Qui ne conserve pas de précieux souvenirs de la maison où il a grandi ? Au cours des prochains mois, La Presse aidera des lecteurs – qui ont répondu à notre appel à tous – à retourner sur les lieux de leur enfance.
Aujourd’hui : Nicole Savaria et Réjean Demers visitent avec leurs trois enfants la maison qu’ils avaient achetée avant leur mariage, en 1973. 

Dominique Demers avait environ 16 ans quand, au terme d’une histoire d’amour, il a mis toute sa correspondance dans une boîte de carton, avec quelques dessins et une pièce de 1 $. Puis il l’a cachée dans les combles du garage. De retour 25 ans plus tard, il l’a trouvée, abîmée par le temps, mais son contenu était intact.

« C’est malade ! », s’est-il exclamé, en manipulant avec précaution les feuilles de papier préservées.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

La boîte de carton, cachée dans les combles du garage il y a 25 ans, était défraîchie. Mais ce que Dominique Demers y a mis, à la suite d’une peine d’amour, était intact.

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Au début de la quarantaine, père à son tour de deux enfants, il est demeuré attaché à la maison où il a vécu son enfance et son adolescence. Il passe devant chaque fois qu’il visite son père, qui demeure toujours à Saint-Bruno-de-Montarville. C’est en pensant à lui que sa sœur Geneviève a fait les démarches qui leur permettraient de voir comment a évolué le bungalow. Construit en 1957, celui-ci a été entre les mains de leur famille de 1973 jusqu’au début de 1996.

« Je n’ai rien dit à personne pour ne pas créer de faux espoirs, confie cette dernière. Quand j’ai eu la confirmation que les propriétaires actuels étaient prêts à nous recevoir, j’ai pleuré en écrivant un courriel à tout le monde. Je pensais être plus émue sur place. Beaucoup de souvenirs sont là. Cela va peut-être venir plus tard. »

Je craignais que plus rien ne soit pareil. Mais le plancher et l’entrée sont les mêmes. Je reconnais la division des chambres.

Dominique

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

« Quand je suis entrée, j’ai eu le sentiment que l’âme de la maison est la même, constate leur mère. Cela ramène de bons souvenirs. »

En comptant les deux parents, qui ne sont plus ensemble (Nicole Savaria et Réjean Demers), leurs enfants, qui habitent tous les trois dans les Laurentides (Geneviève, Dominique et Christine), les deux enfants de Dominique (Gabrielle et Nathan), la conjointe de celui-ci (Marie-Josée) et sa fille Laurianne, ils étaient neuf à s’immiscer dans la maison, qui appartient depuis 10 ans à Marilie Houle et Patrick Martin.

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Tous arrivent en même temps. Dominique est le premier à entrer dans la maison, suivi de ses deux enfants, Gabrielle et Nathan, et de la fille de sa conjointe, Laurianne, de ses sœurs Geneviève et Christine, et de ses parents. Marilie Houle les accueille chaleureusement. Nicole Savaria et Réjean Demers remettent les pieds dans la maison qu’ils ont achetée avant leur mariage, en 1973, à Saint-Bruno-de-Montarville. Ils ressassent des souvenirs avec leurs trois enfants devenus grands : Geneviève, Dominique et Christine.

« Je comprends cet attachement à la maison familiale, indique Marilie Houle. Cela me touche beaucoup. Ma mère vient de vendre la sienne. De nouveaux propriétaires vont emménager en janvier. Cela fait un pincement au cœur. »

Quand Marilie Houle et Patrick Martin ont acquis la demeure en 2009, leurs deux enfants, Léo et Mia, avaient 3 et 5 ans. Ils habitaient à Montréal et ne connaissaient rien de Saint-Bruno-de-Montarville.

« C’est la deuxième maison que nous avons visitée, révèle la propriétaire. J’ai eu un coup de cœur avant même d’entrer. »

Le couple a fait beaucoup de rénovations, surtout à l’intérieur. Il a ouvert le rez-de-chaussée en enlevant le mur à la gauche de l’entrée, qui avait une ouverture d’environ une porte et demie de large et donnait accès au salon. Il a complètement rénové la cuisine.

En comparant des photos, il est devenu évident que la cuisine était celle d’origine quand le couple a acheté la maison. « Les armoires étaient brunes, se rappelle Marilie Houle. On a peint celles du haut en blanc et celles du bas en gris foncé, en attendant. »

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La cuisine a bien changé ! Nicole Savaria et Marilie Houle se prêtent au jeu et s’y font photographier.

« Les armoires ont changé trois fois de couleur, révèle Nicole Savaria. Il y a eu une période verte, une période rose et une période bleue. Les électros sont restés pendant ce temps du beau vert des années 70. »

PHOTO FOURNIE PAR NICOLE SAVARIA

Un souvenir du temps où les armoires de la cuisine étaient bleues. Nicole Savaria y avait été prise en photo.

Les chambres sont demeurées sensiblement pareilles, sauf celle de Christine, dont la penderie est maintenant dotée d’une porte.

« Il y avait un rideau, explique-t-elle. Je fermais la lumière et je prenais mon élan pour aller dans mon lit, de peur d’être attrapée par Freddy Krueger. Dans ma tête, ma chambre était beaucoup plus grande ! »

La trappe pour aller dans le grenier, dans le plafond du corridor menant aux chambres, ne fermait pas juste, dit Réjean Demers. C’est encore le cas, fait-il remarquer.

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Nicole Savaria raconte la fameuse fois où elle est revenue de voyage plus tôt que prévu et a trouvé sa maison sens dessus dessous.

Lui-même est retourné habiter dans la maison de son enfance, que son père a construite en 1955 à temps perdu, à Saint-Bruno-de-Montarville. « Il l’a construite de ses mains, dévoile-t-il. Cela fait drôle de revenir ici. Cela a beaucoup changé. C’est une maison des années 2000. Cela me plaît bien. C’est joli. »

La salle de bains a été rénovée deux fois depuis leur départ. « Elle n’était pas tout à fait à notre goût, même si elle avait été modifiée », indique Mme Houle. « Le lavabo et les toilettes ont été inversés », constate Geneviève Demers.

Souvenirs dans le sous-sol

Le salon, au rez-de-chaussée, était peu utilisé dans le temps où la famille Savaria-Demers y résidait. Elle regardait la télé dans la vaste salle familiale aménagée dans le sous-sol.

« Ma chambre était ici, quand j’étais adolescente », déclare Geneviève, en montrant un espace inutilisé dans le sous-sol.

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Dans le sous-sol, Geneviève Demers montre à Marilie Houle où se trouvait sa chambre quand elle était adolescente.

« L’histoire se répète, constate le propriétaire, surpris. Le sous-sol était entièrement ouvert quand on a acheté. On en a fermé une partie pour aménager une salle de divertissement avec un téléviseur. On va remettre un autre mur pour faire une pièce. On va revenir à l’origine ! Notre fille, qui va avoir 16 ans, le 21 décembre [aujourd’hui], va prendre notre chambre au rez-de-chaussée et nous, on va descendre. »

Dominique, regardant tout autour, a rappelé les partys mémorables qu’il organisait ici. « Notre mère sortait souvent. Il pouvait y avoir 150 personnes dans la maison. »

« Oui, a rétorqué celle-ci, se rappelant un épisode particulièrement mémorable. J’étais partie en voyage avec Christine et nous sommes revenues plus tôt que prévu [au petit matin] : il y avait des corps morts partout. Quelqu’un était couché dans le bain. La table de la cuisine était couverte de bouteilles de bière. Les meubles du salon étaient dans le sous-sol. J’ai dit : “Je m’en vais chez grand-maman. Je reviens à midi.” Dominique et Geneviève ont suivi la consigne. Tout était propre à mon retour. »

« Dominique était très sociable, rappelle Geneviève. Il y avait toujours du monde dans la piscine. On faisait des feux à l’arrière. »

PHOTO FOURNIE PAR NICOLE SAVARIA

L’ancienne piscine dans la cour était fort populaire dans le voisinage. On voit ici Christine Demers, s’amusant à déguiser sa cousine Ashley Caron.

La piscine n’était plus là quand les Houle-Martin ont emménagé. Mais le marronnier, que Mme Savaria a planté, a pris de l’expansion. Pendant que tous exploraient la cour en quête de souvenirs, Dominique a disparu dans le garage en compagnie de Patrick Martin, à la recherche d’une boîte dissimulée il y a longtemps.

« Il l’a trouvée ! », a dit une voix excitée.

Dominique est sorti en tenant une boîte de carton défraîchie, qu’il a mise sur le sol. « Je ne pensais pas retrouver cela », s’est-il écrié avec un mélange d’émotions.

« J’ai mal à mon cœur », a-t-il lu à haute voix en dépliant une feuille de papier, sous les regards médusés de tous.

« Salut les femmes, a-t-il poursuivi en sortant une autre feuille du lot. Je m’en suis remis. Tiens, elle est là, la pièce de 1 $, que j’avais mis dans la boîte. »

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Patrick Martin et Marilie Houle (à gauche) ont accueilli la famille qui a habité dans sa maison de 1973 jusqu’au début de 1996. Celle-ci est composée (de g à d) de Geneviève Demers, Réjean Demers, Nicole Savaria, Dominique Demers et la benjamine, Christine Demers. La chienne Fenouille s’est jointe au groupe.

Après le départ des visiteurs, les propriétaires ont pris un moment pour revenir sur l’expérience.

« C’est drôle que l’histoire se répète de génération en génération, a fait remarquer Patrick Martin. La maison a existé d’une façon, elle s’est transformée et on veut la refaire comme elle était à l’origine. »

« On a presque le même âge qu’eux, et nos enfants aussi, renchérit Marilie Houle. On trouvait que la maison avait une âme. On sait maintenant d’où cela vient ! »