Rester ou déménager ? Pour certains, la question ne se pose pas. On est bien, on reste. Au cours des prochaines semaines, nous allons à la rencontre de gens qui habitent la même maison depuis plus de 15 ans. Ils nous racontent leur histoire et leurs souvenirs et nous expliquent pourquoi ils sont bien chez eux.

Martine Lafontaine, 47 ans

Quartier : 
Villeray, Montréal

Habite au même endroit depuis : 
46 ans

Type de propriété : duplex avec studio

Cette maison, Martine Lafontaine y a habité jusqu’à l’âge de 25 ans. Après un bref passage en colocation dans Rosemont d’à peine un an, elle décide de retourner dans la demeure familiale : « Je l’ai reprise avec mon frère qui habite Québec. Nous l’avons achetée ensemble. » Elle souhaitait investir en immobilier et acquérir cette propriété à revenus allait de soi.

Vivre si près de ses racines

Vivre dans la même maison depuis plus de 40 ans, Martine Lafontaine est bien consciente que c’est peu commun. Elle réfléchit, puis ajoute : « Je crois que c’est plus intrigant et spécial pour les gens à qui j’en parle que pour moi. Par contre, les dernières années, je me suis posé des questions. C’est un peu comme des vieux fantômes. J’ai pensé déménager à un certain moment, mais le sentiment d’attachement est fort. »

Il faut dire qu’au quotidien, elle s’est créé un mode de vie des plus agréables. Sa maison est un lieu paisible et ouvert qu’elle partage avec des locataires qui sont avant tout des amis, des gens avec qui elle a tissé des liens forts et privilégiés : « Je partage la cour avec eux, on prépare des repas ensemble, mon chien se promène d’un appartement à l’autre, si l’un part en voyage, on s’occupe de son appartement, c’est tout ça ici. La proximité, l’entraide et la collaboration. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Martine Lafontaine aime la diversité de son quartier et le fait qu’il soit un peu en retrait.

Une maison qui a bien changé

En 46 ans, elle a habité les trois logements de l’immeuble et l’a rénové, une étape à la fois. Les choses ont bien changé depuis l’acquisition de la maison par ses parents dans les années 50, eux-mêmes les premiers propriétaires. Il faut se rappeler qu’à l’époque, les familles étaient nombreuses et les pièces, toutes petites. Tout le contraire d’aujourd’hui, où l’on cherche la lumière en ouvrant les espaces.

Par exemple, la chambre de son enfance est devenue la salle à manger du rez-de-chaussée. Et tout ça fait remonter bien des souvenirs quand elle prend un verre là. « Assise à la table, avec les amis, je leur raconte qu’il y a 40 ans, ici c’était ma chambre… Ils n’en reviennent pas. Dans ma tête, ça me paraît loin et tout près en même temps. »

Voir Villeray se transformer

À la frontière des quartiers Villeray et Parc-Extension, ce n’est certainement pas exagéré de dire qu’après 46 ans, Martine Lafontaine se sent à la maison. « Contrairement à la portion est de Villeray qui a changé énormément, il n’y a pas eu de grande évolution dans mon secteur. C’est un quadrilatère particulier, à l’ouest de Saint-Laurent, près de Crémazie. C’est différent. Ici, c’est encore majoritairement occupé par les communautés portugaises et italiennes, des gens âgés, et seulement quelques familles commencent à s’y établir. »

Elle a déjà pensé déménager pour se rapprocher de son lieu de travail, vers Rosemont, un quartier plus jeune, dynamique et beaucoup plus familial. Pourtant, aux yeux de Martine Lafontaine, il y avait quelque chose de trop homogène qui lui plaisait moins. « J’aime mon quartier pour son côté hétérogène, sa grande diversité, le fait qu’il soit un peu en retrait et différent de ce qu’on trouve aux alentours. Et je sens que, dans les prochaines années, il y a de belles choses qui se développeront, surtout vers Chabanel, qui est tout près. »

Quitter la maison, quitter les souvenirs ?

« Ce serait difficile pour moi de partir de la maison. J’ai été très proche de ma mère. Et aujourd’hui, j’habite son appartement. C’est presque émouvant, par moments. En même temps, j’aimerais peut-être avoir quelque chose à la campagne et conserver un pied-à-terre à Montréal. » Néanmoins, la force des liens d’attachement et des souvenirs qui la bercent depuis plus de quatre décennies l’emporte jusqu’à maintenant sur l’envie de partir. « Quoique peut-être que ça me ferait du bien de tourner la page… », confie-t-elle.

Quoi qu’il en soit, quand on demande à Martine Lafontaine comment elle se sent chez elle, sa réponse ne se fait pas attendre. Le sourire dans la voix, elle répond : « Je suis tellement bien ici. Il n’y a aucun doute. Ma maison, c’est la mienne depuis toujours, c’est le confort, la sécurité et la famille. »