«Je me suis souvent fait dire d'aller à Brossard, si je n'étais pas contente», se rappelle Huguette Loubert, une résidante du Plateau-Mont-Royal qui partage la ruelle Rivard avec, entre autres, 19 restaurateurs. Les odeurs et le tapage des commerçants l'agaçaient, et chaque fois qu'elle ou ses voisins passaient la remarque aux responsables, une querelle éclatait.

«Je me suis souvent fait dire d'aller à Brossard, si je n'étais pas contente», se rappelle Huguette Loubert, une résidante du Plateau-Mont-Royal qui partage la ruelle Rivard avec, entre autres, 19 restaurateurs. Les odeurs et le tapage des commerçants l'agaçaient, et chaque fois qu'elle ou ses voisins passaient la remarque aux responsables, une querelle éclatait.

Entre les prises de becs, les sacs de poubelles s'amoncelaient dans la ruelle, les employés chahutaient en prenant leur pause tard le soir, et les résidants devaient subir le choix musical des cuisiniers qui travail-laient la porte ouverte.

Au lieu d'appeler les policiers à la rescousse pour une énième fois, Mme Loubert et son voisin, Pierre-Yves Bernard, on initié le Code du bon voisinage. Au bout d'une longue période de documentation, ils ont créé un document qui énumérait les droits et responsabilités des résidants et des commerçants.

Ce code d'éthique demande aux commerçants de respecter plusieurs points: éviter le tapage nocturne, fermer les portes délicatement, ranger les déchets dans un conteneur propre, parler respectueusement aux résidants de la ruelle, etc.

S'ils ont des droits, les citoyens qui partagent leur ruelle avec des commerçants ont aussi des obligations. Quelques entrepreneurs ont d'ailleurs participé à la rédaction du Code du bon voisinage. Ils demandent entre autres aux résidants d'éviter de se stationner dans la ruelle, de déposer leurs poubelles à l'heure et à l'endroit prescrits, et d'être courtois à l'endroit des commerçants.

«Ce sont des choses évidentes, mais il fallait les écrire pour sensibiliser tout le monde», précise Mme Loubert.

L'administration de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal a trouvé l'idée du Code du bon voisinage tellement bonne qu'elle a aidé les résidants à orchestrer un projet pilote dans trois tronçons de ruelle du quartier. L'été dernier, les citoyens et les com-merçants des secteurs visés ont tous reçus le Code.

Les résultats? «Ils sont concluants, affirme Helen Fotopoulos, mairesse de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal. Je n'ai pas de données sur le nombre de contraventions que les policiers ont dû remettre dans ces ruelles, mais ils m'assurent que leur nombre a baissé depuis un an.»

«Les relations s'améliorent lentement et le ton est plus cordial», ajoute Huguette Loubert.

Devant ce succès, l'arrondissement a décidé de faire du mois de juin le Mois du bon voisinage. L'Association des résidants et résidantes du Plateau-Mont-Royal met aussi la main à la pâte, et dès que les fonds nécessaires seront recueillis, elle distribuera le Code du bon voisinage à tous les résidants et commerçants du quartier.

Les aléas de la ville

Le propriétaire de la discothèque Le Belmont, situé rue Saint-Laurent, a amélioré l'insonorisation de son bâtiment après avoir compris les doléances de ses voisins. Marc Sainte-Marie leur demande toutefois de se souvenir que Montréal est avant tout une ville où les commerçants font vivre les quartiers.

«Nous ne sommes pas dans une ville-dortoir. Si les résidants veulent que tout le bruit arrête entre 10 et 7h, ils sont mieux d'aller habiter en périphérie de Montréal», tranche-t-il.

«Ce n'est pas parce que tu fais du commerce que tu es roi et maître, affirme cependant Huguette Loubert. On est prêt à faire des compromis, car on aime le quartier, mais tout le monde doit faire sa part.»

Marc Sainte-Marie et Huguette Loubert l'on fait, leur part, en participant à la rédaction du Code de bon voisinage. Il reste selon eux encore du chemin à parcourir. «Beaucoup de commerçants n'habitent pas le Plateau et se foutent complètement des résidants. C'est un travail à long terme», affirme M. Sainte-Marie.

Huguette Loubert a encore d'autres idées. Elle songe à déposer le Code du bon voisinage dans les banques et les librairies du quartier, et pour motiver davantage les commerçants, créer un «prix du bon voisin» que les résidants remettraient une fois par année.