Mais la répartition, souvent secrète, de cette commission entre l'agent mandataire (l'inscripteur) et un tiers agent (le collaborateur), auquel échoit normalement la plus petite part, est souvent perçue comme un «ralentisseur» de vente.

Mais la répartition, souvent secrète, de cette commission entre l'agent mandataire (l'inscripteur) et un tiers agent (le collaborateur), auquel échoit normalement la plus petite part, est souvent perçue comme un «ralentisseur» de vente.

Côte-de-Beaupré. Un particulier vend sa maison. Il la confie à un agent. En vain. Puis à un autre. Avec succès, cette fois. La vente, effectuée par un agent tiers qui représente un acheteur, survient assez longtemps après la signature du contrat de courtage.

Au moment de passer acte devant notaire, l'homme constate que son "agent" prend 4 % des 6 % de la commission ; l'agent collaborateur, les 2 % résiduels. Il était pourtant persuadé que le partage allait être égal. Il conclut que les 2 % ont été dissuasifs auprès des agents du réseau interagences. D'après lui, ils ne se sont pas bousculés au portillon, faute d'un avantage pécuniaire suffisant, pour vendre.

«Autrement, dit-il au Soleil, je suis porté à penser que notre maison aurait trouvé preneur bien avant.»

Jardin Mérici, Québec. Une dame mandate une agente indépendante pour vendre son logement en copropriété. Le contrat de courtage est de six mois ; la répartition de la commission, quoiqu'elle n'en savait rien, était de 4 % et 2 %. Ça n'a pas marché et la vente n'a donc n'a pas eu lieu, déplore la vendeuse.

Le contrat est renouvelé pour six autres mois. Il y a repli de la part de l'agente, qui, semble-t-il, montrait peu d'empressement à faire visiter. Cette fois, elle prend 3,5 %, tandis qu'elle accorde 2,5 % à l'agent tiers. La vente n'a toujours pas eu lieu et les visiteurs, rares.

Un mois plus tard, elle signe un contrat de courtage avec une autre agente. Sous la bannière de cette dernière, les agents, en grand nombre, travaillent en étroite collaboration. Cela, par culture d'entreprise. «Une maison confiée à l'un entre immédiatement dans le répertoire des autres. La transaction a lieu un mois plus tard par les soins de l'un d'entre eux. Dans ce cas, le partage de la commission a été kif-kif», dit-elle en montant au Soleil une fiche sur laquelle la commission du collaborateur est inscrite, information à laquelle n'ont généralement accès que les gens du milieu. Sur la sienne, elle n'y figure pas.

La dame, outrée de son expérience avec la première agente, s'autorise ces deux recommandations : réclamez un partage égal de la commission d'une part, faites affaire avec une maison de courtage dont les agents sont solidaires d'autre part.

«À défaut d'un partage égal, sachez au moins comment le partage est fait afin d'appréhender ce qui pourrait éventuellement gêner la vente», insiste-t-elle.

Selon un observateur, cela procède du code de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (ACAIQ), qui stipule que «le membre doit fournir toutes les explications nécessaires à la compréhension et à l'appréciation des services qu'il s'engage à rendre ou qu'il rend«.

Problème d'éthique

D'un autre côté, toujours d'après le code de déontologie (art. 40), l'agent inscripteur ne doit pas subordonner l'agent collaborateur à des conditions déraisonnables.

«Si, par exemple, le premier prend 6 % et accorde 1 % au second, il y a un problème d'éthique. Donner presque rien à un courtier ou un agent est inacceptable», déclare le président et chef de direction de l'ACAIQ, Robert Nadeau.

Il y a des régions ou des localités où le partage inégal des commissions est d'usage. Dans ce cas, l'agent n'est pas tenu de le dire

Encore que le pourcentage d'une commission et son partage peuvent varier selon que le prix de vente de la propriété est de 100 000 $ ou de 1 million $. D'un autre côté, dans une localité affectée par une crise de l'immobilier engendrée, par exemple, par une fermeture d'usine, le taux pourrait différer. Puis M. Nadeau trouve que, suivant le partage de la commission et la conjoncture du marché, il est dans l'ordre des choses que l'agent prévienne le vendeur qu'il «se pourrait que ce soit long et qu'il n'y ait pas beaucoup de visiteurs».

Raisonnable

Paul Éverell est président de la société de courtage Royal LePage Inter-Québec. L'idée que l'agent inscripteur prenne un demi-point de pourcentage de plus que l'agent collaborateur lui semble raisonnable. «Après tout, c'est lui qui encourt les frais de publicité et de mise en marché de la maison», dit-il.

Claire Gelly est agente immobilière sous la bannière Re/Max Accès. Elle tient pour importante la répartition moitié-moitié de la commission bien qu'elle croit que, en ce qui la concerne, cela peut être un peu injuste.

«Car je suis très scrupuleuse dans la définition, la mise à jour et la publicité des propriétés qui me sont confiées. S'il y a changement de saison en cours de mandat, je retourne prendre des photos pour accorder ma publicité en conséquence. Bref, je me donne beaucoup de peine», dit-elle. C'est pourquoi elle se dit tentée de garder «0,5 %» de plus.

Mais si tous les agents et courtiers partageaient les commissions à parts égales, ce serait, selon elle, "une autre paire de manches". Car tout le monde y gagnerait au change. C'est aussi la façon de voir de Jean-Guy Cloutier, agent immobilier au service de Royal LePage Inter-Québec.

Il suppose qu'il vend quatre propriétés dont il est l'inscripteur et six d'autres agents. Plus tard, c'est l'inverse qui se produit. «Ce que je perds ici, je le gagne donc là», interprète-t-il.

Mme Gelly reconnaît, par contre, qu'un agent collaborateur a droit à un traitement honnête dans la prestation de ses services. «S'il n'a pas eu le mandat ni fait la publicité afférente, il aura peut-être visité avec un client 25 propriétés pour en vendre une. Il a droit à une juste rétribution», estime-t-elle.

Quant à lui, M. Cloutier ne peut s'empêcher de penser que, dans un même quartier,où il y a un certain nombre de propriétés du même genre et du même prix correspondant aux besoins d'un acheteur, l'agent immobilier pourrait prendre «fait et cause» pour celle dont la commission est la plus avantageuse. C'est humain.

Enfin, Michèle Gagnon, qui est présidente de la Chambre immobilière de Québec et de la Fédération des chambres du Québec, précise que le pourcentage des commissions et leur partage procèdent de la liberté d'entreprise. Tandis qu'il n'est pas prouvé, selon elle, que la part moindre qui échoit à l'agent collaborateur est un vecteur de «lenteur de vente».

D'un autre côté, c'est souvent l'acheteur qui commande. «Il veut mordicus une maison à tel prix et de telle nature dans un tel quartier. Si l'agent la déniche, que sa commission soit de 2 % ou 2,5 % sur 6 %, il n'a pas le choix. Il conduit la transaction à terme. À défaut, l'achat n'a pas lieu et la commission s'éteint», analyse Mme Gagnon.