«Il y a eu une évolution importante dans notre société, où on reconnaît plus spontanément qu'autrefois l'importance des deux parents dans la vie des enfants», souligne d'entrée de jeu Élise-Mercier Gouin, psychologue au service d'expertise psychosociale et de médiation familiale des centres jeunesse de Montréal.

«Il y a eu une évolution importante dans notre société, où on reconnaît plus spontanément qu'autrefois l'importance des deux parents dans la vie des enfants», souligne d'entrée de jeu Élise-Mercier Gouin, psychologue au service d'expertise psychosociale et de médiation familiale des centres jeunesse de Montréal.

Au moment de changer de domicile à la suite d'une rupture, la proximité est perçue comme un élément-clé pour maintenir le lien parent-enfant. «Souvent, les conjoints vont vouloir rester pas trop loin (l'un de l'autre) à cause des enfants», observe Gina Gaudreault, directrice de la Chambre immobilière de Québec (CIQ). Depuis cinq ans, cette préoccupation se fait de plus en plus sentir dans le milieu, note-t-elle.

Maison commune

Phénomène rare et souvent transitoire, certains parents choisissent de vivre dans leurs valises pour éviter que les enfants n'aient à se déplacer. Julie et son ex-conjoint Daniel (prénoms fictifs) partagent leur temps entre la maison où habitent leurs cinq enfants et un même appartement, situé à quelques minutes de là en voiture.

Toutes les deux semaines, papa et maman changent de place. Une solution qui a l'avantage, selon Julie, de permettre une grande stabilité pour les enfants. Ils habitent la même maison, restent à la même école, gardent leurs amis.

«Pour eux, ç'a a été fantastique», approuve Daniel.

Le statu quo a bien servi la mère de 39 ans, qui s'occupait de la marmaille et ne gagnait qu'un maigre salaire en travaillant quelques heures par semaine. «C'était très épeurant, déstabilisant», autant du point de vue affectif que financier, fait-elle valoir.

«On n'a rien divisé du tout, on continue avec le même budget», explique Julie. Daniel assume seul presque toutes les dépenses, et la charge commence à peser lourd, admet-il.

Après un an de ce régime, Julie et Daniel trouvent qu'un appartement pour chaque parent serait plus approprié. Les enfants voyageraient entre les deux. Julie croit que la coupure n'est peut-être pas faite dans la tête des enfants, âgés de 8 à 17 ans. «Les enfants peuvent espérer une réconciliation», pense-t-elle, puisque leurs parents partagent tout.

Mais c'est principalement la perte d'intimité qui les pousse à revoir la méthode. «On ne peut pas avoir aucune vie personnelle», laisse tomber Julie. Elle se sentirait mal à l'aise d'inviter un nouveau conjoint à la maison comme à l'appartement, puisque son ex y vit encore. Daniel ressent le même inconfort.

C'est d'ailleurs pour cette raison que les psychologues Yves Dalpé et Claude Blondeau n'encouragent pas cette pratique à long terme. Tôt ou tard, l'ambiance devient affectée par le manque d'intimité, croient-ils. «Ça nuit à l'évolution des deux personnes», avance M. Dalpé. «Ça va empêcher la relation intime (avec le nouveau conjoint)», renchérit M. Blondeau.

«Ça exige une cogestion dans le quotidien, et c'est très exigeant pour un couple qui est séparé», constate Mme Gouin. Elle note aussi que la notion de résidence diffère entre un enfant et un adulte.

«Pour l'enfant, son lieu de résidence, c'est la personne avec qui il habite, ce n'est pas le lieu physique. Pour des adultes, ne pas avoir leur lieu de vie, c'est plus problématique», estime-t-elle.

Yves Dalpé trouve qu'au début, la maison commune peut aider les enfants à encaisser le choc parce qu'ils ne sont pas bousculés. Mais il faut tout de même qu'ils ouvrent les yeux. «Ce n'est pas vrai que les choses n'ont pas changé», martèle-t-il. L'organisation s'avère dans certains cas une solution alléchante pour les parents affaiblis financièrement lors de la rupture. «C'est mieux de réorganiser le logis, même si c'est plus dispendieux», pense-t-il.

Duplex ou voisins

Le pour et le contre de vivre dans un duplex ou d'être voisins rejoignent ceux de la maison commune. «C'est une solution qui peut être intéressante au départ. Là où ça devient difficile, c'est dès qu'il y a un nouveau conjoint dans le portrait, indique Mme Gouin. On a besoin de reconstruire et de continuer notre vie à l'abri du regard de l'autre.» C'est par contre, selon elle, le modèle qui s'approche le plus de la situation originale pour l'enfant. Il peut, en une même soirée, voir ses deux parents.

Lynn (prénom fictif), 36 ans, vit à deux minutes de marche du domicile de son ex-conjoint. Elle était la première à se réjouir de la situation lorsqu'il a emménagé. Ses filles resteraient dans le même secteur, l'adaptation serait plus facile. Depuis, Lynn a déchanté. «Chaque fois que je sors de chez moi, je risque de le rencontrer. (...) Je me sens brimée dans ma liberté», relate-t-elle. Elle souhaite maintenant déménager loin de lui.

«Je pense que ça (la proximité) a été profitable pour les enfants, mais moi aussi j'ai une place et il faut que je la reprenne», évoque-t-elle. Elle ne se sent pas à l'aise d'entreprendre une nouvelle relation amoureuse.

Même quartier

Bien qu'il n'existe pas de schéma parfait, les trois experts tendent vers un modèle où les deux parents vivent dans le même quartier, surtout lorsque les gamins sont jeunes. Pas trop près, pour que chacun ait son intimité, suggère M. Blondeau, mais assez pour faciliter bien des choses. L'entraide devient plus facile, la logistique moins lourde, ne serait-ce que pour le transport, et l'enfant bénéficie de la présence de ses parents. Il y a peu d'inconvénients à habiter le même secteur, soutient Mme Gouin. «À moins que les gens soient rendus à un point tel que s'ils se rencontrent à l'épicerie, c'est sûr qu'ils vont s'insulter», image-t-elle.

Pascale rêve de vivre à la campagne. Elle pensait s'acheter une propriété dans Portneuf lorsqu'elle a divorcé, mais a changé d'avis. Valait mieux rester près de ses deux filles. Et il était clair que son nouveau conjoint devrait composer avec sa décision. «Ce ne sont même plus des compromis, ce sont des règles (de vie)», expose-t-elle. La proximité avait pour but de ne pas bouleverser leur climat social. La mère évitait aussi bien des casse-tête pour les déplacements. Pascale admet par contre que le succès de cet aménagement est inhérent à la bonne entente qu'elle maintient avec son ex.

«Je vois autant ma mère que mon père», remarque sa fille. Elle sait que si elle vit un conflit avec un de ses parents, elle peut frapper à la porte de l'autre.

«Tous ces modèles existent et sont bons, dans la mesure où tout le monde y est bien. Ce qu'il faut éviter, c'est que la solution qui a été adoptée ne finisse pas abruptement pour les enfants, parce qu'on n'aurait pas prévu les complexités qui pourraient surgir», conclut Mme Gouin.