Ce sont des maisons mal aimées, hors normes. Elles sont trop imposantes ou trop différentes par rapport aux autres des environs. Et quand vient le temps de trouver un acheteur, il faut s’armer de patience et accepter de faire des compromis sur le prix…

Il y a quatre ans, Patrick Jacques a mis en vente sa grande maison haut de gamme avec vue sur le mont Sainte-Anne et l’île d’Orléans à près de 600 000 $. Il attend encore qu’un acheteur dépose une offre raisonnable.

PHOTO TIRÉE DE CENTRIS

Il y a quatre ans, Patrick Jacques a mis en vente sa grande maison haut de gamme avec vue sur le mont Sainte-Anne et l’île d’Orléans à près de 600 000 $. Il attend encore qu’un acheteur dépose une offre raisonnable.

« Mon problème, soumet-il, c’est qu’il n’y a pas de maisons qui se comparent à la mienne. Dans le secteur, on paie 300 000 $ pour une unifamiliale et 200 000 $ et moins pour un condo. »

Jusqu’à présent, il a demandé à cinq courtiers immobiliers de déterminer avec précision la juste valeur de son « microscopique domaine » de Saint-Férréol-des-Neiges. « Mais personne ne peut me donner l’heure juste ! », déplore-t-il.

« Si c’était à refaire, je me serais fait construire une maison beaucoup moins haut de gamme et je n’aurais pas dépensé 100 000 $ en travaux d’aménagement extérieur. »

Vendre à perte

Mais il ne faut pas céder au découragement, soulève le courtier immobilier Raynald Demers, chez Century 21 Nord-Sud, qui vient de prendre le mandat de vente de cette propriété « construite dans un environnement à couper le souffle ».

« Une maison de ce calibre, si elle se trouvait à Mont-Tremblant, par exemple, se vendrait beaucoup plus cher, met-il en perspective. Mais là, il va falloir trouver le bon acheteur qui sait ce qu’il veut ! »

Des vendeurs qui peinent à trouver des acheteurs, il y en a beaucoup plus qu’on pourrait le croire. Dans Le Plateau-Mont-Royal, un arrondissement pourtant très recherché, il arrive que des propriétaires-vendeurs s’arrachent les cheveux avant de trouver l’acheteur prêt à y mettre le prix.

« Dans un cas en particulier, le vendeur a mis six ans à vendre son immense cottage [de la rue Drolet], fait valoir Nathalie Clément, qui dirige le bureau de courtiers immobiliers Via Capitale. Il en demandait 2,8 millions en 2013 ; la transaction s’est finalisée cette année à un peu plus de 2 millions. »

Elle ajoute : « Des maisons hors normes, il y en a partout au Québec. Les vendeurs finissent par trouver un acheteur, mais on ne le répétera jamais assez : pour obtenir sa pleine valeur, il faut acheter dans le bon quartier, dans le bon environnement. »

« Si on a un château à vendre, il vaut mieux qu’il soit situé dans une belle rue, d’un quartier cossu. Sinon, ça peut poser problème et étirer le délai de vente ! »

Entre modernité et patrimoine

Située à Pointe-aux-Trembles, la maison d’Étienne, 28 ans, fait trois étages, avec une terrasse sur le toit permettant de voir glisser au loin les gros navires sur le fleuve Saint-Laurent. La lumière y pénètre par d’immenses fenêtres en aluminium et la toiture, blanche, est d’une grande utilité pendant les journées d’été où il fait chaud…

« C’est une bien belle maison, raconte le propriétaire. J’y ai mis beaucoup d’énergie, du temps et de mon argent pour la construire, pour en faire un bâtiment durable, en accord avec l’environnement. »

Cette maison construite en 2017, pour laquelle il demande maintenant « dans les alentours de 700 000 $ », est à vendre depuis le début de l’hiver.

Il vient de réduire son prix pour tenir compte de la réalité du quartier. Et il a pris une autre décision. « Je vais modifier mon approche, avec l’aide de mon courtier, afin de mieux mettre en valeur les qualités et le potentiel de ma propriété. »

Pour attirer des acheteurs, Étienne et sa conjointe Sandrine, 25 ans, devront miser « à la fois sur la qualité de construction de la maison et sur le potentiel patrimonial », relève Samia Ouertani, courtière immobilière chez Via Capitale.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Cette maison construite en 2017, pour laquelle le propriétaire demande maintenant « dans les alentours de 700 000 $ », est à vendre depuis le début de l’hiver. Le prix vient d’être réduit pour tenir compte de la réalité du quartier.

Elle n’hésite pas à parler de cette propriété avec un potentiel générationnel — avec un condo en annexe — comme d’une maison « hors normes », étant donné qu’elle est située dans un quartier un peu plus conventionnel où la valeur moyenne des maisons se situe « autour de 300 000 à 400 000 $ ».

« Mais je vois ça positivement, tient-elle à préciser. Il faut comprendre que dans le Vieux Pointe-aux-Trembles, cette maison est unique par son côté contemporain, très moderne. Ça apporte une certaine valeur ajoutée au quartier, qui se renouvèle. »

Le rééquilibrage du marché

Le courtier Richard Neault, chez Remax, évalue pour sa part que les maisons plus luxueuses, plus grandes, se font « tirer vers le bas » par les maisons plus ordinaires. « Ça va comme ceci : à la revente, la maison la plus chère du quartier perd de la valeur, jusqu’à 15 % dans certains cas, et la maison la moins chère voit sa valeur marchande augmenter sensiblement du même pourcentage. »

Partant de cette théorie, il devra prouver le contraire à son client qui lui a confié la vente d’une belle ancestrale de 2,2 millions construite en 1780 à Les Cèdres…