle. J’ai fait des propositions à M. Billeau, il ne veut rien savoir. »

Doit-on se méfier des « flips » ?

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Depuis quelques mois, il y a un trou béant au plafond de la chambre
 de Pascale Godet et Didier Billeau, à la suite d’une infiltration d’eau.

Le courtier immobilier Nicolas Roverselli, propriétaire de l’agence Royal LePage Urbain, principalement actif dans le Plateau, Rosemont et Villeray, a été témoin de toutes sortes de situations au cours des 20 dernières années. Il se méfie des « flips », dit-il.

« Dans nos secteurs, les gens n’achètent pas des condos pour “flipper”, constate-t-il. On voit des duplex transformés en maisons pour être revendus. Ou des triplex subdivisés en trois condos vendus en indivision. Une clientèle différente est ciblée et cela fonctionne. »

Plusieurs entrepreneurs peuvent tourner les coins ronds, déplore-t-il. « Quelqu’un qui fait un “flip” essaie de mettre le moins d’argent possible sur la propriété pour en faire le plus possible, explique-t-il. Les propriétés sont très chères et les travaux coûtent aussi très cher. C’est souvent du tape-à-l’œil. »

Il fait une distinction avec les maisons rénovées par des propriétaires, qui y ont habité quelques années. Les rénovations sont souvent de meilleure qualité, constate-t-il. Selon lui, il ne s’agit pas alors de « flips ».

« Il faut acheter quand les travaux sont terminés et que le notaire s’est assuré qu’il n’y a pas d’hypothèque légale sur la maison, contractée par des ouvriers impayés. Ils ont un délai de 30 jours après la fin des travaux pour se manifester. Mieux vaut donc passer chez le notaire après cette période. »

« Un entrepreneur inconnu qui fait un “flip” peut fermer son entreprise demain matin, ajoute-t-il. Il n’y a alors plus aucun recours. Il faut faire attention quand quelqu’un se dit entrepreneur. »

Vérifier et revérifier

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Chez Pascale Godet et Didier Billeau, il y a aussi un trou, non réparé, 
au-dessus de la cage d’escalier, causé par une autre infiltration d’eau.

Ce qu’il faut faire pour se protéger ? Vérifier que l’entrepreneur a une licence valide de la RBQ, souligne-t-il. Vérifier que tous les travaux promis ont été faits par des ouvriers compétents. Vérifier que toutes les factures ont été payées. Vérifier les permis. Vérifier ce qui a été soumis à la Ville et s’assurer que c’est conforme à ce qui a été promis.

« Quand quelqu’un achète une scrap et la fait rénover, c’est tout un défi, précise-t-il. Bonne chance. Quand on l’achète tout fait, ou presque, et qu’on peut vérifier que les travaux ont été faits dans les règles de l’art, cela enlève un casse-tête. Évidemment, cela dépend de l’entrepreneur. Mais il ne faut pas acheter sur plan d’une petite entreprise. C’est très dangereux. »

Dans un marché de vendeurs, des consommateurs n’osent pas être trop exigeants, de peur d’avoir plus de difficulté à acheter, note Marc-André Harnois, directeur général de l’Association des consommateurs pour la qualité de la construction (ACQC).

« C’est moins pire de ne pas acheter que de se retrouver avec un citron, dit-il. Un bon contrat préliminaire devrait être aussi détaillé que possible sur ce qui sera construit. Il faut bien lire et comprendre les clauses, et prévoir quoi faire si un pépin arrive. »

Qu’il s’agisse d’un « flip » ou pas, il recommande de faire inspecter l’habitation par un inspecteur d’un ordre professionnel. « Souvent, les gens ont l’impression que parce qu’ils achètent du neuf, ils n’ont pas besoin d’être accompagnés par un inspecteur quand ils font la visite de préréception, poursuit M. Harnois. Mais il peut y avoir des problèmes, qu’une personne peu habituée ne verra pas. C’est de l’argent bien investi généralement. »

Les rénovations majeures ne sont pas couvertes par le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, sous la responsabilité de GCR (Garantie de construction résidentielle). « C’est dans nos revendications depuis longtemps d’en élargir la portée », indique M. Harnois.

Pour faire des travaux de construction, cela prend une licence d’entrepreneur, indique Sylvain Lamothe, porte-parole de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ). « On ne peut pas prétendre être un entrepreneur si on n’a pas de licence, précise-t-il. En cas de litige, il y a des recours civils à la Cour du Québec. »

Solution en vue

Pascale Godet et Didier Billeau pourraient être au bout de leurs peines. « Le litige semble se régler, dit ce dernier, soulagé. Une entente est en cours avec KnightsBridge. Tous n’ont pas notre chance. »

Le couple a acheté l’immeuble de KnightsBridge, en juillet 2018. L’entreprise avait acquis l’immeuble et l’immeuble voisin, après que le chantier eut été temporairement fermé, en mai 2018, et avait spécifié dans le contrat que les travaux à terminer et les travaux correctifs relevaient de la responsabilité de Tanya Walter.

« Nous avons agi en toute légitimité et avons demandé des avis à la Commission de la construction du Québec afin de poursuivre les travaux, dans le meilleur intérêt de tous, dont [et surtout !] des acheteurs, précise Patrick Préville, consultant en relations publiques pour l’entreprise. KnightsBridge a toujours pris ses responsabilités dans ce dossier. Disons simplement que notre ancien partenaire d’affaires n’a pas facilité notre diligence habituelle. Notre priorité est et sera toujours le bien-être des gens. »

Tanya Walter tient à préciser qu’elle était chargée de projet pour KnightsBridge. « Si KnightsBridge me veut dans le dossier, je vais continuer, assure-t-elle. C’est à eux de décider. »