«On nage dans la brume», résume en riant jaune André Gagné, directeur des services techniques à l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ). Depuis quatre ou cinq ans, le développement urbain rapide a entraîné un stress dans la périphérie des zones métropolitaines, résume-t-il. «On s'approche des terrains moins intéressants!» Moins intéressants au sens de la complexité dans l'aménagement par les entrepreneurs, précise-t-il.

«On nage dans la brume», résume en riant jaune André Gagné, directeur des services techniques à l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ). Depuis quatre ou cinq ans, le développement urbain rapide a entraîné un stress dans la périphérie des zones métropolitaines, résume-t-il. «On s'approche des terrains moins intéressants!» Moins intéressants au sens de la complexité dans l'aménagement par les entrepreneurs, précise-t-il.

Car entre un simple remblaiement et une intégration complète d'une zone à protéger, la marche est haute. Difficile alors sans plan de match clair de faire avancer des projets sans craindre les retards et les dépassements de coûts. «Les exigences ne sont pas définies. Pour trois ou quatre quenouilles, on se fait bloquer...» Alors comment savoir s'il s'agit d'un petit trésor naturel ou d'un simple trou propice pour les moustiques? se questionne M. Gagné.

Pris entre les municipalités, le gouvernement et les groupes de conservation, les promoteurs ne savent plus où donner de la tête. M. Gagné donne en exemple la Rive-Sud de Montréal, où uniquement pour le grand Longueuil, il y aurait pour plus de 700 millions $ en valeur de projets en suspens.

La situation est suffisamment préoccupante pour qu'au printemps dernier, l'APCHQ dépose un mémoire sur la question au ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, ainsi qu'auprès des intervenants du milieu. «On considère que c'est la job du ministère de classifier les milieux humides», insiste M. Gagné.

Dans le mémoire, on suggère notamment de cartographier pour bien identifier et classer les zones problématiques. L'objectif: protéger les habitats naturels, tout en permettant l'intégration de marais, petits cours d'eau ou marécages, lorsque possible, dans les nouveaux quartiers. Des atouts irremplaçables qui deviennent alors un plus, juge M. Gagné. Mais encore faut-il savoir comment le faire.

Tourbillon

«Ce n'est pas nouveau comme problématique», rappelle Bernard Filion, directeur provincial pour Canards Illimités. «Ce qui l'est, c'est le resserrement des règles. Et je trouve dommage que des entrepreneurs soient pris dans un tel tourbillon!»

Canards Illimités encourage donc les revendications des constructeurs pour une réglementation plus claire. «On comprend bien la réaction», assure M. Filion. L'organisme de protection des milieux humides a d'ailleurs modifié sa mission il y a environ trois ans. «Avant, on faisait beaucoup de restauration, mais on perdait quand même du terrain.» Depuis, Canards Illimités se concentre davantage sur l'identification des milieux humides.

Dans la foulée, une cartographie particulièrement détaillée est en train d'être complétée pour la région métropolitaine de Québec. Plus de trois mois de terrain ont notamment été effectués cet été pour valider les observations «papier», alors que la pression commence à se faire sentir ici aussi.

Quant à la Politique de protection des milieux humides, volet de la stratégie de développement durable du gouvernement Charest, il est clair pour M. Filion qu'elle ne représente pas une solution miracle à tous les maux. «Mais elle est nécessaire!»

Cependant, il faudra encore patienter un peu avant d'en connaître la teneur exacte. «On en est présentement à son élaboration. Il reste certaines modalités à définir», a expliqué Chantale Turgeon, l'attachée de presse du ministre Thomas Mulcair. «Notre objectif, c'est de la livrer pour l'automne.»

Mme Turgeon garantit que l'ensemble des mémoires déposés ont été analysés avec considération et qu'il devrait en résulter des «règles claires». Impossible cependant d'en savoir davantage pour l'instant.

«Mon rêve, c'est de m'asseoir avec les entrepreneurs, ceux qui construisent les maisons, et qu'ils me disent ce qu'ils voient sur leur terrain... avant de se commettre», illustre Bernard Filion. «Ils ne doivent pas voir Canards Illimités comme un empêcheur de tourner en rond! On veut travailler avec eux ! Ce sont eux qui peuvent changer le paysage et on veut les aider à bien le faire.» À son avis, tous en sortiront gagnants.

Car nul doute pour M. Filion, ce qui était perçu comme une nuisance il y a une vingtaine d'années est devenu un attrait certain pour les propriétaires.

«Le gens veulent un bel environnement. On perçoit ça!»