Sous le vocable Les Habitations Archi-Beault, il est à deux pas de la ville, tandis qu'il ne renonce pas aux prés, au parfum des fleurs, aux échanges de tout repos entre voisins, au gravier de «rivière», à la conformation rurale des bâtiments et leur robustesse. C'est la matérialisation du rêve d'une quinquagénaire d'origine jeannoise.

Sous le vocable Les Habitations Archi-Beault, il est à deux pas de la ville, tandis qu'il ne renonce pas aux prés, au parfum des fleurs, aux échanges de tout repos entre voisins, au gravier de «rivière», à la conformation rurale des bâtiments et leur robustesse. C'est la matérialisation du rêve d'une quinquagénaire d'origine jeannoise.

«Le rappel rural, oui. Mais avec des matériaux modernes et fiables qui s'y ordonnent et une couleur urbaine dans l'aménagement», plaide la copropriétaire de l'ensemble immobilier, Suzanne Thibeault. Suivre un modèle est sain, trouve-t-elle, mais s'y enfermer trop est mauvais.

Promouvoir commercialement son projet, composé de 24 grands appartements, ça, elle n'y tient pas. Ce qui lui importe, c'est de faire voir sa fraîcheur, son originalité.

En fait, les huit maisons longues - dont les trois qui longent la 138 s'autorisent un caractère urbain plus marqué - comprennent chacune trois logements à portails et entrées distincts. Elles ont le même caractère que les grosses maisons de ville ou de chefs-lieux d'autrefois.

En fait, dit Mme Thibeault, elles subissent l'attraction de la maison canadienne de 185 ans, rénovée avec soin, mais avec quelque accent de modernité, établie en haut du croissant. Croissant dont la forme est soulignée par un rond de virage, juste au bout de la rue de la Verrerie.

Espace Libre

Sur le lotissement, dirigé dans le même sens que la ligne de lot de l'ancienne propriété agricole, il n'y a pas de clôture. La circulation à pied des locataires est, en principe, libre. Chaque ménage, par ailleurs, dispose d'un espace à jardiner sur le terrain même de l'immeuble locatif qu'il habite.

Cependant, il y a bien quelques petites clôtures à claire-voie, comme celles qui entouraient les croix du chemin du temps jadis, pour délimiter des jardinets ou des terrasses privées. Tandis qu'aux abords d'une bande de sol champêtre, qui s'interpose entre le lotissement et le parc industriel, se trouve un potager commun près duquel on se réunit parfois pour le barbecue ou pour bavarder.

Mme Thibeault est bachelière en architecture, consultante en mise en oeuvre et en rénovation de bâtiments résidentiels et commerciaux. Elle montre au Soleil un petit massif de mûriers. «Nous avons mis tout en oeuvre pour le conserver», déclare-t-elle.

«Comme les marmottes qui s'agitent discrètement à proximité et les arbres matures que nous avons sauvegardés sans que la nappe phréatique ne se dérobe sous leurs pieds, les mûriers étaient là avant que nous arrivions. Ils contribuent tous à l'émancipation du petit quartier que nous formons et à son cachet rustique», explique Mme Thibeault, qui se jure d'assurer, par disposition testamentaire, la pérennité de l'ensemble sans l'enfermer dans un «schéma intouchable».

Si cette petite place, dont les fils d'électricité et de télécommunication sont enfouis, induit une culture d'habitation et une plus grande interaction entre voisins, elle n'est ni hermétique, ni interdite d'accès. Elle prend part au bâti «urbain» environnant tout en s'y différenciant.

Bras droit

Les huit bâtiments «trifamiliaux» ont la carrure qu'il faut pour tenir 500 ans, pense Mme Thibeault. «Quant à leur vieillissement, il faut le planifier dès le premier jour. Il ne faut pas attendre 20 ans avant d'intervenir», soutient-elle.

Elle plaide qu'ils ont été construits solidement et consciencieusement. Ce, avec le concours des Constructions Instincts de l'endroit.

Elle en remet: son mari, Gilles Girard, également copropriétaire, lui fut d'un grand secours. Tout comme ses enfants, France, Jennifer et Steeve. En leur qualité respective d'architecte de paysage, de récréologue et de chargée de projet, et de technicien en génie civil. Enfin, Germain Julien, technicien en architecture, son bras droit.

Les huit «pavillons» sont parés de clins de Canexel, un matériau repeignable, qui a l'apparence et la texture du bois. Elle croit que sa durée de vie utile peut atteindre 100 ans.

De plus, ils sont à ossature de bois avec planchers de béton. «Avant de couler la chape de béton des demi-sous-sols, des lames de styromousse, couvertes d'une membrane de polythène, ont été disposées. Sur la chape, une chambre d'air, puis un plancher dur, un isolant souple et, enfin, le plancher flottant», détaille-t-elle.

Bien entendu, chaque immeuble a son numéro civique affiché de façon conventionnelle. Encore que chacun est repris contre le bâtiment qui lui est propre, mais suivant une calligraphie affilée et «artistique». L'effet est intéressant.

Milieu intergénérationnel

Mais qui donc sont les locataires de vos maisons? Quelle est leur condition, leur qualité, leur origine? demande Le Soleil.

«Ils sont de la région de Québec et d'ailleurs. Ils sont seuls parfois, forment des ménages avec enfants souvent, sont retraités à l'occasion. Le lieu de travail de certains est dans le parc industriel», répond Mme Thibeault. Le milieu, résume-t-elle, est intergénérationnel.

Ce sont tous, d'après elle, des gens de coeur. Ils ont tous été admis sans enquête de crédit. Une lettre de recommandation de leur institution financière était toutefois requise.

Le Soleil a rencontré un couple de locataires. Elle est infirmière dans un centre hospitalier, lui est préposé aux bénéficiaires dans un autre. Ils habitaient sur la Rive-Sud. C'est en passant, ce printemps, qu'ils ont aperçu l'ensemble immobilier. Le concept leur a plu. Ils ont décidé de solliciter un logement. Un autre ménage était candidat de premier rang, mais il y a renoncé. Ils l'ont finalement obtenu.

«Nous l'habitons depuis un mois. Et nous sommes comblés. Il nous va, aussi bien que le milieu, comme un gant», disent-ils. Cela, à près de 800 $ mensuellement, chauffage exclu.

DU RÊVE À L'IMMOBILIER

Suzanne Thibeault achète, en 1998, une maison ancestrale, le long de la 138, près du «centre-ville» de Saint-Augustin-de-Desmaures. Déjà, elle rêve d'une «république idéale» de locataires qui graviterait autour de la demeure, construite en 1821, qu'elle aime appeler «la doyenne».

Ce petit quartier, selon son voeu, tiendrait tête aussi bien au tumulte de la ville qu'à l'austérité du parc industriel, en contrebas. Il serait, par ailleurs, en harmonie avec la nature et s'interdirait le plus possible de bouleverser le sol.

«Je l'envisageais parce que je sens que notre monde en a besoin et parce que je souhaitais que mes petits-enfants, en tant que légataires éventuels, se souviennent mieux de moi», raconte-t-elle.

Un séjour de quelques mois en Australie, début 2002, l'éclaire. La manière des Australiens de faire leurs parcs la soulève. Elle est touchée par le respect qu'ils ont pour la conformation du sol et son hydrographie, pour les plantes et les bêtes qui y habitent. Elle n'en revient pas. «Ici, dit-elle, on a la manie du bulldozer.»

De retour, elle fait part de son concept d'habitations à la ville nouvelle de Québec. Elle obtient la permission de déplacer «la doyenne» près de la ligne de lot, à l'ouest. Sur la partie laissée libre, trois immeubles locatifs «blancs» seront édifiés, mais en décroché pour que le regard du passant puisse se diriger sur la vieille maison.

Puis, avec son mari, elle acquiert, de la Ville, un lopin d'une largeur approximative de 215 pieds, qui descend brièvement jusqu'à la «frontière» du parc industriel.

Elle convainc ensuite les prêteurs. Ils s'ajustent à son «plan de match» fondé sur l'assurance d'un taux d'inoccupation nul. La valeur actuelle du projet (Les Habitations Archi-Beault) est estimée à 2,5 millions $.

De 2002 à 2004, avec la Ville, elle attache les ficelles. L'ancien arrondissement de Saint-Augustin la soutient. Elle croit que sa localité, à présent défusionnée, s'en félicite encore.

En 2004, le chantier est entrepris. En août de la même année, cinq blocs - rue de la Verrerie - et 15 logis sont prêts à habiter. En juin dernier, les trois derniers immeubles et leurs neuf logements sont à leur tour complétés. Et tous habités. Mission accomplie.

Mme Thibeault dit que s'il fallait donner au projet une fleur emblématique, c'est le chrysanthème qu'elle choisirait. «C'était la fleur préférée de Jacqueline Delisle, qui fut, avant nous, propriétaire de la vieille maison. Une dame de coeur», dit-elle, émue.