Dans le domaine de la construction résidentielle, «la clientèle a toujours témoigné un grand intérêt pour la large fenestration et cette tendance ne date pas d'aujourd'hui», affirme Jacques Vincent, coprésident du Groupe Prével, promoteur immobilier.

Dans le domaine de la construction résidentielle, «la clientèle a toujours témoigné un grand intérêt pour la large fenestration et cette tendance ne date pas d'aujourd'hui», affirme Jacques Vincent, coprésident du Groupe Prével, promoteur immobilier.

«Avec l'essor du loft, on avait déjà de très grandes fenêtres. Dans les projets résidentiels aujourd'hui, il y a un intérêt pour des ouvertures mur à mur, du plancher au plafond. Une grande fenestration donne une illusion de profondeur et d'espace notamment dans des logements qui sont devenus aujourd'hui plus petits qu'auparavant», poursuit-il.

Le défi architectural consiste alors à offrir un maximum d'ouverture tout en respectant à la fois le caractère du quartier dans lequel s'inscrit le projet et surtout les règlements d'urbanisme.

Voir et être vu

Si ces ouvertures du sol au plafond sont «très appréciées et très demandées», selon M. Vincent, il n'en demeure pas moins que certains propriétaires n'en jouissent pas complètement à terme. Installé au troisième des neuf étages d'un ensemble résidentiel dans le Vieux-Montréal, Paul a, par exemple, vu s'ériger en face de chez lui, de l'autre côté de la rue, un projet immobilier semblable à celui dans lequel il réside. «Des voisins trouvent que ça leur coupe maintenant une partie de la lumière et la vue sur le centre-ville», dit-il. Ayant des fenêtres de cinq pieds de large sur sept pieds de haut, il lui a fallu depuis «prévoir des tentures, des stores en conséquence, surtout le soir» afin de préserver une certaine intimité.

Car être bien chez soi signifie entre autres être à l'abri des regards indiscrets. C'est pourquoi, le Code civil du Québec impose le respect de certaines règles concernant l'aménagement des fenêtres et de tout autre ouverture. Ainsi, il y est simplement stipulé qu'on ne peut avoir de «vues droites» (directes), c'est-à-dire des fenêtres ou des portes au verre transparent, à moins de 1,50 mètre de la ligne séparant notre terrain de celui du voisin. Cette règle ne s'applique pas lorsqu'il s'agit d'ouvertures donnant sur la voie publique ou sur un parc, ou encore lorsqu'il s'agit de portes pleines ou au verre translucide. En somme, comme le fait remarquer Francis Lefebvre, agent technique au service des permis et des inspections de l'arrondissement de Ville-Marie à Montréal, «seules les vues illégales sont définies dans le code civil».

Qu'est-ce qu'alors une vue légale? Les vues appartiennent d'une certaine façon à tout le monde. Certaines peuvent néanmoins être achetées et notariées. «Si un droit de vue est enregistré, on ne peut y toucher. La servitude est notariée», précise M. Lefebvre. Avant de se lancer dans un projet, tout architecte ou promoteur immobilier doit normalement s'informer de l'existence ou non de servitudes de vue que pourrait détenir un voisin. «On les prend en considération. Puis, soit on s'y adapte, soit on demande une dérogation et tout dépend ensuite de la bonne foi du voisin», témoigne Saber Cayouette, chef d'atelier chez Cardinal, Hardy et associés, architectes.

L'intervention ou l'opposition de la Ville est seulement motivée par des questions de sécurité, appuie M. Lefebvre. Les règlements d'urbanisme à Montréal définissent la hauteur de tout bâtiment, mais pas le droit de vue. Quant au code du bâtiment, y sont essentiellement définit les dimensions des ouvertures quand celles-ci se font face et que chacune des fenêtres appartiennent à un propriétaire différent.

Moralité de l'histoire, à vouloir bénéficier d'une vue, on devient finalement l'objet de certains regards. Est-il possible d'éviter toute déconvenue de ce genre? «Normalement, le client est prévenu à l'avance des possibilités d'évolution. C'est au vendeur de bien informer son client des contraintes dans le voisinage à long terme», estime Saber Cayouette.