Les écocommunautés poussent comme des champignons dans le monde, sortes de microvillages pour schtroumpfs créatifs. Les ingrédients de départ? Une vision, un conseiller juridique et... quelques pionniers qui n'ont pas peur du bénévolat. L'intention? Vivre heureux et démontrer que le respect des écosystèmes et l'établissement d'une économie durable sont possibles. Même enthousiasmants! Notre journaliste Carole Thibaudeau en a visité trois au Québec. Cette semaine: Très-Saint-Rédempteur: Wi-Fi pour tous!

Quel village désireux de grandir peut se passer de l'internet haute vitesse?

Aucun! L'ayant tôt compris, Très-Saint-Rédempteur, petite localité champêtre  à 11 km de Rigaud, s'est doté de la fibre optique dans la foulée du programme Villages branchés. Sauf qu'aucune société privée n'a voulu acheminer le signal  de la mairie aux maisons! Trop d'arbres pour les micro-ondes. En 2006,  quelques irréductibles Rédempteurois créent la Coop CSUR, qui a branché  depuis plus de 500 résidences, au village et en région.

« Si les entreprises privées refusent de nous brancher, faisons-le nous-mêmes! », propose Norman Molhant, en 2005, au maire et à deux autres complices, le scénariste Benoît Guichard et Lise Couët, alors directrice générale de Très-Saint-Rédempteur.

M. Molhant, qui a passé sa carrière dans l'informatique et les télécommunications, n'y voit pas d'empêchement technique.

« Le génie est fait de 1% d'inspiration et de 99% de transpiration », disait Thomas Edison. L'équipe a retroussé ses manches...

En 2006, la Coop de solidarité du Suroît CSUR, organisme à but lucratif, est créée. Peu après, elle branche sa première maison. Elle vend l'internet haute vitesse au même tarif qu'en zone urbaine, soit 40 $ par mois, ce qui pousse la concurrence à baisser ses prix.

« Mais nous ne sommes pas un problème pour les autres entreprises, dit M. Molhant. Nous nous occupons d'une population qu'aucune ne veut desservir. »

À Très-Saint-Rédempteur, 80 % de la population du village demeure en territoire boisé, explique Jean-Philippe Lafortune, un des porte-parole du groupe Très-Saint-Rédempteur en transition : « Il faut utiliser des ondes de plus basse fréquence pour passer à travers les arbres. Cela oblige le fournisseur à équiper les tours émettrices en double : une fréquence pour les maisons à vue et une autre pour les maisons cachées par les arbres. »

« Notre chance et notre malchance, c'est que des résidants dynamiques abandonnaient le village, explique Benoît Guichard, qui vit à Très-Saint-Rédempteur depuis 13 ans. Nous avons comblé le vide avec la force citoyenne. Les télécoms devaient générer de l'argent, soutenir d'autres entreprises moins rentables et être le moteur d'une économie durable. »

Laboratoire rural

Forts de leur succès internet, les fondateurs de la Coop CSUR (prononcez « C'est sûr! »), en accord avec la municipalité, présentent la candidature de Très-Saint-Rédempteur comme laboratoire rural au MAMROT (ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire). Ces labos-projets-pilotes, au nombre de 33, doivent expérimenter des voies peu étudiées et probablement d'avenir pour les campagnes. En décembre 2009, le village est accepté.

Le labo de Très-Saint-Rédempteur a pour missions particulières d'assister la naissance de nouvelles coopératives et de tester dans ces entreprises une forme de gouvernance de plus en plus populaire : la sociocratie (voir l'encadré). La CSUR et le laboratoire rural ont ainsi présidé à la naissance d'une télévision communautaire qui diffuse l'information dans toute la MRC (Vaudreuil-Soulanges), de la Coopérative Notre village (aliments biologiques), du groupe Très-Saint-Rédempteur en transition, et d'une fête de village extrêmement appréciée par les résidants, qui n'ont plus de lieux pour se rencontrer dans le village.

« Il nous manque encore des services de proximité, par exemple un petit complexe réunissant un café, une bibliothèque, un magasin général ou un comptoir de produits du terroir, explique Réjean Sauvé, directeur général de la Coop CSUR. Ce lieu deviendrait un point de rendez-vous et le dialogue reprendrait entre les gens. On se donnerait la main pour consommer localement. »

M. Sauvé, qui a grandi à Très-Saint-Rédempteur avant de faire carrière en ville puis de revenir, aimerait retrouver le village de son enfance. « Nous n'avions pas besoin de toujours aller chercher les services à l'extérieur, raconte-t-il. Il y avait un magasin général avec un bureau de poste, une école, un forgeron. Les gens s'entraidaient davantage. »