Pour plusieurs, s'offrir une propriété contemporaine conçue par un architecte semble une aventure inaccessible. Un projet inabordable réservé aux initiés. Notre journaliste Lucie Lavigne prouve qu'il est possible pour une famille de la classe moyenne de construire une maison sur mesure. À la condition de s'investir à 110%, de faire des compromis, d'imaginer des solutions économiques, d'accepter que le chantier dure pendant plusieurs mois et même d'habiter la propriété pendant les finitions. Ouf! Deux ans plus tard, les travaux sont finis et le couple propriétaire... toujours uni! 

Automne 2007. Mon conjoint Marco et moi avons l'idée (insensée?) de réaliser notre rêve: vivre dans une maison au style radicalement contemporain, conçue selon nos goûts et nos besoins. 

Inexpérimentés, nous n'a-vions qu'une idée très générale de l'ampleur des travaux. Sans compter les commentaires classiques du type: «Ça coûte toujours plus cher que prévu et c'est dur sur le couple.»

 

Malgré tout, nous nous sommes lancés dans l'aventure. Naïfs ou inconscients? Disons que le projet nous passionnait et, surtout, nous étions prêts à trimer. Heureusement, notre architecte Pierre Thibault a su nous guider pendant le processus tout en nous laissant beaucoup de latitude.

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Première surprise

Nous pensions qu'en optant pour un style minimaliste et dépouillé, un langage architectural que nous adorons, et en privilégiant des matériaux modestes, nous pouvions économiser. Erreur! L'extrême simplicité exige une très grande minutie, donc plus de temps de la part des ouvriers et... donc plus d'argent! Exemple? Il n'y a aucune plinthe ni moulure pour camoufler les imperfections dans la maison. Il faut donc que le gypse soit installé de manière irréprochable et que le tireur de joints redouble d'efforts.

Comment diminuer les coûts?

Bien sûr, l'idéal est de faire appel à son architecte pour la conception et la réalisation complète du projet. N'ayant pas des moyens énormes, nous avons vite compris qu'il nous fallait une stratégie pour diminuer les coûts.

Ainsi, nous avons loué un appartement très modeste situé près du terrain. Tous les matins, Marco et moi discutions avec l'entrepreneur. Le soir, au retour du travail, nous inspections les travaux. Les week-ends et certains soirs de semaine, nous allions nettoyer les lieux et ramasser les déchets de construction. Et où croyez-vous que nous avons passé toutes nos journées de congé depuis plus d'un an? Sur le chantier! Au total: nous avons investi quelques milliers d'heures dans le projet.

Autre compromis: au terme du bail de l'appartement, nous avons emménagé (avec les deux adolescentes) au sous-sol de la maison pendant que les ouvriers s'affairaient au rez-de-chaussée et à l'étage.

Répartition des tâches

Marco et moi avons identifié nos aptitudes respectives et nous sommes partagé les tâches. Doué pour la modélisation informatique, Marco a créé des images 3D des pièces de la maison, ainsi que du mobilier à construire. Comment? Grâce à un logiciel accessible à tous sur internet (https://sketchup.google.com). Ces modélisations nous ont permis de mieux «voir» les plans, de nous rassurer sur nos choix et, surtout, de faire valider certaines idées par Pierre Thibault.

De mon côté, je me débrouille bien en matière de shopping (eh oui, ça peut servir!) et j'ai ratissé tous les endroits inimaginables du gros magasin jaune et bleu suédois aux quincailleries en passant par les salles d'exposition afin de dénicher tout ce qu'il nous fallait au meilleur prix.

Aussi, je suis du type perfectionniste. C'était donc à moi que revenait la tâche ingrate, mais nécessaire, de juger les travaux. J'ai répété ces remarques (avec de longs gants blancs et avant le paiement, si possible): «Hum... Ce n'est pas droit/ce n'est pas bien aligné/ce n'est pas comme on l'avait planifié...»

L'abc de la gestion du chantier

Nous avons trouvé tous les sous-traitants nécessaires à la construction et, à notre avis, le secret pour éviter les dépenses inutiles est de planifier et de gérer scrupuleusement l'horaire de tous les intervenants. Pertes de temps et retards sont ainsi (pour la plupart) évités.

Seconde règle d'or: s'assurer qu'il ne manque rien plans, pièces, produits, outils lorsque les ouvriers ou les entrepreneurs viennent travailler.

L'utilisation optimale de matériaux modestes constitue aussi un bon truc pour diminuer les coûts. Exemple: faute de pouvoir s'offrir du mobilier laqué, nous avons utilisé du stratifié ultra brillant. Il importe toutefois que la réalisation soit irréprochable pour que le résultat soit satisfaisant.

Choix verts

Autre décision profitable: l'utilisation des ressources locales. Ce choix parfaitement écologique nous a permis d'économiser sur le bois massif (noyer cendré, pruche et même bûches) offert dans une scierie, située à quelques minutes de la propriété. Quant au cèdre blanc de l'est du Canada composant toutes les terrasses, il provient d'une usine de planage, à Saint-Jean-de-Matha.

Enfin, la décoration des murs du rez-de-chaussée et de l'étage, largement vitrés, est pour l'instant constituée de lumière naturelle, ma seule oeuvre d'art, et le paysage est mon «papier peint» perpétuellement changeant!

L'union fait la force

Nous avons banni deux phrases explosives de toutes nos conversations pendant la construction: «C'est TON projet, alors fais donc ce que tu veux!» et «J'te l'avais dit!»

En prenant toutes les décisions à deux, les risques de conflit ont été (presque tous!) éliminés.