Un minimum de connaissances en rénovation peut être très utile lorsque vient le temps d'arrêter son choix sur une reprise de finance appartenant à un prêteur hypothécaire. Et surtout, l'inspection professionnelle ne doit pas être négligée. Tour d'horizon.

Le passage du temps

Pascal Parent, président de l'Association des inspecteurs en bâtiment du Québec (AIBQ), ne s'en cache pas, ce type de propriété est parfois marqué par le manque d'entretien et le passage du temps, sans pour autant affirmer que c'est toujours le cas: «Les gens qui ont perdu leur maison parce qu'ils n'avaient plus d'argent ont aussi parfois eu tendance à moins l'entretenir, faute de moyens.»

Et même si les institutions financières font des efforts pour éviter la dégradation de la propriété, dans les cas où une maison ne trouve pas preneur rapidement et demeure inhabitée pendant une longue période, cela peut aussi entraîner quelques problèmes. Raison de plus pour l'acheteur potentiel de faire inspecter la maison par un professionnel. «Notre rôle est de détecter les malfaçons et les déficiences, qu'il s'agisse d'une maison vendue avec ou sans garantie légale», rappelle M. Parent.

Le rôle du courtier

«Le courtier doit mettre en garde l'acheteur qui acquiert une propriété en reprise de finance. Souvent, ces propriétés sont vendues sans garantie légale. Dans ce cas, le courtier doit informer l'acheteur des conséquences sur ses droits futurs dans l'éventualité où un vice quelconque se manifesterait à la suite de l'achat», explique un porte-parole de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ).

Selon la Loi sur le courtage immobilier, le courtier a l'obligation de recommander l'inspection du bâtiment, et ce, dès qu'il y a transaction immobilière. Et c'est particulièrement important dans le cas où l'immeuble est vendu sans garantie légale et où l'acheteur ne bénéficie d'aucune possibilité de recours ni d'indemnisation si un vice caché était découvert.

Rabais et rénovations

Parce qu'elles sont en mauvais état ou en vente depuis trop longtemps, certaines reprises de finances sont surprenantes par leur prix inférieur au marché. Un homme d'affaires de la Rive-Sud a acheté en 2009 une maison dont la valeur marchande s'élevait à 1,8 million de dollars. L'immense demeure, qui nécessitait d'importants travaux, était en vente depuis deux ans. Il a conclu la vente à 650 000 $. «Considérant le prix, les dimensions et la bonne condition de la structure de la maison, c'était pour moi une bonne affaire, même sans garantie», explique-t-il.

Il a mis quatre ans à exécuter les travaux de rénovation: «Je ne suis pas entrepreneur général, mais je suis à l'aise avec les projets de construction. À temps partiel, j'ai refait l'intérieur au complet.»

Il y a quelques années, à la suite d'un problème d'humidité, l'homme a découvert un vice caché: une infiltration d'eau dans la maison. «J'avais fait inspecter par un professionnel, mais on ne peut pas tout voir et je savais qu'il n'y avait aucun recours possible», assure-t-il en précisant qu'il ne regrette pas son choix pour autant.

Courir le risque

En achetant sa première maison, le choix de Louis-Philippe David s'est arrêté sur une reprise de finance. «C'était exactement ce que je cherchais et ça correspondait bien à mon budget. J'ai pris une chance en faisant une offre basse qui a été acceptée», explique-t-il. La transaction a été conclue à un prix 30 % inférieur à ce qui était affiché.

Conscient des risques que cela impliquait, M. David n'a pas fait appel à un inspecteur en bâtiment. «Mon père connaît bien la construction, nous avons soigneusement inspecté la maison et, mis à part quelques rénovations évidentes à faire, il ne semblait pas y avoir de travaux majeurs à prévoir», poursuit le propriétaire. Dix ans plus tard, son achat ne lui a pas occasionné de mauvaise surprise.

Et si tout bascule?

Parfois, de telles transactions peuvent carrément tourner au cauchemar. La découverte d'un vice caché important est un exemple. Si les expériences positives sont nombreuses, les négatives le sont aussi, même si peu de gens acceptent d'en parler ouvertement. Considérant que pour bien des gens, l'achat d'une maison est une des transactions les plus importantes qu'il est possible de faire, il est tout à fait compréhensible que certains acheteurs rejettent systématiquement ce genre de propriété.

D'où viennent ces maisons?

Les institutions financières ne tardent pas à contacter les clients en défaut de paiement pour un prêt hypothécaire. Si la plupart du temps, les appels de courtoisie suffisent à ce que tout rentre dans l'ordre, il arrive aussi que la banque doive aller plus loin.

«Si l'hypothèque demeure en défaut, une équipe tentera de trouver d'autres solutions: plan de paiements, report de paiement, restructuration de dettes, travail avec les assureurs SCHL et Genworth qui offrent des plans d'aide aux propriétaires, etc.», explique un porte-parole à la Banque de Montréal.

Par contre, si l'emprunteur n'arrive pas à corriger la situation, un processus d'action légale est entrepris. À la BMO comme dans toute autre institution financière, le processus judiciaire suit son cours jusqu'à ce que le prêteur devienne propriétaire de l'immeuble, puis le remette en vente dans le but de recouvrer les sommes qui lui étaient dues.

Un long processus

La démarche de reprise prend habituellement plus d'un an et le prêteur tente de trouver d'autres solutions avant d'en arriver là. «En tant que banquier, c'est un devoir que de bien comprendre ce que vivent nos clients et identifier si la difficulté financière est à court ou à long terme. On se rend au scénario de reprise de finance seulement et exclusivement dans des situations où nous sommes face à des difficultés financières à long terme», assure Karim Ech-Chajid, directeur principal à la gestion des prêts à risque de la Banque Nationale.

Les longs délais s'expliquent aussi par le fait que le prêteur est rarement seul à vouloir obtenir ses garanties. «Il y a souvent d'autres joueurs: la municipalité pour des taxes impayées, le gouvernement pour des arrérages d'impôts et d'autres créanciers. Ça fait aussi partie de notre analyse. On peut se montrer patient, mais on essaie d'avoir une vue globale pour sensibiliser le client à ce qui peut se passer», ajoute le directeur.

Fini les ventes de feu?

Après l'obtention du jugement, l'institution financière fait inspecter la propriété par un professionnel avant de la faire évaluer dans le but d'établir le juste prix et entamer les démarches de mise en vente. Pour M. Ech-Chajid, l'époque où les banques vendaient les propriétés à des prix dérisoires est révolue. «Il n'y a plus de vente de feu, souligne-t-il. On se base sur deux évaluations indépendantes pour obtenir la meilleure valeur. Quant aux délais de vente, on vise des délais raisonnables. On ne va pas garder une maison sur le marché pendant deux ans.»

C'est justement le délai de vente qui peut amener l'acheteur à conclure une transaction intéressante. Robert Daoust est président de Groupe Reprise Québec, l'outil du réseau Sutton qui traite les reprises hypothécaires et ventes sous contrôle de justice. Tout comme les clients qui l'approchent, il croit qu'il y a encore des aubaines à faire avec les reprises de finance. «Ça dépend toujours du marché, note-t-il. S'il est au ralenti, les délais allongent, le banquier garde la propriété plus longtemps et évidemment, il fait de meilleurs efforts pour la liquider.»

Acheter une maison sans garantie légale, comme dans le cas d'une reprise de finance, peut aussi avoir un effet sur le prix de vente: l'absence de garantie contre les vices cachés représente une part de risque. Quiconque est prêt à l'assumer peut sans doute débourser un prix inférieur au marché si la propriété correspond bien à ses besoins.

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Groupe Reprise Québec: http://groupereprisequebec.com/