À long terme, quand on rénove ou construit une habitation, c'est payant d'utiliser des matériaux qui ont un moindre impact sur l'environnement. Tout le monde, en fait, en sort gagnant.

DES TRAVAUX POUR DE BON

Une toiture de tôle? Des lambris de peuplier blanchi sur les murs? Du liège sur le sol? S'ils n'avaient pas été guidés, Frédéric Bachand et Laurent Teasdale n'auraient jamais opté pour ces matériaux. Or, ils ont choisi de miser sur le long terme, lorsqu'ils ont entrepris la rénovation de leur maison.

«On veut bien faire les choses, une seule fois», indique Laurent Teasdale, encore en plein chantier.

La demeure, établie à Stanbridge-Station, près de Bedford, en Montérégie, subit une transformation majeure. Une partie a été démolie, puis rebâtie de manière à permettre la cohabitation de plus d'une génération. Laurent Teasdale et Frédéric Bachand habitent dans la nouvelle section et partagent (entre autres) la cuisine avec Sylvie Bernatchez, la mère de Frédéric et copropriétaire avec lui de la petite entreprise Safranière des Cantons.

«On essaie de faire des choix les plus écologiques possible, mais on ne sait pas toujours ce qu'ils sont.»

Avant de se lancer dans les travaux, les jeunes hommes ont répondu à l'appel d'Écohabitation, à la recherche de deux projets exemplaires, qui lui permettraient de démontrer en quoi il est intéressant d'investir dans des matériaux ayant un moindre impact sur l'environnement.

Cela tombait à point: le couple devait changer la toiture, recouvrir des planchers et des cloisons. Or, dans le cadre de son étude, l'organisme à but non lucratif se concentrait spécifiquement sur les revêtements de planchers, de murs et de toits, les trois éléments d'une habitation qui ont l'impact le plus grand sur les changements climatiques*.

«Tout le monde pense que les matériaux écologiques sont beaucoup plus chers, constate Emmanuel Cosgrove, directeur d'Écohabitation. On veut démontrer que les revêtements écologiques sont à coût équivalent, voire moins chers, dès qu'on regarde le coût par pied carré, par année. C'est la clé. Quand on investit dans des matériaux durables, cela coûte moins cher à la longue.»

ÉCOLOGIQUES ET ÉCONOMIQUES

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Les propriétaires ont opté pour une toiture en tôle, qui devrait durer plus de 50 ans. Ils ont fait affaire avec une entreprise spécialisée.

Pour étayer son propos, l'organisme a réalisé une analyse financière et environnementale de divers matériaux, dans le cadre du projet Réduction à la source des revêtements en habitation, soutenu financièrement par Recyc-Québec, par l'entremise du Fonds vert. Armé des résultats, Félix Paré, conseiller en rénovation et construction écologique, a présenté diverses options à Frédéric Bachand et Laurent Teasdale. Il leur a montré des tableaux qui indiquent le coût au pied carré et l'évolution des prix de divers matériaux, de même que la quantité de déchets générés sur un horizon de 60 ans. D'autres tableaux comparaient les impacts environnementaux.

«Comme ils avaient proposé leur candidature pour participer au projet, ils avaient l'esprit ouvert. Ils ont fait leurs choix en sachant quelles en étaient les conséquences», indique Félix Paré, conseiller en rénovation et construction écologique.

Ce faisant, Félix Paré n'a jamais perdu de vue l'avantage économique que représente le fait de moins avoir à remplacer les matériaux.

«Au-delà du coût d'achat, il faut regarder le coût dans la durée, précise le fondateur et designer principal de l'entreprise Atelier collectif, accréditée LEED. Il faut se poser cette question-là et regarder à long terme.»

Dans l'immédiat, certaines décisions, comme celle d'avoir une toiture de tôle plutôt qu'en bardeaux d'asphalte, a fait grimper la facture. D'autres choix, comme celui de conserver le béton apparent à certains endroits et de le faire polir, plutôt que de poser un plancher flottant par-dessus, ont coûté moins cher.

«Nous avons un budget à respecter, souligne Laurent Teasdale. Nous avons fait faire la coquille et nous sommes capables de faire le reste nous-mêmes, pour économiser.»

Son conjoint et lui sont ainsi devenus experts dans la pose de lambris de peuplier blanchi au plafond et sur les murs orientés vers l'est et l'ouest. Ils s'apprêtent à devenir tout aussi habiles dans l'installation de panneaux de contreplaqué sur d'autres murs et dans l'application de tuiles de liège sur le sol.

«Les lambris de peuplier blanchi ne sont pas juste bons pour une atmosphère de chalet, précise Félix Paré. Dans une facture très moderne, ils apportent un caractère plus scandinave. Le liège provenant de la compagnie familiale Lusimat, établie au Québec, est mon coup de coeur dans ce projet.»

Avec son étude, Emmanuel Cosgrove espère renverser la vapeur et susciter une réflexion. «Il faut penser à la planète et au bien commun, insiste-t-il. En investissant à long terme, quelqu'un d'autre pourra en profiter, et cela aura une incidence sur la valeur de l'habitation. Il faut arrêter le cercle vicieux des bardeaux d'asphalte, du plancher flottant et du gypse à courte durée, au profit de matériaux à longue durée. Ce sont des matériaux écologiques dans tous les cas.»

Pour guider les consommateurs, Écohabitation a créé une page sur son site web vouée entièrement à ce projet. Une calculatrice en ligne sera ajoutée sous peu pour permettre de comparer l'impact environnemental et les coûts de différents revêtements. Des vidéos seront aussi incorporées au cours des prochaines semaines.

* Selon l'étude de Detling et Pietro, A Life Cycle Assessment Based Approach to Prioritizing Methods of Preventing Waste from Residential Building Construction, Remodeling, and Demolition in the State of Oregon, 2009

FAIRE DE MEILLEURS CHOIX



PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Frédéric Bachand, Laurent Teasdale et Sylvie Bernatchez gardent le sourire, même si les travaux durent beaucoup plus longtemps que prévu.

De tous les éléments d'une habitation, les revêtements des planchers, des murs et de la toiture sont ceux qui ont le plus grand impact négatif sur les changements climatiques. Or, il est possible de renverser la vapeur en faisant de meilleurs choix, fait valoir Écohabitation, qui nous livre quelques conseils.

Planchers

Mieux vaut bouder le plancher flottant (stratifié, laminé), qui est peu durable, ne se répare pas et ne se recycle pas en fin de vie. Il émet aussi des composés organiques volatils (COV). Pour le remplacer, Écohabitation recommande le bois massif. Le liège, plus confortable, constitue aussi une bonne option. Enlevé sans nuire à la croissance de l'arbre dont il provient, il se pose avec une colle sans COV. À considérer aussi: le linoléum, plus cher à l'achat, mais très durable. Il possède des propriétés antibactériennes et dégage peu de COV.

Cloisons

Le gypse se recycle à 100 %, mais comme une seule entreprise s'en charge au Québec, il aboutit habituellement dans les sites d'enfouissement. Les lattes de bois devraient être considérées comme solution de rechange, indique Écohabitation. Moins chères que le gypse, elles résistent aux chocs, durent longtemps et ont un faible impact environnemental. Lors d'une rénovation, les lambris et les panneaux de contreplaqué peuvent être enlevés puis réinstallés. «Le bois peut être retravaillé pour donner autre chose, indique Félix Paré, fondateur et designer principal chez Atelier collectif. On réduit du coup la quantité de matériel à l'enfouissement.»

Toitures

De tous les revêtements pour toitures en pente, les bardeaux d'asphalte s'avèrent les moins écologiques et les moins durables. Plus abordables que la tôle, ils ne dureront qu'environ 15 ans. Issus du pétrole, ils sont plus de deux fois plus polluants à produire. «Ils génèrent énormément de déchets en fin de vie, puisque c'est très dur de les recycler», indique Félix Paré. Or, une toiture de métal (acier peint ou galvanisé), entièrement recyclable, aura une durée de vie de plus de 50 ans. À long terme, le surcoût initial sera largement effacé. Pour un toit plat, la fibre de verre coûte plus cher, mais devrait durer plus de 50 ans.

On ne pose jamais

Sur le plancher, il faut éviter d'installer du stratifié (planchers flottants), de la moquette mur à mur, du vinyle ou du bois tropical, précise Félix Paré. Sur les murs, il ne faudrait poser ni papier peint, ni peintures alkydes (à l'huile), ni bois tropical. Pour les toits en pente, les bardeaux d'asphalte sont à proscrire.

Photo Olivier PontBriand, La Presse

Du liège provenant de l'entreprise familiale Lusimat, établie au Québec, sera posé entre autres dans la chambre principale.