Et ce n'est pas un hasard si plus d'une centaine de ces «belles du bord de l'eau» y ont été construites.

Et ce n'est pas un hasard si plus d'une centaine de ces «belles du bord de l'eau» y ont été construites.

«En été, les bourgeois prenaient le train pour fuir l'air pollué des villes et se réfugier en campagne, le plus loin possible. À l'époque, la plupart descendaient à Rivière-du-Loup, puisque c'était l'endroit le plus éloigné. C'était là où s'arrêtait le chemin de fer. Passé Fraserville, il n'y avait plus de rails», explique Denis Boucher, expert en patrimoine.

Plusieurs grands noms du monde politique et des affaires y élisaient donc domicile en saison estivale. Ce fut entre autres le cas pour John A. MacDonald, père de la Confédération et ancien premier ministre du gouvernement conservateur, qui a habité une magnifique résidence d'été en bordure du fleuve, de 1871 à 1891, année de sa mort. L'air salin, réputé pour ses propriétés curatives, avait, dit-on, des effets bénéfiques sur ses problèmes respiratoires.

«Sa présence a donné tout un prestige au secteur maintenant appelé le Vieux Saint-Patrice. Les moyens de communication de l'époque n'étant pas ce qu'ils sont, tout le cabinet devait se rapprocher du premier ministre», poursuit M. Boucher. Les ministres louaient ou achetaient des résidences à proximité, afin de poursuivre la gestion du pays. «On avait même installé un télégraphe dans la maison MacDonald, afin que les décisions prises puissent être transmises rapidement.»

L'esprit de voisinage y était très important. «Les gens qui y résidaient étaient pratiquement tous liés par alliance. Les Meredith, Coristine, Molson (de la célèbre famille) étaient pratiquement tous mariés au cousin du frère de la belle-soeur de l'autre. C'était tissé assez serré.»

L'imposant bâtiment, situé entre le fleuve et le terrain de golf, a ensuite servi de club house avant de devenir un gîte touristique. Au total, 48 prestigieuses résidences, maintenant protégées, s'y trouvent toujours. La plupart des terrains sont bornés au sud par un cran rocheux et au nord par le fleuve, question de pouvoir faire trempette, évidemment, ou d'avoir accès à son bateau.

La Pointe

Le secteur de la Pointe de Rivière-du-Loup, bien que plus récent, renferme aussi quelques bijoux datant des années 1890. Un important commerçant de la région, M. Narcisse-Georges Pelletier, avait flairé le développement du créneau villégiature. Il avait acheté tout le secteur pour y construire des villas et les revendre à des gens fortunés de Québec et de Montréal, en majorité francophones cette fois.

«Dans les années 20, le premier ministre du Québec, le libéral Louis-Alexandre Taschereau, y a acheté une propriété. Ce fut la période la plus prestigieuse de ce secteur puisque, comme dans le cas du Vieux Saint-Patrice, des membres de son cabinet et des hommes d'affaires proches du Parti y ont aussi acheté ou s'y sont fait construire une résidence.» Aujourd'hui, quelques résidences environnantes sont encore habitées par des descendants ou des proches de Louis-Alexandre Taschereau.

Plusieurs de ces maisons ont été modifiées et des chalets modernes ont été construits, ce qui donne plus à l'endroit des airs de banlieue au bord de la mer que de réserve patrimoniale.

Cacouna

La bourgeoisie avait aussi adopté Cacouna comme domicile estival. Sur les terres maintenant occupées par le port de mer se trouvait une magnifique plage, faisant de l'endroit une station balnéaire prisée. Alors que les francophones se faisaient construire au village, les anglophones, eux, préféraient le bord de mer. D'ailleurs, plusieurs villas qu'on y retrouve appartiennent encore à des anglophones.

«C'était la mode vers les années 1850. En pleine révolution industrielle, les anglophones bien nantis quittaient la ville en été pour habiter des lieux d'intérêt dit pittoresque. Certains, très fortunés, comme la famille Allen, arrivaient avec leurs propres wagons et leurs voitures à l'intérieur. C'est d'ailleurs à Cacouna qu'ont circulé les premières voitures dans notre région, celles des Allen», poursuit M. Boucher.

Pour donner une idée de la fortune de l'armateur Montaigue Allen, il possédait une villa, maintenant devenue l'hôpital Royal Victoria de Montréal. «Il possédait l'une des plus importantes fortunes au Canada.» Son immense chalet d'été, construit à Cacouna, est devenu le Sénacle et abrite la communauté religieuse des pères Capucins.

Les anglophones, qui séjournaient dans la région trois mois par année, devaient aussi conserver leurs traditions religieuses, ce qui explique la présence de chapelles anglicanes à Cacouna, à Notre-Dame-du-Portage et à Rivière-du-Loup. Les francophones fortunés du secteur de la Pointe ont fait construire Notre-Dame-des-Ondes, qui est encore aujourd'hui la seule chapelle de villégiature catholique francophone entre Québec et Gaspé.