«De plus en plus de gens d'ailleurs viennent nous visiter exclusivement pour se procurer nos produits», affirme le maire, Jean-Guy Charest. Si les commentaires à propos de ces nouveaux commerces sont généralement positifs, certains le sont moins. C'est le cas de François Trépanier, un résidant de l'arrondissement Outremont, à Montréal, qui dit visiter Kamouraska annuellement depuis 40 ans.

«De plus en plus de gens d'ailleurs viennent nous visiter exclusivement pour se procurer nos produits», affirme le maire, Jean-Guy Charest. Si les commentaires à propos de ces nouveaux commerces sont généralement positifs, certains le sont moins. C'est le cas de François Trépanier, un résidant de l'arrondissement Outremont, à Montréal, qui dit visiter Kamouraska annuellement depuis 40 ans.

«La belle maison qui appartenait à Alphonse Dionne est devenue un magasin général aux couleurs criardes. Le beau potager qui l'entourait a cédé sa place à un stationnement. On a aussi ajouté, en bas, un restaurant avec des murs violets, qui fait une vilaine éclaboussure sur le fleuve et les montagnes qui se dressent à l'horizon. Les bâtisses sont belles. N'eussent été des couleurs, je ne me serais pas offusqué», lance M. Trépanier, dont nous publions la lettre d'opinion dans notre page éditoriale.

Le propriétaire de ces commerces, René Ferrero, est arrivé au pays en provenance de Bordeaux, en France, alors qu'il n'avait que 10 ans. C'est un coup de coeur qui l'a amené à Kamouraska, il y a 16 ans. Depuis, il habite le secteur avec sa famille. Architecte de formation, il défend bec et ongles ses réalisations. «C'est une couleur ocre, que l'on retrouvait fréquemment entre 1870 et 1890, particulièrement dans l'arrière-pays et sur la côte gaspésienne. Nous avons retrouvé les anciennes photos de la maison qui abrite le magasin général, et en avons effectué la restauration en respectant l'architecture d'époque. Ceux qui s'offusquent superficiellement et émotivement de cela, ne sont ici que quelques jours, alors que nous y vivons», explique-t-il, ajoutant que grâce au comité d'urbanisme, Kamouraska est l'un des villages du Québec qui contrôlent le mieux son développement commercial.

Quant au restaurant L'Amuse bouche, les spécificités des anciennes maisons québécoises auraient encore ici été respectées. «Jusqu'à la fenestration et à la cuisine d'été», précise M. Ferrero. Ce restaurant, avec terrasse en bordure du fleuve, sert d'endroit de dégustation des produits du terroir offerts au magasin général.

«Des résidants se sont plaints de la construction du restaurant, parce qu'ils perdaient une partie de leur vue sur le fleuve. Mais le propriétaire d'un terrain peut en faire ce qu'il veut», explique le maire Charest.

Claude Poulin, un estivant de Sillery, possède une maison à Kamouraska depuis 1976, juste à côté du magasin général. Lui non plus n'aime pas cette couleur et s'est opposé à l'érection du restaurant. «La rue Chassé est l'une des plus belles des villages du Québec, avec sa magnifique percée sur le fleuve. Je crains que d'autres commerces s'y installent», dit-il.

Touristes

Ces opinions en valent d'autres. Tous les touristes rencontrés à Kamouraska n'avaient que de bons mots pour l'endroit et saluaient l'arrivée de ces commerces à vocation touristique. «Ce n'est pas agressant et ça cadre bien avec l'endroit. Nous aimons marcher et visiter les boutiques. C'est un atout», constate Anne Delaney, d'Ottawa. Son petit garçon, Ryan, ne semblait pas voir les choses du même oeil, mais son humeur émanait de ses pantalons mouillés, résultat d'une petite chute dans le fleuve! Lise Morin, de Toronto, qui visite Kamouraska régulièrement, a aussi constaté ce «virage touriste» et estime que c'est un atout supplémentaire. «Les magnifiques paysages, eux, ne changent pas.»

Denise Pelletier tient la boulangerie allemande «Niemand» depuis 11 ans, en compagnie de son conjoint, Jochen Niemand. On y offre du pain frais, des pâtisseries et autres produits, tous uniques et biologiques. «Au début, nous étions pratiquement seuls. Maintenant, c'est vrai qu'il y a beaucoup de commerces. Pour ne pas nous dénaturer, il faudra que tous donnent de l'amour et de la qualité à ce qu'ils offrent», dit-elle, s'inquiétant du même souffle pour les jeunes.

«Des terrains devraient être mis en disponibilité à Kamouraska pour les jeunes qui veulent s'y construire. Ce n'est pas possible actuellement», dit celle dont l'équipe prépare, chaque matin, aux aurores, le pain et les pâtisseries fraîches du jour.

La municipalité a réglementé l'ouverture de commerces. On ne peut désormais ouvrir n'importe quoi, n'importe où. Tout doit passer par le comité d'urbanisme.

«Les estivants et les propriétaires permanents devraient s'asseoir avec le comité d'urbanisme, pour discuter de leur vision du développement à Kamouraska», ajoute Mme Pelletier, dont le commerce n'est ouvert qu'en été. «Il est impensable de demeurer rentable avec quatre clients en novembre», image-t-elle, confirmant ainsi la tendance. Paradis estival, Kamouraska se vide en hiver. Les touristes résident dans la dizaine de gîtes de l'endroit. Un nombre jugé suffisant en été. Le Motel Cap-Blanc accueille lui aussi des visiteurs. Cet automne, Le Relais, démoli l'an dernier, fera place à un autre complexe hôtelier de 16 unités.

Beaucoup d'emplois

L'industrie touristique est salutaire pour Kamouraska. Les retombées économiques se chiffrent en millions de dollars et le nombre d'emplois saisonniers qui y sont rattachés varie entre 150 et 175. C'est énorme pour une municipalité de 707 résidants. «Cela dépasse maintenant les emplois dédiés à l'agriculture», note le maire, qui caresse un projet de camping municipal.

Le défi est grand pour l'avenir. «Nous voulons garder notre achalandage touristique, en conservant les charmes de nos sites pittoresques. Les gens ne viennent pas ici pour l'architecture, les couchers de soleil, le paysage, le fleuve ou les commerces, mais pour l'ensemble. Et c'est cela que nous devrons conserver. Nous ne sommes plus une destination de passage, mais une destination touristique.»