Des études le démontrent: les homosexuels sont victimes de discrimination dans les centres d'accueil. Devant ce constat désolant, un promoteur et deux associations de la communauté homosexuelle montréalaise travaillent chacun de leur côté sur des projets de résidence pour lesbiennes ou gais retraités.

Des études le démontrent: les homosexuels sont victimes de discrimination dans les centres d'accueil. Devant ce constat désolant, un promoteur et deux associations de la communauté homosexuelle montréalaise travaillent chacun de leur côté sur des projets de résidence pour lesbiennes ou gais retraités.

Appartement de La Maison urbaine Papineau

Dans le quartier Rosemont, à proximité de l'église ukrainienne, deux résidences pour personnes âgées offrent des services sur mesure à des aînés de la communauté ukrainienne. Dans le quartier chinois, trois établissements ont été conçus pour une clientèle chinoise vieillissante. À Saint-Léonard, qui compte une importante communauté italienne, de plus en plus de résidences sont faites pour plaire à des personnes retraitées d'origine italienne. Un tout nouveau projet, Les Jardins d'Italie (Giardini d'Italia), promet d'ailleurs «un concept à l'italienne». On y trouvera des bassins et des fontaines, à l'extérieur, de même qu'un jeu de bocce. Il y aura aussi un endroit pour faire son vin, et les repas, promet-on, seront cuisinés par un chef italien.

Les résidences pour personnes âgées sont le reflet de la société, constate Mariette Lanthier, directrice de l'Association des résidences et CHSLD privés du Québec, qui représente 500 établissements. «Depuis plusieurs années, les personnes âgées se regroupent par communautés culturelles, dit-elle. À un âge avancé, elles ont tendance à se rassembler avec d'autres qui parlent la même langue, partagent les mêmes coutumes et ont les mêmes affinités religieuses.»

Même s'ils ont immigré ici il y a 40 ans, plusieurs, en effet, n'ont jamais appris le français (ni l'anglais). Ils sont fortement enracinés au sein de leur communauté respective. Traditionnellement, ils étaient pris en charge par les membres de leur famille, souligne Mme Lanthier. Mais comme les couples plus jeunes travaillent tous les deux, beaucoup ne peuvent s'occuper de leurs parents âgés. Ces derniers ont besoin d'un environnement qui leur ressemble.

Une autre communauté, celle des gais et des lesbiennes, planifie la construction de résidences pour ses membres d'un âge avancé.

«C'est compréhensible que les homosexuels veuillent eux aussi se retrouver avec des gens qui ont une même expérience de vie, estime Mme Lanthier. Les promoteurs ne font que répondre à la demande.»

Un réel besoin

Il y a un réel besoin pour ce type d'établissement, estime Yves Lafontaine, rédacteur en chef du magazine montréalais Fugues, qui s'adresse aux gais et aux lesbiennes. «Ce besoin sera encore plus important dans cinq ou 10 ans, quand les gais qui ont toujours vécu en communauté atteindront l'âge de la retraite. Ceux qui ont entre 50 ans et 65 ans, aujourd'hui, ont vécu la libération sexuelle et fréquentent les bars. Lorsqu'ils devront se résoudre à aller dans une résidence, ils ne voudront pas se retrouver avec d'autres vieux qui parleront de leurs enfants.»

Le concept fait l'objet de discussions dans le milieu gai partout dans le monde depuis une quinzaine d'années, fait-il remarquer. Il en est question notamment en Allemagne, en Belgique et en Espagne. Un premier immeuble en copropriété conçu à l'intention de gais retraités riches et actifs a vu le jour en Floride en 2002. D'autres projets ont suivi dans le sud de la Californie et en Arizona, deux autres États populaires auprès des aînés.

«Les personnes âgées veulent se retrouver avec d'autres qui pratiquent les mêmes activités, fait remarquer M. Lafontaine. Dans les résidences pour gais ou lesbiennes, les résidants se regrouperont en fonction de leur expérience de vie, qui est l'homosexualité.»

L'idéal, dans un système public, serait que les lesbiennes et les gais soient accueillis à égalité dans les résidences. Mais ce n'est pas le cas, déplore Bill Ryan, professeur adjoint à l'École de service social de l'Université McGill, qui a effectué une étude sur les lesbiennes et les gais âgés dans les résidences. Celle-ci, publiée en mars, fait état de la discrimination dont ils font l'objet.

«Le réseau public n'est pas homophobe, nuance-t-il. Il est en évolution. Mais les secteurs les moins ouverts à l'homosexualité sont les résidences pour les personnes âgées et les écoles. La réalité des gais âgés dans les résidences, en 2006, se compare avec celle des adolescents gais dans les écoles secondaires. Ils se font invisibles. Par peur d'être traités différemment, ils taisent leur relation avec leur conjoint et se cachent pour s'enlacer.»

«L'homosexualité n'a été décriminalisée qu'en 1969, rappelle-t-il. Ceux qui ont aujourd'hui 80 et 85 ans ont vécu les années formatrices de leur vie comme des criminels.» Ils ne déclarent pas ouvertement leur orientation sexuelle et attendent longtemps avant de demander de l'aide, car ils n'anticipent pas un accueil positif. «Ils doivent se censurer, dit-il. En attendant que le réseau s'adapte, il y a un besoin pour des centres particuliers.»

Le problème ne sera pas aussi aigu dans une dizaine d'années, croit-il. Mais la demande ne diminuera pas pour autant pour des résidences conçues pour des lesbiennes et des gais âgés. «En tant que minorité, plusieurs voudront se retrouver ensemble, comme le font les Italiens ou les Chinois âgés.»