En raison de la pénurie de logements à Montréal, les locataires ont joué du coude cette année pour trouver un logement à leur goût. Certains ont fait preuve de beaucoup de créativité pour convaincre propriétaires et autres locataires de les choisir. La Presse vous en présente cinq.

La musicale

Vous avez peut-être vu passer sa vidéo sur Facebook – normal, elle a accumulé 85 000 visionnements depuis février. Auteure-compositrice-interprète, Andy St-Louis l’a enregistrée dans l’espoir de trouver un nouvel appartement, après avoir reçu un avis de reprise de logement.

La vidéo de sa chanson intitulée Je veux ton appartement est pleine d’humour : plus elle avance, plus Andy se décourage, plus son look se dégrade, plus ses critères de recherche diminuent.

Si sa vidéo a été si populaire, c’est entre autres parce que de nombreuses personnes se sont reconnues dans sa quête de logement, estime l’artiste.

C’est seulement après la diffusion qu’Andy a saisi l’ampleur du défi devant elle. Beaucoup de candidats, peu d’élus. « J’espérais que la vidéo allait fonctionner », résume Andy St-Louis, qui déteste la course aux logements.

Et… ça a fonctionné ! Un mois après la diffusion, une locataire qui allait résilier son bail à Verdun a recommandé Andy à sa propriétaire, qui a accepté sa candidature. Un logement lumineux, proche de l’eau, à environ 625 $ par mois.

Les absurdes

Rachel Tremblay Saint-Yves et son copain Benoit ont aussi opté pour l’humour pour se démarquer.

La jeune femme voyait bien qu’il était inutile de signaler son intérêt sous une publication Facebook, au milieu d’une masse anonyme…

« C’était vraiment une guerre cette année, chercher un appartement, constate-t-elle. J’avais envie d’attirer l’attention sur nous plutôt que de la chercher. »

Rachel, qui travaille en cinéma, a conçu un document PDF inspiré des annonces de spectacles tapissées d’extraits de critiques. Autour de la photo du couple, on y lit de fausses citations absurdes, telles : « Ils sont végés, mais ils ont un Jeep. Une dualité fort appréciée dans leur cercle d’amis. »

La publication de Rachel a circulé sur Facebook, accumulant quelque 100 commentaires et deux fois plus de mentions « J’aime ».

Quelques propriétaires lui ont écrit pour lui proposer un logement, mais c’est finalement sur une autre plateforme que le couple a trouvé son bonheur.

La tatoueuse

Pour Monica Morales, la recherche d’un logement a toujours été ardue. Pourquoi ? Parce qu’elle a un chien. Un gros chien. Imaginez maintenant en période de pénurie…

Tatoueuse, Monica a mis ses talents à profit. Elle a lancé un appel à tous sur son compte Instagram (@brizzmtl), suivi par près de 3000 personnes : elle promettait un tatouage gratuit, gros comme la paume d’une main, à la personne qui lui dénicherait un appartement.

« J’ai trouvé un appartement après deux jours ! », se réjouit-elle. C’est un ami – tatoueur lui aussi – qui lui a offert de lui céder son cinq et demi dans le Plateau. Le propriétaire, « super sympathique », ne s’y est pas opposé. Soulignons que les propriétaires ne peuvent refuser de consentir à la cession de bail sans motif sérieux.

Monica et ses deux colocataires y aménageront sous peu. Quant au tatouage promis à son ami, ce sera fait prochainement, assure la jeune femme.

Les candidats idéaux

Sur les plateformes comme Kijiji, on trouve habituellement des annonces de propriétaires. Cette année, bon nombre de personnes à la recherche d’un logement ont aussi publié des annonces pour faire valoir leur profil auprès des propriétaires.

C’est ce qu’ont fait Alice Gendron et son copain Madison, en quête de leur premier nid d’amour. Alice a publié une photo d’eux accompagnée de quelques renseignements, sur un ton comique : « ben fins », « allergiques aux chats et chiens », bons payeurs…

La stratégie n’a pas porté ses fruits. Pire : Alice a reçu des messages textes ambigus d’une personne qui leur offrait de les loger gratuitement. Elle a retiré l’annonce.

Le couple a envoyé au moins 80 messages et visité une vingtaine d’appartements, mais la compétition était féroce, constate Alice. « Mon chum et moi avons l’air jeunes, ça joue à notre désavantage », croit la conceptrice-rédactrice publicitaire de 22 ans.

Ce n’est que la semaine dernière qu’ils ont déniché un quatre et demi, dans Saint-Henri. S’ils n’avaient pas trouvé, Madison serait resté chez ses parents et Alice serait retournée vivre chez les siens, à Sherbrooke.

L’échangiste

Sybille vivait dans un « super » appartement avec son copain Antoine et un couple d’amis. Un six et demi bien isolé avec lave-vaisselle et air conditionné, à deux pas du métro Laurier. « Une perle », résume-t-elle.

Leurs amis leur ont annoncé leur intention de déménager, mais Sybille et son amoureux ne pouvaient se permettre d’y vivre seuls. « Ç’aurait été dommage de perdre cet appartement-là et de se retrouver avec quelque chose de médiocre… »

Sybille a donc opté pour l’échange. Sur Kijiji et Facebook, elle a présenté son appartement et précisé quel type de logement elle aimerait en retour.

Cette avenue n’est pas toujours fructueuse, mais pour Sybille, ça a fonctionné : « En 2 jours, nous avons reçu 20 offres différentes », s’étonne la professeure de danse, qui s’est même fait offrir de l’argent en échange d’une cession de bail ! Le couple a plutôt opté pour un quatre et demi lumineux près du métro Papineau.

Les propriétaires ont été avisés, les deux baux des « échangistes » ont été cédés. Ils ont déménagé le 1er juin, évitant la cohue de la fête du Canada.

Créativité… et ressources

En période de pénurie, les gens doivent faire preuve de créativité pour trouver un logement qui leur convient, acquiesce Maxime Roy-Allard, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).

Les personnes ayant davantage de ressources – en temps, en argent, en éducation – s’en trouvent donc favorisées, constate-t-il.

« Si tu es une famille nombreuse et que tu écris que tu recherches un logement, bonne chance pour que les propriétaires t’écrivent pour te louer. Quand il y a pénurie, il y a davantage de discrimination. »

L’Algérienne Khadaoudj Kebtane, qui vient s’établir à Montréal avec son mari et leur enfant, nous a confié être activement à la recherche d’un logement depuis trois mois, sans succès. La famille arrivait hier. « Nous espérons que ce sera plus facile une fois sur place », nous a-t-elle écrit.

1,9 % : Une première depuis 2005, le taux d’inoccupation dans la région de Montréal est passé sous la barre des 2 % en 2018. Les grands logements sont particulièrement rares. Le taux d’équilibre est de 3 %.

Source : Société canadienne d’hypothèques et de logement