À l'heure du Protocole de Kyoto et des hausses du coût d'énergie, beaucoup se disent en accord avec le virage écologique. Mais quand vient le temps d'agir, à la maison comme dans tout autre domaine, les bonnes intentions s'évanouissent très souvent.

À l'heure du Protocole de Kyoto et des hausses du coût d'énergie, beaucoup se disent en accord avec le virage écologique. Mais quand vient le temps d'agir, à la maison comme dans tout autre domaine, les bonnes intentions s'évanouissent très souvent.

 David Leslie, qui s'intéresse à l'architecture verte depuis 25 ans, remarque qu'il existe toute une palette entre ceux qu'il appelle «les verts pâles et les verts foncés». Beaucoup plus rares étant les derniers.

Les avenues choisies pour habiter une maison saine, durable, écologique varient énormément. Pour réduire l'impact de la construction sur l'environnement, chacun y va de ses ingrédients.

Chez les puristes, les vrais engagés, les idées sont illimitées. Tout d'abord, ils prennent le temps de choisir les matériaux. M. Leslie, qui oeuvre comme architecte à Québec et en Estrie, préfère les produits naturels, les moins transformés possible, pour limiter l'émission de gaz à effet de serre. Le bois, la pierre, l'ardoise, plus bruts, s'imposent. À moins qu'ils n'exigent un très long transport, depuis l'Europe, par exemple. Il recherche généralement des matières locales.

M. Leslie, pour qui écologie et santé vont de pair, favorise des produits «sains pour la personne qui les pose, sains pour la personne qui vivra dans la maison et sains face à leur entretien». «Il faut aussi se demander ce que le matériau deviendra si on démolit. S'agira-t-il d'un déchet ou est-ce qu'on pourra le recycler?»

Depuis l'engouement écolo des années 90, les compagnies ont mis en marché une panoplie de produits étiquetés «verts», mais qui ne se valent pas tous, prévient l'architecte. Pour s'y retrouver, il recommande de chercher l'ÉcoLogo. Le sigle, représenté par une feuille d'érable et trois oiseaux, a été établi par Environnement Canada en 1988 et il assure que le produit respecte certaines normes environnementales.

Les centres de rénovation tiennent de plus en plus une ligne de produits verts, souligne Stéphane Laflamme, de la section québécoise du Conseil du bâtiment durable du Canada. Il pense notamment à la norme nord-américaine FSC (Forest Stewardship Council) pour le bois obtenu à partir d'une saine gestion des forêts.

Question d'énergie

Certains isolants répondent aussi à des caractéristiques écologiques. Leur fonction même a une grande importance en architecture verte, qui vise avant tout l'économie d'énergie. Une maison saine doit être bien étanche. Et M. Leslie souligne une belle avancée de ce côté, ces dernières années.

Bien que non certifiée, la paille comme isolant trouve aussi des amateurs dans le monde de la maison saine. Ses fibres végétales sont alors enduites d'un crépi à base d'argile stabilisé à la chaux, explique Marie-Ève Sirois, une des rares spécialistes dans le domaine au Québec.

Mais certaines municipalités limitent son utilisation, craignant les risques pour le feu (bien que plusieurs tests effectués aux États-Unis se montrent rassurants, note Mme Sirois). Les institutions financières hésitent aussi à financer de tels projets, ajoute M. Leslie. «Il y a beaucoup de travail à faire en matière d'urbanisme dans les municipalités, croit-il. Il y a souvent des règles de zonage qui restreignent la construction de bâtiments sains.»

Lui-même a parfois du mal à imposer sa vision, notamment en ce qui a trait à l'orientation de la maison. Comme les gens le faisaient autrefois, il aime utiliser le soleil pour réchauffer (et éclairer) les pièces principales qu'il place idéalement plein sud. Mais dans les nouveaux quartiers, la chose est souvent impossible.

Pour aller chercher de l'énergie plus naturellement, il reste les systèmes solaires, la géothermie (qui puise la chaleur du sol) et les éoliennes.

Vivre en ville

À la coopérative d'habitation Vivre en ville, on retrouve encore des radiateurs électriques. Mais tout est prévu pour installer éventuellement un système à eau chauffée à l'énergie solaire passive.

Cette coop construite rue Saint-Olivier a été conçue dans une optique saine et écologique. Elle prend place dans un édifice qui a été incendié, explique la présidente, Véronique Jampierre. On parle donc de récupération.

 Fait inusité, la toiture est en partie végétale. Les jardins qui trônent sur le toit servent d'isolants thermiques et acoustiques. Ils filtrent l'air, captent l'eau de pluie et permettent de diminuer la pression sur les égouts (bien que pour faire une réelle différence, il faudrait que plusieurs bâtiments soient munis d'une toiture végétale). Mais avant tout, ce recouvrement vert ravit ceux qui en profitent, en plein coeur urbain.

C'est là le but premier de l'architecte Martin Brière qui a piloté le projet. Il faut selon lui arriver à «créer un milieu de vie en ville qui se rapproche de ce à quoi on aspire en Amérique du Nord, soit une cour, du gazon, des arbres». Le tout afin de contrer l'étalement urbain et ce qu'il entraîne comme l'empiétement sur les terres agricoles et la pollution causée par le transport.

Novoclimat

Traduction plus courante d'un souci écologique, de plus en plus de ménages optent pour la maison Novoclimat, établie en 1999 par l'Agence d'efficacité énergétique du Québec (AEE). Cette maison, qui permet d'économiser 25 % d'énergie, est construite à partir de matériaux de meilleure qualité, de portes et fenêtres éconergétiques, par des entrepreneurs spécialement formés. Environ 1000 maisons Novoclimat ont été construites au Québec depuis six ans.

Toutes ces précautions environnementales ont cependant un prix. Des matériaux sains et durables coûtent plus cher. Une bonne finition exige un travail plus long. Les maisons Novoclimat sont aussi inspectées, ce qui augmente leur prix. Elles coûteraient entre 3000 $ et 5000 $ de plus qu'une construction neuve conventionnelle. Mais l'économie d'énergie engendré par ce choix permet un retour sur l'investissement en sept ans, d'après l'AEE.

Cette agence préside actuellement un groupe de travail qui révise la réglementation sur l'économie d'énergie qui date des années 80. La nouvelle version doit être intégrée au Code de construction du Québec qui vise une application uniforme à tous les types de bâtiments. Les nouvelles normes, qui seront recommandées au gouvernement Charest pour 2007, devraient être équivalentes ou supérieures à celles de Novoclimat, indique Mario Canuel, responsable du dossier pour l'AEE. Elles resserreraient les critères minimaux d'isolation, d'étanchéité, de chauffage et de ventilation.

Le grand problème, explique Hélène Chouinard, porte-parole de la Régie du bâtiment, est de trouver les fonds qui permettront aux municipalités d'assurer l'inspection de ces maisons moins énergivores. La Régie n'a pas suffisamment de ressources. Consommateurs et promoteurs devront aussi être prêts à vivre ces changements.

Quant à l'architecture verte, à proprement parler, elle entre dans les moeurs, mais ne se traduira pas demain dans le Code de construction, souligne Mme Chouinard. «On en est encore à l'étape de projets, de recherche dans les écoles d'architecture, d'initiatives privées, d'essais et d'erreurs», résume-t-elle.

Par ailleurs, depuis quelques années, le Canada a importé des États-Unis la certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), outil d'évaluation des bâtiments verts. Pour l'instant, cette cote ne vise toutefois que les gros projets. La Cité du cirque à Montréal, TOHU, est l'un des plus beaux exemples.

Pour en savoir plus sur l'architecture verte:

Quelques ressources:


- Le magazine écologique Maison du 21e siècle, www.21esiecle.qc.ca.

- L'organisme Vivre en ville voué à la protection de l'environnement en milieu urbain, 522-0011 ou www.vivreenville.org.

- La Société canadienne d'hypothèques et de logement offre un feuillet documentaire sur la maison saine dans son site Internet www.cmhc-schl.gc.ca.

- Le Centre Frédéric Back - Culture et environnement sera inauguré cet automne avenue Salaberry. Avec son grand mur isolé en ballots de paille, ses toitures végétales, son système de récupération des eaux de pluie et sa combinaison (éventuelle) de panneaux solaires, d'éoliennes et de géothermie pour puiser l'énergie, l'édifice regroupant des organismes à but non lucratif servira de modèle pour l'architecture écologique. (522-0005 ou www.centreenvironnement.org).