Vous avez trouvé la maison de vos rêves: emplacement idéal, prix qui correspond au budget établi et conception parfaite. Seul hic, d'autres acheteurs partagent votre coup de coeur. Combien devez-vous offrir pour l'acheter? Bienvenue dans le monde de la surenchère immobilière, qui se manifeste dans certains secteurs au Québec.

Trois régions, trois réalités

Au Québec, 1 propriété sur 12 est vendue à un prix supérieur à celui affiché. Et pour les régions de Montréal, Gatineau et Québec, l'activité immobilière des trois dernières années montre que cette tendance est en augmentation.

Sans grande surprise, Montréal est l'endroit où il y a le plus de surenchère au Québec. «Il y a assurément un marché plus serré à Montréal. L'offre est plus rare par rapport à la demande, qui est forte. Ça se traduit aussi par des prix de vente qui augmentent plus rapidement et des délais de vente qui sont plus courts», précise Paul Cardinal, directeur du service analyse du marché à la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ).

Tant pour Montréal que pour Québec, la catégorie des «plex» est celle où il y a le plus de surenchère, une réalité qui ne surprend pas M. Cardinal: «Ils sont situés dans les quartiers centraux qui sont relativement en demande et la taille du parc pour ce type de propriété sur le marché tant à diminuer.»

En 2018, tant pour les maisons unifamiliales que pour les plex, il croit que la surenchère est là pour de bon. «Je pense qu'on pourrait voir cette situation de surenchère perdurer. On n'avait pas prédit une aussi bonne performance en 2017, étant donné le resserrement des règles d'assurance prêt hypothécaire de l'automne dernier. Ça a peut-être fait en sorte que la demande a augmenté et que les vendeurs ne se sont pas encore ajustés à la situation dans certains quartiers. C'est quelque chose qui se fait graduellement», conclut Paul Cardinal.

La folie du plex à Montréal

Les petits immeubles à revenus avec occupation offerte ont la cote dans plusieurs quartiers centraux de Montréal: Plateau, La Petite-Patrie, Rosemont, Verdun, etc. «S'il est affiché au bon prix en termes de valeur marchande, c'est certain que tu vas te retrouver en offres multiples. Il n'y a pas suffisamment de propriétés pour répondre à la demande. On l'avait vu il y a quelques années lorsqu'on était dans un marché de vendeurs. Ça s'est un peu équilibré, mais depuis 18 mois, on se retrouve encore dans les cas d'offres multiples», explique le courtier immobilier Benoit Maunie.

Dans les secteurs les plus chauds et pour des produits très recherchés, il n'est pas rare de se retrouver avec une vingtaine d'offres pour la même propriété. «Même s'il y a compétition et qu'on entre en surenchère, il faut se fixer une limite par rapport au budget et aux besoins», ajoute le courtier.

Gatineau et sa proximité d'Ottawa

La surenchère se produit là où le bassin d'acheteurs est grand et où l'offre est limitée, c'est-à-dire lorsqu'on se retrouve en situation de rareté. Pour le courtier immobilier Jimmy Arsenault, très actif en Outaouais, les inscriptions sous la barre des 300 000 $ et le plus près possible d'Ottawa sont celles où les acheteurs se retrouvent en situation de surenchère et d'offres multiples.

«Dans la région, le marché qui bouge le plus, c'est entre 150 000 $ et 300 000 $. Alors, si on inscrit au bon prix, que l'on propose une propriété clés en main pour la valeur affichée, on risque d'avoir de la surenchère. On le voit surtout dans l'unifamiliale, la maison en rangée et jumelée, ce sont les trois produits cibles. Par contre, ça ne se voit pas dans la copropriété. Je peux afficher à 30 000 $ ou même 40 000 $ plus bas que le prix payé il y a quatre ans et il n'y aura pas de surenchère.»

Quartier Montcalm à Québec

Si, de façon globale, la région de Québec est marquée par une augmentation de la fréquence de la surenchère, ce ne sont pas tous les secteurs qui suivent cette tendance. Evelyn Péladeau est courtière immobilière agréée et se spécialise dans la Haute-Ville à Québec: Vieux-Port, Vieux-Québec, Montcalm, Sillery. Selon elle, le quartier chaud du moment est Montcalm. «C'est le secteur qui est le plus convoité présentement. Près du Vieux-Québec, près des plaines d'Abraham, les gens veulent demeurer dans ce secteur. Mais il n'y a pas de surenchère pour autant.» En revanche, elle admet que le phénomène des offres multiples, pour les secteurs qu'elle dessert, augmente: «C'est quelque chose qu'on ne voyait plus beaucoup. Les acheteurs savent qu'ils ne sont pas seuls, mais ça ne va pas jusqu'à dépasser le prix affiché.»

Pour plusieurs produits ciblés, elle a des listes d'attente de clients potentiels qu'elle contacte dès la mise en marché. Tout récemment, elle a conclu deux transactions d'appartement-terrasse à 1 500 000 $ sans même avoir à afficher les propriétés. Quelques coups de fil, et les propriétés étaient vendus.

PHOTO Martin Chamberland, LA PRESSE

Naviguer parmi les offres multiples

Dans une situation d'offres multiples, certains acheteurs décideront tout simplement de renoncer à déposer une offre. D'autres tenteront le tout pour le tout en y allant d'une offre qui dépasse largement le prix demandé. Dans les deux cas, les acheteurs doivent garder la tête froide et se concentrer sur la réalité du marché, leurs besoins et... les limites de leur budget.

«Dans un contexte d'offres multiples sur une propriété, il est possible que des acheteurs très intéressés par celle-ci souhaitent bonifier leur offre initiale. Ça peut être une augmentation du prix d'achat ou tout autre changement faisant en sorte que leur offre initiale se rapproche encore plus des exigences du vendeur», explique un porte-parole de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) pour définir la surenchère. Dans ces cas, les acheteurs doivent pouvoir compter sur l'expérience de leur courtier pour ne pas faire une offre inadéquate et inutilement trop élevée. «Dans ce contexte, le rôle de conseil du courtier représentant l'acheteur prend toute son importance en ce qui a trait au prix et aux conditions à offrir en fonction des propriétés comparables pour ce secteur, poursuit l'OACIQ. Le courtier doit protéger les intérêts de l'acheteur qu'il représente.»

Éviter de s'emballer

Marc-Olivier Champagne-Thomas, professionnel au début de la trentaine, a déposé sans succès une offre en surenchère pour un plex dans un quartier demandé à Montréal: «Le bâtiment était intéressant, mais il y avait des problèmes de fondations et nous avons gardé la clause d'inspection malgré la surenchère. En fonction du potentiel, du quartier et du budget, notre courtier nous a recommandé de faire une offre à 10 000 $ au-dessus du prix affiché.»

Au cours du processus de recherche, M. Champagne-Thomas a été plusieurs fois confronté aux situations d'offres multiples et de surenchères.

«C'est un stress qui n'est pas agréable. Notre courtier nous prévenait que, dans ces cas-là, l'immeuble risquait d'être vendu à un prix supérieur à sa valeur réelle. Selon lui, ça ne valait pas toujours la peine de déposer une offre avec autant d'acheteurs en même temps.»

Au terme d'une recherche qui a duré une année, la jeune famille a finalement trouvé une propriété parfaite, achetée ni en offres multiples ni en surenchère.

Des prix volontairement trop bas?

Depuis mai 2016, Sophie* et son conjoint, tous les deux dans la trentaine, ont visité entre 25 et 30 duplex et triplex. Ils souhaitent acquérir une propriété dans le quartier Rosemont et n'ont pas hésité à offrir près de 20 % au-dessus du prix affiché pour un triplex au printemps dernier. «Je crois qu'il y a eu 25 offres simultanées.» Même s'ils offraient davantage que les autres acheteurs potentiels, ils n'ont pas obtenu la propriété pour une question de mise de fonds: le gagnant mettait 20 % et le couple, 10 %.

Tout récemment, ils ont eu un coup de coeur pour une autre propriété. À peine arrivé sur le marché, le duplex en question a attiré plus de 40 acheteurs en moins de deux jours. «Encore une fois, notre courtier nous a conseillé d'aller beaucoup plus haut que le prix affiché, poursuit-elle. Nous avons choisi de déposer une offre à 18 % de plus que le prix affiché.»

Ils ont finalement remporté la mise avec une mince avance de 1000 $.

Le couple s'est questionné sur le fait que les prix affichés semblaient parfois très bas par rapport au marché: «On se disait que ça n'avait pas de sens des prix comme ça. On a eu cette impression-là sur plusieurs propriétés. Ça incite plus de gens à aller voir, il y a plus d'offres, ça crée un stress chez les acheteurs.»

Afficher une propriété à un prix sous la valeur marchande pour créer un engouement est une façon de faire qui comporte des risques. «Ça peut être une stratégie employée lors de la mise en marché, mais il faut vraiment être sûr de son coup pour faire ça. Le marché te rattrape toujours. En affichant au prix juste et en se basant sur des comparables, la structure actuelle du marché fait qu'il y aura quand même des offres multiples», explique le courtier immobilier Benoit Maunie.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Vue aérienne de Longueuil.

La protection du public

«Ce n'est pas rare de recevoir plusieurs offres pour une même propriété. Notre rôle est toujours de protéger le public en s'assurant que les courtiers travaillent selon leur code déontologique, tel que prévu par la Loi sur le courtage immobilier et en offrant des mécanismes de protection pour un consommateur lésé lors de sa transaction», explique l'OACIQ.

Dans les cas où les acheteurs se retrouvent devant une situation où ils auraient des raisons de croire qu'il y a eu un manquement quant au travail du courtier, ils peuvent déposer une plainte auprès du Service d'assistance au public de l'OACIQ.

*Comme la transaction n'a pas encore été conclue, le nom de l'intervenante a été changé.

La cartographie de la surenchère: 15 secteurs chauds au Québec

Pour l'ensemble du Québec, les statistiques de 2017 montrent que 8 % des unifamiliales et 10,2 % des plex ont été vendus au-dessus du prix demandé. Dans le cas de la copropriété, la proportion est de 6,4 %.

Pointe-Claire 25 %

Beaconsfield 18,9 %

Westmount 17,1 %

Hull 15,3 %

Boucherville 14,8 %

Le Vieux-Longueuil 14,2 %

Beloeil 12,1 %

Sainte-Rose 11,1 %

Vaudreuil-Dorion 8,8 %

Les Chutes-De-La-Chaudière-Ouest (Rive-Sud de Québec) 8,1 %

Aylmer 7,7 %

La Haute-Saint-Charles (agglomération de Québec) 7,6 %

Brossard 7,1 %

Charlesbourg 7,1 %

Lavaltrie 7 %

Source: Fédération des chambres immobilières du Québec, par le système Centris

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE