En théorie, les deux retraités sont plus riches. En pratique, ils s'appauvrissent pour payer un avis d'impôt foncier qui a doublé, passant de 1812$ à 3525$. «C'est tout à fait injuste! En ajoutant la taxe scolaire, cela représente 350$ par mois, juste pour avoir le droit de rester ici», dénonce Marc Bourret.

En théorie, les deux retraités sont plus riches. En pratique, ils s'appauvrissent pour payer un avis d'impôt foncier qui a doublé, passant de 1812$ à 3525$. «C'est tout à fait injuste! En ajoutant la taxe scolaire, cela représente 350$ par mois, juste pour avoir le droit de rester ici», dénonce Marc Bourret.

Son épouse et lui pourraient vendre à fort prix, évidemment, mais ils ne cherchent pas à se constituer un petit magot. Ils veulent vivre paisiblement leur retraite dans leur maison acquise en 1966, au prix de 5000$. Elle est aujourd'hui évaluée à près de 400 000$. Le cas n'est pas exceptionnel. Un peu partout au Québec, le coût des propriétés au bord de l'eau a explosé.

Des riverains comme le couple Bourret sont désormais pris à la gorge par les impôts fonciers et les taxes scolaires. Ils avaient amplement les moyens de vivre dans leur maison avant que sa valeur grimpe en flèche. Aujourd'hui, on leur propose de prendre une hypothèque pour payer leurs taxes, ou de louer leur maison pendant quelques semaines pour absorber la hausse!

Marc et Thérèse Bourret ont payé 5000$ leur chalet au lac des Trois-Montagnes, à La Conception, à 15 minutes de Mont-Tremblant. C'était en 1966. Il n'y avait rien. Pas même de chemin. Ils s'y rendaient en bateau, avec leurs enfants et leurs sacs d'épiceries. De vrais pionniers!

Aujourd'hui, leur lac s'est embourgeoisé, comme beaucoup de plans d'eau au Québec. Les plus belles maisons se vendent un demi-million de dollars et plus. Et les vieux chalets sont démolis pour faire place à des résidences cossues.

Le couple de 77 ans a eu un choc lorsqu'il a reçu sa nouvelle évaluation foncière. Leur propriété a été évaluée à 398 700$, un bond de 184% par rapport à l'an dernier! Et leur impôt-foncier a

pratiquement doublé. Il est passées de 1812$ à 3525$ d'un seul coup, sans préavis.

«C'est tout à fait injuste! En ajoutant la taxe scolaire, cela représente 350$ par mois, juste pour avoir le droit de rester ici», dénonce M. Bourret.

Les Bourret paient des taxes de grande ville. Mais ils n'ont droit qu'à des services de campagne. Pas grand-chose à part le service de police, le ramassage des ordures et l'entretien du chemin en gravier, cahoteux et poussiéreux. Quand les résidants du bord du lac s'en sont plaints, la municipalité a songé à l'asphalter... moyennant une taxe spéciale, raconte M. Bourret.

Impossible de contester l'évaluation, qui relève de la municipalité régionale de comté (MRC). Comme tous leurs voisins, les Bourret savent qu'ils vendraient probablement encore plus cher que le montant de leur évaluation.

Les résidants ne peuvent pas non plus se plaindre à leur municipalité. Celle-ci n'a de pouvoir que sur le taux d'imposition, c'est-à-dire la somme payable par 100$ d'évaluation.

Au total, l'évaluation imposable totale dans la municipalité de La Conception a gonflé de 88% avec l'arrivée du nouveau rôle, en 2006. Pour équilibrer cette hausse, la municipalité a réduit son taux de taxation. Toutefois, la réduction n'a pas été équivalente à la hausse, car les dépenses de la municipalité ont augmenté de 23% par rapport à l'an dernier.

Mais grosso modo, tous ceux dont l'évaluation a monté davantage que la moyenne - surtout des propriétaires de maisons au bord de l'eau-ont vu leur impôt augmenter. Et vice versa.

Au village, le terrain de certains résidants est évalué à environ 5$ le mètre carré, par rapport à 40$ pour les terrains au bord du lac, soit huit fois plus, constate M. Bourret. «Quand la municipalité dépense, ils paient 1$ et moi 8$», dit-il.

Mais la nature même de l'impôt foncier est d'imposer les contribuables en fonction de leur actif. Un impôt auquel il est difficile d'échapper. Il existe certains mécanismes pour atténuer les chocs (voir autre article en page 3), mais ils ont leur limite. De plus, en créant des distorsions, on s'éloigne de l'objectif fondamental de la taxe foncière.

Le problème des riverains reste donc entier. «C'est au gouvernement de prendre action pour faire une exception pour les résidents qui ont des revenus moyens et qui n'ont pas l'intention de vendre», estime M. Bourret.

D'ici là, certains leur suggèrent des solutions palliatives. Ils pourraient louer une partie de l'année, au gros prix, pour récupérer une partie de l'augmentation des taxes. Mais les Bourret ne sont pas chauds à l'idée. Depuis leur retraite, ils habitent au lac des Trois-Montagnes à l'année. «Viens voir mes garde-robes. Il faudrait que je vide tout ça», dit Mme Bourret.

Ils pourraient contracter une hypothèque ou carrément... vendre. Des voisins des Bourret craignent que les taxes finissent par les expulser.

«S'il faut qu'ils évaluent ma résidence à un million de dollars, je vais mettre une pancarte à la porte. Je vais être obligé de m'en aller. Je ne serai plus capable de payer les taxes», dit Michel Taché, installé au lac des Trois-Montagnes depuis 32 ans. Son évaluation foncière vient de doubler et ses taxes ont gonflé de 40 %.

Lorsque les vacanciers comme lui ont commencé à s'installer au bord du lac, il y a 40 ans, des habitants du village leur faisaient sentir qu'ils leur volaient leur lac. Ironiquement, ce sont ces vacanciers de longue date qui ont l'impression de se faire montrer la porte, aujourd'hui, parce que des millionnaires cognent de l'autre côté.