(LONDRES) Des immeubles rapprochés, des appartements meublés, des commerces intégrés et des activités gratuites pour les locataires : êtes-vous prêt pour la vie de campus, peu importe votre âge ?

À Londres, les résidences des athlètes des Jeux olympiques de 2012 ont été transformées en village locatif qui propose à ses 6000 résidants de « se joindre à une communauté » plutôt que de simplement louer un appartement.

Le modèle (baptisé « Build-to-Rent ») fait du chemin au Royaume-Uni, avec des dizaines de milliers d’unités en construction ou planifiées dans le pays, par différents promoteurs.

La clientèle cible : les jeunes professionnels qui ont un bon emploi, mais peut-être pas encore les moyens de faire un premier achat dans une ville comme Londres, où les prix de l’immobilier dépassent souvent l’entendement.

« Les gens acceptent d’avoir à louer pour plus longtemps », explique Victoria Cook, responsable des communications pour Get Living, le propriétaire de l’East Village (nouveau nom du village olympique). « Mais ils veulent vivre dans quelque chose de bien en attendant. » La possibilité de déménager à quelques semaines d’avis plaît aussi aux jeunes locataires, des milléniaux qui ne sont pas nécessairement prêts à se poser.

« Tout est à proximité »

PHOTO JAE C. HONG, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Les résidences des athlètes des Jeux olympiques de 2012 ont été transformées en village locatif.

En début de soirée, un jour de mars, le métro voisin déverse des vagues de jeunes hommes et femmes habillés de vestons et de tailleurs qui regagnent leur appartement de l’East Village. Au rez-de-chaussée de plusieurs des 63 bâtiments résidentiels, des commerces à la mode leur offrent de faire leurs emplettes en vitesse à quelques mètres de chez eux.

Carl Hemmingson, jeune Suédois récemment arrivé à Londres pour travailler dans la City, estimait qu’il était bien plus facile de louer dans l’East Village que de se mettre en quête d’un appartement. « C’est neuf et c’est bien placé sur le réseau de transports en commun », a-t-il dit. Ici, tout est inclus : pas de dépôt à faire, pas besoin d’ouvrir un compte auprès du fournisseur d’électricité ou d’internet. 

« C’est dur de partir une fois qu’on s’est habitué, parce qu’ici, tout est à proximité », affirme Amma Louise, résidante.

La jeune femme qui vit sur place depuis un an et demi et travaille elle aussi dans la City. « Tous les commerces, le médecin, le dentiste, c’est très pratique. »

« J’ai cherché à déménager récemment, mais j’ai changé d’avis. C’est un peu plus cher ici, mais ça vaut la peine parce que tout est inclus », ajoute-t-elle.

Des loyers élevés

PHOTO PHILIPPE TEISCEIRA-LESSARD, LA PRESSE

Casimo Miglietti a ouvert une boucherie avec son frère dans l'East Village.

C’est la contrepartie à payer. Les loyers sont sensiblement plus chers ici qu’ailleurs : environ 10 % au-dessus du marché, admet Get Living. Le prix de base d’un appartement d’une chambre atteint 1620 livres par mois (soit 2850 $ CAN). Pour trois chambres : 2500 livres (soit 4400 $ CAN). Ces prix élevés, l’entreprise les justifie notamment par les niveaux de service à la clientèle et de sécurité plus élevés qu’ailleurs.

« Ce n’est pas tellement que c’est plus luxueux, c’est surtout davantage orienté vers le service. On a des gens sur place en permanence », explique Victoria Cook, de Get Living.

La différence la plus frappante : les activités sociales gratuites organisées par le propriétaire des lieux – et qui ont aussi des coûts.

« Nous organisons des activités pour que les gens tissent des liens entre eux. Nous avons des rencontres pizza-prosecco, des concerts de musique live, des pubs quiz. Tout ça, c’est pour que les gens rencontrent leurs voisins, apprennent à connaître les commerçants du coin, expose Mme Cook. Lors de la dernière Coupe du monde de soccer, nous avons installé un grand écran à l’extérieur. L’été, nous faisons des kermesses. »

Get Living se vante d’avoir « près d’un tiers » de ses locataires qui ont des enfants. « Nous avons commencé à offrir des activités de jour, notamment pour les nouveaux parents », ajoute la porte-parole.

« Il a fallu tout rénover »

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE LA COMMUNAUTÉ

L'East Village, à Londres

Les premiers résidants de l’East Village s’y sont installés en 2013, soit l’année qui a suivi les Jeux olympiques. À l’entrée de chaque immeuble, une plaque indique quelles équipes étaient y hébergées : « Estonie, îles Féroé, Finlande et Suisse », annonce l’une d’elles.

« Des exemples dans d’autres villes nous ont montré que des villages olympiques, ça peut facilement devenir des villages fantômes. Je crois que les responsables souhaitaient voir un projet avec un propriétaire impliqué, qui reste sur les lieux à long terme, qui attire des gens, qui met de la vie », affirme Mme Cook.

« Les bâtiments ont dû être transformés. Par exemple, les appartements n’avaient pas de cuisine, puisque les repas des athlètes étaient servis ailleurs. »

« Il y avait 17 000 athlètes sur place pendant les Jeux, et maintenant, 6000 personnes y habitent. Ils étaient tassés comme des sardines. Il a fallu tout rénover : avec un appartement de cinq chambres, on a fait des trois chambres en ajoutant une cuisine. »

Des commerces ont aussi été installés. Avec son frère, Casimo Miglietti a ouvert une boucherie, qui fait aussi fromagerie et épicerie fine. « Je dirais que 80 % de notre clientèle vient de l’East Village », surtout « des jeunes professionnels », dit-il, son tablier taché par la viande. « Il y a un sens de la communauté depuis le début, mais c’est sûr que plus ça grandit, moins on peut connaître nos voisins. »

Tout près, un incontournable anglais : un comptoir de fish and chips. Avec des fish and chips sans poisson pour plaire aux végétariens. « Les jeunes en complet qui marchent vers le métro : ce sont nos clients. Les gens qui vivent au-dessus de nous et à côté de nous », dit en rigolant Nabila Tabbazi. « Il y a une page Facebook pour l’East Village et les gens communiquent pas mal dessus. »

Le « Build-to-Rent » au Royaume-Uni

PHOTO PHILIPPE TEISCEIRA-LESSARD, LA PRESSE

L'épicerie Ted's Veg

- Loyer moyen : 9,3 % au-dessus du marché 

- Âge moyen des locataires : 31 ans 

- Revenu moyen des locataires : 30 % au-dessus du revenu médian national 

Source : JLL, automne 2018