La chose n'est pas courante. Le designer Denis Fortin parle d'exception, lui qui travaillait l'an dernier sur un projet à Alma, au Lac-Saint-Jean, où la maison, assise sur le roc, intègre de gros rochers. Éléments inusités, incongrus. «Ça peut être extrêmement séduisant», assure-t-il cependant.

La chose n'est pas courante. Le designer Denis Fortin parle d'exception, lui qui travaillait l'an dernier sur un projet à Alma, au Lac-Saint-Jean, où la maison, assise sur le roc, intègre de gros rochers. Éléments inusités, incongrus. «Ça peut être extrêmement séduisant», assure-t-il cependant.

La maison peut devenir un révélateur de l'environnement, comme en témoigne la Villa du lac du Castor. (Photo: Pierre Thibault)

À preuve, une visite dans une demeure de Saint-Nicolas. La maison, construite en 1968 par l'architecte Evans St-Gelais sur le cap rocheux du parc Chaudière, est percée à l'étage inférieur par de gros cailloux. Dans la chambre des maîtres, quelques pierres se mêlent aux plantes au pied du lit. Plus impressionnante encore, la salle de bains est presque entièrement habillée par le roc.

Ces insertions dans la fondation sont toutefois perçues davantage comme un problème par plusieurs experts. De l'eau peut ruisseler, entraînant des inconvénients d'humidité et de mauvaises odeurs, prévient Yvan Blouin, architecte et entrepreneur. Aussi, si le rocher est mal protégé à l'extérieur, il peut communiquer du froid.

Dans son projet, Denis Fortin s'est assuré que le roc était recouvert par le sol et il a fait faire du remblayage pour inverser la pente du terrain et éviter que l'eau ne s'infiltre dans la maison.

Cette salle de bains d'une résidence de Saint-Nicolas est presque entièrement habillée par le roc. (Photo: Raynald Lavoie, Le Soleil)

Quant à André Nadeau, propriétaire de la maison à Saint-Nicolas, il dit n'avoir aucun problème. Oui, les pièces du bas sont un peu plus humides, mais rien d'exceptionnel à signaler, assure-t-il. Durant des rénovations l'an dernier, les pierres ont été nettoyées au jet de sable et au jet de glace sèche (ce qui ne fait aucune poussière), puis elles ont été recouvertes d'un scellant non lustré au fini brut.

Pour transmettre ce cachet naturel à toute la maisonnée, lui et son épouse, Claire Tremblay, ont opté partout pour des matériaux nobles (pierre, bois de chêne, liège, cèdre). Les grandes fenêtres qui s'ouvrent sur un terrain gardé volontairement sauvage contribuent aussi à maintenir cette harmonie organique.

Frontière intérieure extérieure

Car pour fusionner avec la nature, la maison ne doit pas nécessairement intégrer des éléments du site d'origine à l'intérieur même de ses murs. Le rapprochement peut se faire différemment.

L'architecte Pierre Thibault aime étudier un terrain avant d'imaginer ce qu'il y érigera. «L'architecture ne doit pas venir perturber tout le milieu, mais plutôt embellir la nature. La maison peut devenir un révélateur de l'environnement.»

Au pied du lit dans la chambre principale, quelques pierres se mêlent aux plantes. (Photo: Raynald Lavoie, Le Soleil)

Il rappelle que les maisons du Québec d'autrefois étaient faites avec les pierres et le bois qui émanaient du terrain même. La bâtisse semblait émerger du sol, il y avait une sorte de «complicité». «Souvent, aujourd'hui, on sent le coup de poing d'un projet architectural, le contraste par rapport à la nature», remarque M. Thibault.

Avec des clients plus sensibles à leur environnement, «des gens pour qui une balade en forêt procure un réel plaisir», il a pris le temps de s'imprégner des lieux et de créer des maisons qui se fondent dans le paysage.

C'est le cas de la résidence qu'il appelle Les Abouts (bande boisée en bordure d'une terre qui permettait autrefois d'avoir un peu de bois). Le tout a été construit sur la terre familiale des propriétaires, à Saint-Edmond. Une rivière la contourne. Des pierres présentes sur le site ont été quelque peu déplacées pour créer un sentier qui accède au balcon. M. Thibault a aussi ajouré terrasse et toiture extérieures pour laisser croître un arbre qui se trouvait là.

L'architecte de Québec aime créer une ambiguïté entre la maison et son milieu. Dans sa Villa du Lac du Castor, il a fixé des troncs de pins gris à l'intérieur et sur la terrasse. Ils sont un peu inclinés pour se perdre dans la forêt environnante, brouillant toute frontière de part et d'autre des grandes fenêtres. Même un pic bois pourrait s'y méprendre.

La plus spectaculaire intégration architecturale en pleine nature reste sans contredit Fallingwater, création de l'architecte américain Frank Lloyd Wright. Cette célèbre maison est construite en pleine forêt pennsylvanienne sur un rocher, directement au-dessus d'une cascade. Une icône en la matière.

Éléments évocateurs

Mais la nature peut tout aussi bien entrer dans la maison en plein centre urbain. Un puits de lumière, une terrasse, un coin de mousse qu'on maintient humide et qui rend des couleurs et des odeurs intéressantes, M. Thibault énumère ses idées. Lui-même collectionne des pierres rapportées d'un peu partout qu'il dépose au bureau ou à la maison. «Ces éléments ont une forte capacité d'évocation.»

L'architecte raconte qu'il y a quelques années, durant un voyage au Japon, un confrère lui parlait sans cesse de son jardin. À la description qu'il en faisait, il s'attendait à voir un lac, des arbres, une montagne. Quelle ne fut pas sa surprise quand il s'est retrouvé devant le fameux jardin... il ne faisait qu'un mètre par deux, dans un appartement avec une unique fenêtre!

«Les Japonais nous ont donné beaucoup d'exemples pour réussir à se connecter avec une nature plus grande à partir de ce qui est petit. C'est l'idée de sublimer», résume l'architecte.