L'îlot Voyageur, campé sur la station de métro Berri-UQAM, en plein centre-ville de Montréal, représente encore aujourd'hui un symbole puissant.

Pour plusieurs, ce bâtiment laissé à l'abandon pendant une décennie incarne la mauvaise gestion d'une université - l'UQAM -, qui y a englouti plus de 200 millions de dollars. Pour d'autres, il représente l'abdication du gouvernement face au secteur privé, comme en témoigne la vente du site par Québec au promoteur Aquilini pour 45,5 millions il y a trois ans.

Pour les groupes sociaux, enfin, l'Îlot représente l'ultime confirmation de la flambée du prix des logements dans la métropole québécoise. Car les loyers, dans le nouveau projet d'Aquilini, ne seront pas à la portée de toutes les bourses.

Les studios se loueront à partir de 800 $ par mois, les appartements d'une chambre, 1500 $, et il faudra débourser un minimum de 2200 $ par mois pour un logement de deux chambres à coucher, a-t-on appris récemment.

Les prix des 376 appartements du projet Îlot apparts - le nom donné par Aquilini - sont singulièrement plus élevés que la moyenne montréalaise.

Loyer moyen dans la région métropolitaine de Montréal

Studio: 573 $

1 chambre: 668 $

2 chambres: 760 $

3 chambres: 878 $

Source: SCHL

Ces loyers ont fait bondir les groupes sociaux cette semaine, alors que plusieurs déplorent le manque de logements abordables et de résidences étudiantes au coeur de la métropole. Le regroupement UTILE (pour Unité de travail pour l'implantation de logement étudiant) a fait une sortie en règle pour dénoncer la situation.

«L'îlot Voyageur devait offrir 1200 chambres de résidence dans le cadre de la Cité universitaire internationale de Montréal, a indiqué l'organisme. Or, depuis l'initiation de ce projet en 2005, aucune unité de logement étudiant abordable n'a été construite à Montréal. De plus, le projet de Cité universitaire n'a jamais vu le jour ni à l'îlot Voyageur, ni ailleurs.»

En entrevue au Devoir, un dirigeant d'Aquilini s'est défendu en disant que les appartements du projet ne s'adressaient pas qu'aux étudiants, mais à toute la population. Il a aussi fait valoir que ses loyers se comparaient avantageusement à ceux de logements similaires - chauffés et climatisés - ailleurs au centre-ville.

Débat criant

Quoi qu'il en soit, cette controverse entourant l'îlot Voyageur coïncide avec le lancement d'une campagne panquébécoise pour le logement social.

L'Association des groupes de ressources techniques du Québec - un réseau d'économie sociale - a fait une tournée de la province cette semaine pour sensibiliser le gouvernement aux besoins de logement «extrêmement importants et criants» de dizaines de milliers de Québécois.

Selon cet organisme, 25 000 ménages admissibles sont en attente d'un logement abordable auprès de l'Office municipal d'habitation de Montréal. Qui plus est, le financement se fait toujours attendre pour la construction de 10 000 logements sociaux dans les différentes régions du Québec, dénonce le groupe.

L'Association des propriétaires du Québec (APQ) a répliqué à cette initiative, affirmant dans un communiqué que le logement communautaire «est une nécessité pour une infime partie de la population».

Ce regroupement souligne que le taux d'inoccupation des logements dépasse maintenant 4 % au Québec. Selon l'APQ, il serait préférable d'offrir des aides financières aux ménages à faible revenu pour les garder dans le réseau locatif privé, plutôt que de subventionner à grands frais des logements sociaux.

Martin Messier, président de l'APQ, prône la mise en place d'un tel système de subventions qui profiterait tant aux propriétaires d'immeubles locatifs qu'aux locataires à faible revenu. «Avec un taux d'inoccupation provincial ayant atteint 4,3 %, toute la clientèle n'ayant pas d'incapacité à habiter dans un logement privé aurait un toit pour se loger», avance-t-il.

Bref, le débat fait rage et devrait s'intensifier à l'approche de la grande saison des déménagements.