De grosses cylindrées sont garées devant des demeures à 1 million. Un décor que n'auraient certes pas renié les Soprano. Saraguay, c'est un quartier nanti du nord-ouest de Montréal, là où Nick Rizzuto a été assassiné en 2010. Mais Saraguay, c'est aussi et surtout une forêt indigène comme celle foulée par les premiers colons.

«Quand on fait du jardinage, on sait quel travail cela représente. Or, vous avez là en mai des tapis de trilles. C'est une splendeur!», dit Jocelyne Leduc Gauvin, présidente du Comité pour la mise en valeur du Bois-de-Saraguay. Cette citoyenne de Cartierville milite pour que la forêt la plus ancienne de Montréal soit ouverte à tous.

Classé arrondissement naturel en 1981, Saraguay reste un secret bien gardé. Et pour cause: cet environnement naturel de 97 hectares est inaccessible aux randonneurs malgré son statut de «parc-nature». «La splendeur» est pour l'instant réservée aux initiés qui se faufilent à travers les trous d'une clôture...

Réservé aux riches

Johanne Brinck habite à la lisière du Bois-de-Saraguay avec son mari d'origine italienne. Il arrive qu'un renard roux vienne rôder dans leur cour.

Elle ne connaissait pas Saraguay en 1989. «Des amis s'étaient fait construire (des maisons) et on s'est mis à regarder des maisons dans le coin. À un moment donné, je rentre ici (avenue Jean-Bourdon) et là, je me dis: Qu'est-ce que c'est que ça? Je suis tombée en amour.» En amour avec le bois, précise notre interlocutrice.

Les fenêtres de leur cuisine encadrent la végétation touffue du «beau bois», ainsi nommé sur une carte de Montréal remontant à 1702.

Mme Brinck di Pierro profite de cet environnement naturel depuis une vingtaine d'années et elle ne regrette pas d'avoir quitté Laval - pour se rapprocher de l'école de leur fille, se souvient-elle. «Un couple de malards emménage le printemps dans notre piscine, dit-elle. Un hibou est venu manger les petits poissons qu'on avait mis dans l'étang. J'en ai encore la chair de poule!» Un émoi exclusivement réservé aux résidants de Saraguay et aux naturalistes comme Mme Leduc Gauvin. Mais cette dernière nous a appris le 13 mai la décision récente du comité exécutif de la Ville d'aller de l'avant avec un plan d'aménagement. Une affaire à suivre.

Un quartier 100% résidentiel

Le voisinage a toutes les apparences d'une banlieue-dortoir. «Nous sommes à Ahuntsic-Cartierville, c'est résidentiel. On n'a pas vraiment de commerces ici. Les choses intéressantes se trouvent toutes à l'extérieur du quartier où on vit.»

Il y a bien une école non loin (le collège Sainte-Marcelline) et la gare Bois-Franc, à trois kilomètres. Mais l'épicerie la plus proche se trouve à quatre kilomètres.

Et même s'il «recommence à y avoir des ti-bouttes» dans le voisinage depuis quelque temps, affirme Mme Brinck di Pierro, tous les modules de jeux pour enfants ont disparu.

«La voiture est un impératif», conclut la retraitée.

D'autres inconvénients? Elle revient sur les écosystèmes séculaires: «Si on veut être pointilleux, il y a des maringouins. Je ne sais pas s'il y en a plus qu'ailleurs, mais on habite près d'un milieu humide, alors... La proximité de l'aéroport, je la classe parmi les avantages. Personnellement, le train, les avions, je ne les entends plus. On est souvent à l'intérieur. Et dehors, l'été, tous ces arbres autour agissent comme un mur pare-son.»

À 10 minutes

Vino Rosso (5291, boulevard Henri-Bourassa Ouest) pour les sorties au resto.

Le parc Beauséjour, aménagé au bord de l'eau, pour les promenades à pied.