Un couple de Gatineau entre dernièrement dans les bureaux du groupe, rue Saint-Pierre. Le mari est émerveillé, se souvient-elle. Il déclare: «Mais quel beau monde que l'immobilier!»

Un couple de Gatineau entre dernièrement dans les bureaux du groupe, rue Saint-Pierre. Le mari est émerveillé, se souvient-elle. Il déclare: «Mais quel beau monde que l'immobilier!»

Du coup, elle se dit à elle-même: «Ah! monsieur, vous ne savez pas les efforts qu'il faut déployer pour gagner des ventes, faire sa place dans le milieu et y rester.»

Sylvie Lacasse commence dans la profession d'agent immobilier. Elle en rêvait depuis 20 ans. Elle n'en démord pas: pour réussir il faut mettre des heures, puis multiplier les initiatives, sur fond de respect, pour gagner la confiance des gens.

La première année, raconte-t-elle, il faut se hâter pour réunir plusieurs inscriptions ou contrats de vente, trouver des acheteurs sérieux, avoir la confiance d'agents d'autres bannières pour travailler de concert dans la vente de maisons dont ils sont les «inscripteurs». Sans compter l'obligation de faire face à un immense train de dépenses.

Sans salaire

Sylvie Lacasse est de Québec. Elle est également du groupe Royal LePage. Depuis 20 ans qu'elle rêvait d'une carrière dans l'immobilier. Elle devait s'y employer dès que sa mission de mère de famille lui en donnerait la liberté.

L'automne passé, elle suit son cours d'agent immobilier au Cégep Garneau et le réussit. Avant de subir, par la suite, l'examen de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (ACAIQ) pour l'obtention de son permis de pratique, elle a obligation de passer contrat avec une agence de courtage pour qu'elle soit encadrée dans ses premiers pas.

De peur de ne pouvoir se présenter à temps pour l'examen, elle se dépêche de contracter avec un courtier. Elle le regrette. La culture de l'entreprise ne lui plaît pas. Elle joint plutôt Royal LePage, consciente des dommages qu'elle pourrait avoir à payer pour se délier de son premier engagement.

Il faut, selon elle, 20 000 $ au moins pour faire profession de courtage la première année. Tout en ne touchant pas d'émoluments durant plusieurs mois.

«Il faut payer les frais de bannière, les loyers de place d'affaires, les cotisations à l'ACAIQ et à la Chambre immobilière, les placements publicitaires internes (catalogues) et externes (journaux, lettres, circulaires, etc.), les cartes d'affaires», détaille-t-elle. Outre une voiture présentable et un téléphone cellulaire sans lesquels un agent n'en mène pas large. Sans compter, en amont, les frais de scolarité assez onéreux pour suivre un cours d'agent.

«Pourvu que, dans notre première année d'exercice, on entre dans nos coûts. Même si on ne peut se verser de salaire», soupire-t-elle.

Par ailleurs, il faut y mettre tout son temps. À temps plein, insiste-t-elle. «Pour se faire connaître, persuader des gens de nous confier la vente de leur maison et, du coup, leur en trouver peut-être une nouvelle.»

Commissions différées

Dès le départ, l'agent qui commence doit s'armer de patience. Car il s'écoule des mois entre une promesse d'achat faite par ses soins et la passation de l'acte notarié où le vendeur le paie pour ses services. Entre-temps, pour vivre et continuer à assumer ses frais d'exploitation, il lui faut d'ordinaire recourir à une marge de crédit bancaire.

Par ailleurs, nul ne peut prétendre faire profession d'agent immobilier par les soirs.

«Le side line est incompatible avec la profession», dit Bernard Desgagnés, de la maison de courtage Re/Max 1er Choix BD. Il est agent immobilier depuis 1981 et courtier depuis 1987.

Il faut être prêt, plaide-t-il, à servir en tout temps. Qu'on soit débutant ou actif depuis longtemps. Le client n'attend pas.

«Ensuite, il faut orienter nos actions pour que notre nom et notre réputation de bon prestataire de services circulent», dit-il.

Ainsi, il ne faut pas ménager sa présence à des événements sociaux. «Il faut souvent s'arranger pour être invité», préconise-t-il.

Il constate qu'il y a peu de gens dans la société que l'immobilier n'intéresse pas. «L'intérêt est clair, souvent. Mais, tout le temps, il est en vague de fond.»

Beaucoup de particuliers ont des projets, plus ou moins lointains et articulés, d'achat ou de vente. Il faut, selon lui, être prêt à leur tendre sa carte d'affaires. Au moment opportun et avec respect, toutefois.

«Après tout, un agent immobilier, même sous bannière, est un chef d'entreprise. Ou tout au moins un travailleur autonome. Il ne doit jamais cesser de s'occuper de son affaire», rappelle-t-il.

Nouveaux liens

Chaque jour, il lui faut créer de nouveaux liens pour promouvoir ses services. «En joignant, entre autres, des personnes qui essaient de vendre leur maison par elles-mêmes et d'autres dont un premier contrat de courtage a été sans effet», dit-il.

Ce métier n'est pas de tout repos. «C'est une vocation», trouve M. Desgagnés. Il dit que pour l'accomplir, il faut se garder en bonne santé, s'alimenter bien et faire du sport.

En revanche, un bon nombre de nouveaux agents capitulent après quelques mois. La sollicitation, par exemple, les gêne. Ou bien leur famille n'en peut plus d'entendre le timbre du téléphone.

Ils auront dépensé leur argent, avancé parfois par le conjoint ou la famille, en pure perte. Outre l'obligation de casser leur contrat, contre dédommagement, avec leur courtier.

Résister à la tentation

L'été, continue M. Desgagnés, il faut résister à l'attrait de la terrasse et même à la liberté de se lever, le matin, à des heures tardives. Cependant que le cellulaire et l'ordinateur portable, pense-t-il, donnent cette extraordinaire latitude d'aller et de travailler où on veut.

Mme Lacasse, elle, tient pour essentiel de rappeler sans délai. Et de faire preuve de courtoisie. De conseiller avec justesse tout en ayant l'humilité de consulter les experts de sa bannière, faute de ne pouvoir répondre à une question ou pour dénouer un problème.

Elle plaide la nécessité de servir avec autant d'empressement l'acheteur d'une propriété économique que celui d'une propriété de choix. Aussi, elle s'oppose à la vente sous pression. Elle dit que, chez son courtier, c'est aussi la règle.

«Cela est profitable à moyen et long terme. Car les nouvelles demandes de services font souvent écho à un service respectueux et de qualité», estime aussi Mme Lacasse.