Couverte d'un revêtement en vinyle blanc, coiffée d'une toiture en tôle d'acier rouge et ornée de persiennes décoratives vert forêt, la maison Hormidas-Lauriault, à Pointe-aux-Trembles, était surnommée «la maison du père Noël». C'était avant que ses propriétaires entreprennent de lui redonner sa beauté d'antan.

Céline Bouchard et Pierre Bleau voyaient le potentiel de la demeure de style victorien lorsqu'ils ont fait une offre d'achat, en 1998. Leur volonté de la sauvegarder a joué en leur faveur, ont-ils appris plus tard, l'emportant sur d'autres concurrents aux poches plus profondes, mais qui n'avaient d'yeux que pour le vaste terrain en bordure du fleuve Saint-Laurent.

La maison l'a échappé belle grâce à l'ancien propriétaire qui en appréciait la valeur patrimoniale. Doublement chanceuse, elle a été prise en charge par un couple passionné qui ne cesse de la bichonner depuis qu'il a emménagé avec ses trois enfants, en 1999.

Le maître d'oeuvre incontesté, Pierre Bleau, né à Pointe-aux-Trembles, a toujours été intéressé par l'histoire. À 16 ans, il était déjà membre de la Société généalogique canadienne-française. Il considère qu'habiter dans la maison est un privilège.

«Je suis ici de passage, estime-t-il. Je suis l'invité. Je fais ce que je peux pour lui redonner sa beauté. Avant, on ne se souciait pas du patrimoine.»

«Mon travail est solide, grâce à des matériaux nobles, et j'essaie toujours de m'assurer que cela n'ait pas à être refait. Quelqu'un d'autre aura juste à l'entretenir. C'est mon legs.»

Plutôt modeste au début, la maison a été construite vers 1905 par Hormidas Lauriault, un commis voyageur. Une annexe et une large galerie sur deux des façades ont été ajoutées en 1923, pour répondre aux besoins de la famille et de la belle-famille du marchand Oscar Benoît. Pendant qu'il était maire de la municipalité, de 1927 à 1931, ce dernier a fait installer deux lampadaires en bordure du trottoir, pour témoigner de sa fonction. Puis, de 1945 à 1980, quatre générations de la famille Giroux se sont succédé dans la demeure. La plupart des éléments architecturaux ont été préservés pendant cette période. C'est en 1985 que les murs extérieurs ont été couverts d'un revêtement en vinyle blanc, afin d'en finir avec la corvée du grattage et de la peinture. L'année précédente, une tôle profilée avait tout bonnement été fixée sur les vieux bardeaux d'asphalte noirs, qui eux-mêmes avaient remplacé la toiture d'origine, faite d'une tôle d'acier non galvanisé.

Secteur significatif

Céline Bouchard, détentrice d'une maîtrise en urbanisme, et Pierre Bleau, ingénieur à la Ville de Montréal avant de prendre sa retraite, sont fiers de participer à la mise en valeur du noyau villageois de Pointe-aux-Trembles. Leur habitation figure d'ailleurs dans le Parcours historique de la Pointe-aux-Trembles, comme en fait foi le texte explicatif affiché devant chez eux.

«Tout ce qui est visible de la rue doit respecter certains critères, puisque la maison se trouve dans un secteur significatif.»

M. Bleau pousse très loin ses recherches afin de reproduire le plus fidèlement possible les éléments de décoration de la maison fondatrice, qu'il associe à l'époque où elle a été agrandie par Oscar Benoît, en 1923.

«Elle était comme un diamant brut, avec son revêtement de vinyle et sa galerie, précise-t-il. Je suis habile en menuiserie. Si quelqu'un a fait quelque chose avant moi, je peux le reproduire.»

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La maison Lauriault figure dans le Parcours historique de la Pointe-aux-Trembles, élaboré par L'Atelier d'histoire de la Pointe-aux-Trembles. Devant la demeure, un texte décrit son histoire. L'illustration la dépeint avant son agrandissement, en 1923.

Il a effectué lui-même la plupart des travaux de restauration, guidé par les conseils d'une architecte et d'une architecte-paysagiste. Multipliant les recherches, il a aussi pu se baser sur certaines photos prises entre 1923 et 1940, aimablement fournies par des membres de la famille Benoît, montrant l'extérieur de la maison.

L'étendue de ce qu'il a réalisé, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur, depuis près de 20 ans est considérable. Cela inclut (entre autres) l'aménagement du terrain, la mise aux normes de l'électricité, la reconstruction d'une partie du plafond en gypse dans le salon, la restauration de moulures en plâtre, la démolition d'un escalier secondaire à l'intérieur (construit en 1953), la réparation et la peinture de murs intérieurs en plâtre, l'isolation de la maison, la restauration des galeries (entreprise en avril 2012 et pas encore terminée), la réfection de la toiture et la restauration de l'enveloppe extérieure. L'élimination progressive du revêtement en vinyle, qui a débuté en juillet 2014, est également encore en cours. Faisant partie des Amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec (APMAQ), M. Bleau communique ses astuces aux autres membres de l'association, en collaborant à la revue La Lucarne.

Il y va à son rythme, qui s'est accéléré depuis qu'il a pris sa retraite, en juin 2015. La restauration des façades, un mur à la fois sur un échafaud, et la remise en état des galeries prend un temps fou, qu'il préfère ne pas calculer.

«Je gratte un peu, je décape, je varie les positions, travaillant un peu à bout de bras, puis à genoux, tranquillement, explique-t-il. Quand c'est fait, je passe à autre chose.»

Il aime cela? «Il le faut, répond-il. Cela fait partie de ma vie. D'autres jouent au golf ou peignent des tableaux. Moi, je remets en état la maison. Par plaisir!»

PHOTO FOURNIE PAR PIERRE BLEAU

Pierre Bleau essaie de reproduire le plus fidèlement possible les éléments de décoration de la maison fondatrice, qu'il associe à l'époque où elle a été agrandie par Oscar Benoît, en 1923. Il se base sur des photos aimablement fournies par des membres de la famille Benoît.