L'ambivalence ne date pas d'hier. Interrogé à ce sujet, le designer d'intérieur Jacques Demers prend le temps de réfléchir. «On peut exploiter les deux de façons différentes et tout aussi intéressantes, dit-il. Tout dépend des goûts et des besoins.»

L'ambivalence ne date pas d'hier. Interrogé à ce sujet, le designer d'intérieur Jacques Demers prend le temps de réfléchir. «On peut exploiter les deux de façons différentes et tout aussi intéressantes, dit-il. Tout dépend des goûts et des besoins.»

Dans la disposition de cadres, la symétrie est souvent la règle. Cependant, l'asymétrie bien étudiée est également attrayante, souligne le designer. À coup sûr, l'effet sera plus personnalisé, décontracté, ce qui influera sur l'atmosphère de la pièce.

Il a récemment placé des cadres de façon asymétrique dans un décor très symétrique. Le résultat l'a surpris lui-même. «La pièce a pris toute sa signification ainsi. L'asymétrie des cadres a fait ressortir tout le reste.»

Des insertions dans un plancher peuvent également briser la monotonie, tout comme l'emplacement des meubles et l'éclairage de façon asymétrique risque de donner un effet plus dynamique à une pièce.

Ordre et rigueur

La symétrie permet, quant à elle, de bien circuler et peut favoriser la discussion lorsqu'il s'agit d'une pièce de séjour. Mais il ne faut pas perdre de vue qu'elle évoque l'ordre, la rigidité et la rigueur. «Et parfois même la froideur», ajoute M. Demers.

«Le résultat peut être statique et on comprend vite où le créateur voulait nous amener. Cela ne laisse pas beaucoup de place à l'interprétation», estime l'architecte Pierre Bouvier.

L'architecture classique a été longtemps dominée par la symétrie. Cette aspiration à un idéal de beauté, les architectes pensaient l'atteindre par la rationalité. Un triomphe de la raison sur le désordre des passions.

«Clarté, harmonie, règles, ordre, mesure, c'est ce qu'évoque la symétrie», explique Marc Grignon, historien de l'architecture à l'Université Laval. Cette recherche de la sérénité, de l'équilibre, de la cohérence par la réflexion, le respect des proportions avait quasiment force de loi au XIXe siècle.

Les bâtiments se devaient d'être en parfaite adéquation avec leur fonction. Les lignes étaient droites et on recherchait la symétrie et la rigueur géométrique. Le Musée des beaux-arts de Québec en est un bel exemple, souligne Marc Grignon.

En revanche, le XXe siècle a vu émerger progressivement la prépondérance de l'asymétrie. Parmi les exemples les plus célèbres figure la maison sur la cascade Kaufman de Frank Lloyd Wright avec ses blocs asymétriquement disposés. Encore aujourd'hui, les déconstructivistes représentent une force dominante de l'architecture contemporaine, dont certains des plus reconnus au monde : Peter Eisenman, Zaha Hadid, Franck Gehry, Daniel Libeskind et Bernard Tschumi.

La tour de l'hôtel de ville de Bruxelles n'est pas située au centre du bâtiment. La légende veut que l'architecte se soit suicidé en plongeant du haut de la tour en constatant son erreur. Toutefois, il semble plutôt qu'elle soit décentrée parce que l'aile droite n'a pu être construite au complet, les autorités de la Ville voulant préserver une petite rue située au bout de l'édifice. (Photo Kathleen Lavoie, Le Soleil)

Dans tous leurs bâtiments, l'asymétrie est le facteur principal d'organisation. «On sent le mouvement, le rythme. Et l'intérêt se trouve dans la composition de la façade qu'on peut regarder longtemps sans se lasser», indique Pierre Bouvier.

Ces architectes sont en quelque sorte les élèves des maîtres du mouvement moderne tels que Mies Van der Rohe et Le Corbusier qui ont amené et développé l'asymétrie au premier plan en architecture.

«Le béton a vraiment signé l'arrêt de mort du classicisme et enclenché une révolution», expose M. Bouvier.

Jacques Demers prône l'utilisation de l'asymétrie avec parcimonie et surtout avec discernement, sinon le résultat peut être disparate et dérangeant.

«L'asymétrie rythme une pièce lorsqu'on l'utilise dans les accessoires et l'éclairage, par petites touches», suggère-t-il. Mais pour lui, la symétrie a un je-ne-sais-quoi de plus. «J'aime beaucoup ça. C'est apaisant de voir l'équilibre que cela crée», conclut-il.