Vivre à deux pas du Schwartz's, de l'Espace Go, de l'Ex-Centris ou encore du cinéma L'Amour (!) séduit son lot d'acheteurs. Les célibataires, en particulier, y voient de grands avantages.

Vivre à deux pas du Schwartz's, de l'Espace Go, de l'Ex-Centris ou encore du cinéma L'Amour (!) séduit son lot d'acheteurs. Les célibataires, en particulier, y voient de grands avantages.

Depuis un an, Chantal Gilbert et Guy Connolly sont propriétaires d'un condo sur le boulevard Saint-Laurent. Étonnamment, ils ont déménagé dans un ancien entrepôt de fourrure reconverti parce qu'ils en avaient assez du bruit qui sévit jour et nuit au coin de l'avenue du Mont-Royal et de la rue Clark. Sur la Main, ils trouvent enfin la paix désirée! «Les bureaux de notre maison d'édition donnent sur Saint-Laurent, alors que nos appartements privés font face à la ruelle. Le matin, ce n'est pas le trafic qui nous réveille, mais le chant des oiseaux», affirme Mme Gilbert.

Chantal Gilbert savoure la vie sur sa terrasse avec vue sur le boulevard Saint-Laurent.

Pourquoi la Main? Le couple voulait une adresse connue pour son entreprise, tout en résidant dans le Mile End, un quartier qu'il adore. Grâce à un fenêtrage offrant une barrière acoustique, le bruit ne les atteint pas et tous deux peuvent profiter au maximum de tous les services de la prestigieuse artère: tortillas et bagels frais, cafés sympathiques et bons restaurants. Tout est accessible à pied.

Mme Gilbert admet aussi que vivre sur la Main lui fait un petit velours. L'artère célébrant cette année son 100e anniversaire a toujours possédé un pouvoir d'attraction. Mais entre le désir d'y passer une nuit et d'y vivre, il y a toute une différence! Pourtant, beaucoup font le saut. Du Vieux-Montréal jusqu'au nord de l'île, les projets immobiliers avec façade sur Saint-Laurent se multiplient.

Résultat: le boulevard se transforme et en plus d'être une artère commerciale, il devient un milieu. Un phénomène qui réjouit Ghislain Dufour, directeur général de la Société de développement du boulevard Saint-Laurent. «Pour nous, une artère en santé présente une mixité de fonctions», dit-il. L'époque de la ségrégation entre commerces et résidences est révolue. Montréal se donne des airs de Paris et de New York!

Auparavant, seuls les pauvres se résignaient à habiter dans une artère commerciale très fréquentée. Mais le boom immobilier actuel, de meilleures techniques de construction, la climatisation et l'augmentation des ménages d'une seule personne changent la donne. «On réussit maintenant à éliminer les effets négatifs que comporte une rue commerciale sur l'habitation», constate Michel Boisvert, professeur d'urbanisme à l'Université de Montréal.

La cohabitation entre commerces et résidences engendre une multitude d'avantages, affirment les urbanistes. On améliore ainsi la sécurité du quartier, on crée davantage d'animation urbaine, on maximalise l'espace urbain et on favorise la mixité sociale. «Les acheteurs sur Saint-Laurent sont des gens qui s'amusent dans la vie. Le cocooning, ce n'est pas pour eux», constate Robert Gauthier, pro-moteur des Parislofts, un projet «adjacent à Saint-Laurent» presque terminé.

Séparé du boulevard Saint-Laurent par le parc des Amériques, le projet Paris Lofts propose des lofts branchés dans l'ancienne usine Paris Star.

De plus, on ne perçoit pas la circulation sur la Main aussi négativement que sur Papineau ou De Lorimier. «On lui attribue une cote positive en raison de ses nombreux avantages. Ça devient branché d'y avoir une adresse», explique Pierre Bernier, agent immobilier à La Capitale du Mont-Royal. D'autres raisons expliquent aussi sa popularité, dont le fait que dans certains secteurs, il n'y ait rien à louer ou à vendre. Le boulevard se présente alors comme l'unique option.

Cet engouement pour la Main, les promoteurs l'ont vu venir. Jean-Guy Lagacé a démoli le restaurant Lychee pour construire 49 condos, avec espace commercial au rez-de-chaussée, entre la rue Villeneuve et le boulevard Saint-Joseph. «C'était un gros investissement, mais l'emplacement était une garantie de succès», affirme M. Lagacé, président de Groupe Lagacé.

Mais puisque les terrains vacants se font rares, ce sont surtout les projets de reconversion qui prolifèrent. Traditionnellement, les étages servaient de bureaux, mais la demande diminuant, c'est le résidentiel qui prend la relève. Signe de cette tendance, Antonio Oliverio va convertir le 4236, Saint-Laurent, édifice historique datant de 1911, en 11 luxueux lofts. Le bâtiment doté d'une façade en terracotta a hébergé une multitude de bars dans son histoire (dont le Crocodile), mais son propriétaire en a eu assez de ces locataires temporaires.

Cet automne, des copropriétaires remplaceront pour de bon les piliers de taverne. Prix minimum pour un loft: 246 000$. Selon le promoteur, ce projet vise surtout les jet-setters. «Saint-Laurent intéresse les coureurs automobiles, les acteurs et les gens du cinéma», clame-t-il.

Mais l'agent Pierre Bernier n'est pas de cet avis. «Les acheteurs sur Saint-Laurent sont des jeunes trentenaires, oeuvrant rarement dans le milieu artistique, ou des empty-nesters, constate-t-il. Pour y habiter, la Main est moins glamour qu'on l'imagine!»