Encore aujourd'hui, le boulevard des Falaises à La Malbaie porte la signature de cette période florissante. Elles sont une centaine de maisons, dissimulées par les arbres, avec vue sur le fleuve, des maisons d'été grandioses qui font le charme de l'endroit.

Encore aujourd'hui, le boulevard des Falaises à La Malbaie porte la signature de cette période florissante. Elles sont une centaine de maisons, dissimulées par les arbres, avec vue sur le fleuve, des maisons d'été grandioses qui font le charme de l'endroit.

«Ils venaient ici pour pêcher le saumon dans la rivière Malbaie, pour la tranquillité des lieux, pour le dépaysement, parce que les employés coûtaient presque rien, pour jouer au Murray golf Club. La signature de Pointe-au-Pic n'a pas été pensée par les Canadiens français, les bras étaient d'ici, avec les Warren et les Villeneuve, mais l'argent et les plans étaient anglais», relate l'arpenteur à la retraite Gualbert Tremblay.

Lui-même habite la Mille Roches, une résidence construite en 1873 par William Hume Blake, politicien ontarien, membre des pères de la Confédération, qui a littéralement adopté Charlevoix jusqu'à explorer les confins du parc des Grands-Jardins.

«La période la plus célèbre, c'est le XIXe siècle, avec l'apogée du premier Manoir Richelieu construit en 1898. Il s'est développé une rue de résidences d'été. Bizarrement, ils cherchent dans leur villégiature à reproduire ce qui ressemble au coin. C'est certes de grandes villas, de beaux cottages, mais inspirés du style canadien», relate l'historien Serge Gauthier.

Des grands de partout

Le plus célèbre des villégiateurs est sans contredit William Howard Taft, président des États-Unis de 1909 à 1913. Des Charlevoisiens seront invités à la Maison-Blanche. Sa présence attirera d'autres politiciens et il restera fidèle à Charlevoix, fréquentant année après année sa résidence érigée sur le cap Blanc.

Bras droit du premier ministre Wilfrid Laurier, Charles Fitzpatrick, autrefois ministre de la Justice, fait partie de ces grands villégiateurs. Bien qu'il apprécie Pointe-au-Pic où il possède une maison d'été, il contribuera au développement de l'arrière-pays en se faisant construire un chalet de pêche à Saint-Aimé-des-Lacs.

Le New-Yorkais Georges T. Bonner, le maire de Brooklin Alfred C. Chapin, l'avocat William Busby Lamb, l'historien George M. Wrong et le financier Alexander Brock Buchanan font partie de cette longue tradition à l'origine de cette architecture d'été.

Évidemment, cette vie estivale, alimentée par des soirées qu'on raconte très festives, possède sa petite histoire. Par exemple, on relate que Buchanan, Écossais d'origine, faisait entendre chaque matin le son de sa cornemuse.

Puis, l'épouse de Taft, Helen, un brin malicieuse, aurait déclaré que son mari était «meilleur comme président du club de golf de Murray Bay que comme président des Etats-Unis». Un réseau de sentiers a aussi été développé pour favoriser le voisinage.

Encore visible

La plupart de ces maisons existent encore aujourd'hui et sont des propriétés privées. Certaines ont été transformées en gîtes ou en auberges, d'autres sont abandonnées puisque trop chères à réparer. Il faut comprendre que les résidences étaient conçues pour les mois d'été, tout en bois. Charmantes en été, certes, mais vulnérables aux rigueurs de l'hiver. Certains Américains poursuivent la tradition comme Shana Culvert, descendante de celui qui a fait construire sa résidence il y a plus de 100 ans.

«C'est caché et c'est dur de les mettre en valeur. D'une part, c'est privé en grande partie ; d'autre part, elles sont cachées à travers les arbres», explique M. Gauthier.

Les maisons sont pour la plupart concentrées entre le Manoir Richelieu et le Manoir Charlevoix. L'historien Gauthier mentionne à juste titre que cette villégiature a «créé un village unique, avec le côtoiement de deux cultures qui se sont enrichies l'une de l'autre».

C'est toute une économie qui s'est développée en marge de la présence des anglophones. Il y avait même un bureau des douanes pour accueillir les passagers américains qui débarquaient des célèbres bateaux blancs.

Ce n'est donc pas d'hier que les vacanciers rêvent de se reposer dans Charlevoix dans de champêtres villas, loin des tracas de la ville. Les riches anglophones de l'époque ont marqué le pas d'une réputation qui se poursuit encore aujourd'hui. Il suffit de circuler dans l'historique boulevard des Falaises pour comprendre...