Difficile de trouver des propriétaires plus verts qu'Anne-Marie McSween et Dominique Leroux. Passionnés par la construction saine, ils ont prouvé qu'il n'était pas nécessaire d'être millionnaire ou extravagant pour faire des rénovations tout en préservant l'environnement. Leur solution? Une mégadose de détermination, de la patience et beaucoup de temps.

Difficile de trouver des propriétaires plus verts qu'Anne-Marie McSween et Dominique Leroux. Passionnés par la construction saine, ils ont prouvé qu'il n'était pas nécessaire d'être millionnaire ou extravagant pour faire des rénovations tout en préservant l'environnement. Leur solution? Une mégadose de détermination, de la patience et beaucoup de temps.

«On a rénové de manière écologique parce que ça correspond à nos valeurs sociales, explique Dominique Leroux, 33 ans, ingénieur informatique stagiaire. Nous voulons également encourager les gens à faire de même.»

La rénovation complète de leur triplex, à Montréal, a été dirigée par Vouli Mamfredis, de l'atelier d'architecture MMA. Grande spécialiste de la construction verte, cette architecte possède une clientèle résidentielle composée d'environ 80% de propriétaires attirés par l'écoconstruction. «Mais les plus écologiques demeurent Anne-Marie et Dominique», affirme Vouli Mamfredis.

De l'extérieur, leur immeuble est à la fois sobre et soigné. La porte principale a été élargie afin de faciliter le transport des vélos. Un support permet de les accrocher au mur du vestibule. L'espace de vie est vaste. Les matériaux bruts sont exposés. Le style est à la fois naturel et actuel. «C'est écolo sans être grano», a résumé Christiane Guérard, recherchiste-styliste, lors de la séance photo pour La Presse.

Tout au long des travaux, le couple a dû faire des choix. Exemple? «On aurait aimé avoir un plancher de bambou provenant de Chine, mais on a plutôt opté pour de l'érable rustique local. Notre parquet n'a donc pas été fabriqué dans une entreprise aux conditions de travail discutables et son transport n'a pas généré trop de pollution en carburant», souligne-t-il.

Sa conjointe, elle aussi âgée de 33 ans, est avocate. L'une de leurs grandes passion est l'environnement. Ils ont assisté notamment à des conférences de l'astrophysicien Hubert Reeves et de l'organisme Équiterre. Mais surtout, ils ont passé une année à fouiller sur Internet afin d'obtenir de l'information sur l'architecture verte et le développement durable. Pendant la rénovation, ils ont dû poursuivre leurs recherches. «Nous étions pionniers dans bien des domaines et nous devions sans cesse trouver des solutions. Par exemple, quand est venu le temps de tirer les joints, on s'est demandé, tout à coup: Comment, ça se tire des joints écologiques?»

Itinéraire d'une réno écolo

Nous sommes en mars 2004. Anne-Marie et Dominique achètent un ancien triplex dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Il a été construit en 1900 et il est en piètre état. Pas grave. Il possède un atout important: il est situé à moins de 500 mètres d'une station de métro. Le couple travaille au centre-ville et se rend au travail à vélo ou en métro. L'achat d'une maison en banlieue et de deux voitures n'a donc jamais été envisagé. Autre atout: le toit plat du bâtiment pourra être végétalisé. Le couple décide qu'il habitera les deux derniers étages. Le frère d'Anne-Marie occupera le rez-de-chaussée.

Janvier 2005: début des travaux. Les ouvriers enlèvent tout. Seules la brique et la structure des planchers sont conservées. L'objectif est clair: les propriétaires désirent une maison saine et minimiser l'effet de la rénovation sur l'environnement. D'où l'idée de dégarnir l'immeuble plutôt que de le démolir et de tout jeter à la poubelle. L'objectif est clair: récupérer et réutiliser au maximum les débris.

Les jeunes propriétaires ont dû s'armer de patience pour éviter que les déchets dits CRD (issus de la construction, rénovation et décon-struction) ne finissent à la décharge. Imaginez: ils ont, notamment, arraché chaque clou du bois provenant du triplex. Les chaudières de clous et bien d'autres pièces métalliques, comme l'escalier et les plinthes électriques, ont fait le bonheur des marchands de ferraille.

Les déchets qui n'ont pu être récupérés ont filé vers des miniconteneurs. Petits, ils ont pu être installés sur le minuscule terrain urbain.

«C'est mon seul client du secteur résidentiel qui a trié ses déchets de la sorte. Si tout le monde pouvait les imiter, nous aurions un très bon taux de recyclage», explique Stéphane Théolis, président de Théolis Transport, une entreprise d'enlèvement de déchets qui possède une division vouée à la récupération des rebuts de construction. Près de 48 conteneurs ont été nécessaires pour le projet dans Hochelaga-Maisonneuve. Deux dimensions ont été privilégiées: celles de huit et de six verges cubes. Certaines caisses étaient réservées pour le bois, d'autres servaient à recueillir les déchets non triés. À l'époque, le bois peint ou teint n'avait pas été accepté par Théolis Transport. Dernièrement, l'entrepreneur a toutefois trouvé un moyen de le récupérer pour ensuite le recycler.

Quant aux panneaux de gypse et au plâtre, ils sont allés à l'enfouissement. Il n'y a pas de marché pour leur recyclage.

Du neuf avec du vieux

Le couple propriétaire a fait preuve d'une imagination débordante en matière de récupération. Au lieu d'acheter une charpente et des solives en bois, ils ont fait des trouvailles dans un centre de recyclage. Ingénieux, Dominique a trouvé une seconde vie à des restes de conduits électriques: il les a intégrés à la fabrication de porte-rouleau de papier hygiénique et de porte-serviettes. La longue table de la salle à manger est composée de solives récupérées du triplex. Les chaises ont été dénichées dans des encans. Le dosseret de la cuisine a été taillé dans un reste de tôle ondulée.

Ce n'est qu'en dernier recours qu'ils achetaient des matériaux conventionnels. «J'ai longuement cherché des deux par quatre écologiques certifiés FSC, mais faute de temps, je me suis résignée à acheter du bois ordinaire», concède Anne-Marie.

Le choix des produits de construction s'est fait avec beaucoup de discernement. Exemples: les peintures et les vernis émettant des produits chimiques dangereux ou COV (composés organiques volatiles) ont été évités. Tout le bois a été couvert d'une huile naturelle de lin et de soya (ÉcoSélection). Les matériaux contenant de l'urée-formaldéhyde, comme l'aggloméré de bois ont été écartés. Le bois massif a été privilégié. La finition du mur de brique a été réalisée à l'aide d'un produit à faible émission de COV. Du gypse à contenu recyclé, un système de géothermie, des toilettes à double chasse, un récupérateur de chaleur des eaux grises (eau de la douche), des pommes de douche à débit réduit et une citerne pour la récupération des eaux de pluie à l'usage des toilettes ont été adoptés. «Dommage qu'aucune subvention municipale n'encourage les propriétaires montréalais à installer ce genre de citerne», fait remarquer l'architecte Vouli Mamfredis.

Installé près de l'évier, un bel accessoire ivoire signé Envirosink permet de récupérer l'eau propre, mais non utilisée de la cuisine, pour alimenter les toilettes. Le plancher de béton est en partie composé de CALSiFrit: un matériau fait à partir des résidus de l'industrie de l'aluminium. Les fenêtres énergétiques à vitrage triple ont un cadre en fibre de verre et non en P.V.C. «Nous voulions éviter le P.V.C., car c'est le plus polluant des plastiques», soutiennent les propriétaires. Les matériaux dérivés du pétrole sont donc rarissimes dans cet appartement. Les plaques de commutateur sont d'ailleurs métalliques.

Rénover en famille

Cette rénovation n'aurait pu se réaliser aussi rapidement sans l'aide précieuse des parents des propriétaires, des oncles et des amis. Sans compter l'expérience et les contacts de Vouli Mamfredis, l'architecte, et d'André Fiset, de Construction BFG, l'entrepreneur général du projet. «Sans eux, il m'aurait fallu non pas un, mais deux ans de préparation et de recherche», souligne Dominique.

4000 heures plus tard

En décembre 2005, Anne-Marie et Dominique ont emménagé dans leur logement à deux niveaux. Il reste des travaux de finition à compléter. Jusqu'à présent, cette rénovation a nécessité 4000 heures de travail pour le couple et leur famille. Chaque pied carré rénové a coûté près de 115$. Les week-ends et les jours de vacances d'Anne-Marie et Dominique ont été consacrés aux travaux (déconstruction, tri, recyclage, rénovation). «On commence à prendre un peu de temps pour nous», affirment-ils.

De fait, ils avaient un échéancier et des procédures à respecter en raison d'une subvention de 64 000$ qu'ils ont obtenu grâce au programme Rénovation résidentielle majeure, offert par le Service de la mise en valeur du territoire et du patrimoine de la Ville de Montréal.

Rénover n'est pas de tout repos. On imagine donc le pire dans le cas d'une rénovation hyper écolo. «Nous avons investi un temps fou dans ce projet, mais comme vous pouvez le constater, ça ne s'est pas terminé par un divorce!» lance en souriant Anne-Marie qui savoure pleinement son appartement «non toxique».

12 initiatives

La rénovation du triplex d'Anne-Marie McSween et de Dominique Leroux comporte plusieurs initiatives dignes d'intérêt. Les voici:

1 - Un système de géothermie permet de filtrer l'air, climatiser et chauffer la maison. Il fait aussi office d'échangeur d'air. Prix: environ 35 000$.

2 - Une citerne située sous la dalle de béton du bâtiment d'une capacité de 4500 litres récupère l'eau de pluie. Celle-ci sert à alimenter les toilettes.

3 - Un récupérateur de chaleur des eaux grises (eau de la douche) a été installé. Quant au chauffe-eau, il sera remplacé par un modèle capable de recevoir la chaleur du soleil.

4 - Lors de la déconstruction, un tri minutieux des déchets a été effectué. Le maximum des matériaux a été récupéré et réutilisé pour la rénovation. Exemples: du "vieux" bois a été utilisé pour réaliser des tablettes. Le verre des fenêtres a été opacifié et installé notamment dans les portes de salle de bains. Des restes de conduits électriques ont servi à construire des porte-rouleau et des porte-serviettes.

5 - Les déchets inutilisables ont été déposés dans un conteneur. Le bois et le métal ont été recyclés.

6 - La visite de centres de recyclage a permis de dénicher des solives et une charpente de bois.

7 - Le toit sera végétalisé.

8 - Les produits dérivés du pétrole, comme le plastique, ont été évités, le plus possible. Ainsi, les fenêtres à vitrage triple du bâtiment ont un cadre en fibre de verre, et non en P.V.C., «un plastique trop polluant», estiment les propriétaires.

9 - La peinture utilisée n'émet pas de produits chimiques dangereux ou COV (composés organiques volatiles). Le bois a été couvert d'une huile naturelle composée de lin et de soya. Les matériaux contenant de l'urée-formaldéhyde, comme l'aggloméré de bois, ont été évités. Le bois massif a été privilégié.

10 - Des toilettes à double chasse (trois et six litres) et des pommes de douche à débit réduit (1,5 gallon/minute) ont été achetées. L'accessoire Envirosink, placé près de l'évier de cuisine achemine l'eau utilisée, mais propre, vers la citerne. Celle-ci permet notamment de rincer la cuvette des toilettes.

11 - L'achat de produits et de matériaux locaux a été favorisé afin de diminuer la pollution engendrée par le transport.

12 - L'éclairage naturel est favorisé. Ainsi, le jour, un petit puits de lumière éclaire une salle de douche. Sinon, les ampoules fluocompactes ont été adoptées.

RÉNOVATION PROPRE

Utilisé comme étude de cas pour Recyc-Québec, le projet de rénovation du triplex de la rue Cuvillier, dans Hochelaga-Maisonneuve, a généré 55 tonnes de déchets. Trente tonnes ont été détournées des lieux d'enfouissement. Ce résultat se rapproche grandement de l'objectif de 60% visé par Recyc-Québec. Ce pourcentage aurait atteint 85% s'il avait existé des débouchés pour le plâtre.

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Renseignements:

- Vouli Mamfredis Studio MMA, atelier d'architecture

514-388-3451

www.studiomma.ca

- André Fiset Construction BFG

514-707-1673

www.constructionbfg.com