«Pour nous, louer un appartement c'était comme jeter de l'argent par les fenêtres, raconte Francis Thivierge. Pour le prix d'un 4 et demi, nous allons avoir une maison.» Le jeune homme de 26 ans possède un chalet depuis trois ans et n'avait qu'une idée en tête en quittant le foyer parental: acheter une maison.

«Pour nous, louer un appartement c'était comme jeter de l'argent par les fenêtres, raconte Francis Thivierge. Pour le prix d'un 4 et demi, nous allons avoir une maison.» Le jeune homme de 26 ans possède un chalet depuis trois ans et n'avait qu'une idée en tête en quittant le foyer parental: acheter une maison.

Le couple a amassé des fonds et s'est fait un bon dossier de crédit afin d'acheter une maison à Duberger qui correspond à sa capacité de payer. «En logement, on n'aurait jamais pu amasser de l'argent», affirme Francis.

La situation de Francis et d'Anne est en quelque sorte l'exception qui confirme la règle. Les jeunes quittent généralement leurs parents pour aller vivre seuls ou partager un logement. Et lorsqu'ils quittent le nid, ils se tournent majoritairement vers la location. «Ce marché demeure prépondérant», indique Kevin Hughes, économiste provincial à la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL). En effet, le pourcentage de propriétaires chez les 25-29 ans oscille autour de 38 %.

Elle est révolue l'époque où les jeunes quittaient le foyer quand le temps était venu de se marier et de fonder une famille.

Les moins de 30 ans quittent le nid parental de plus en plus tard. Ils vivent moins en couple qu'avant, prolongent leurs études et ont souvent un emploi précaire. Conséquence: les jeunes sont maintenant moins susceptibles d'accéder à la propriété. «Le style de vie de nombreux jeunes d'aujourd'hui ne milite pas nécessairement en faveur de l'achat d'une maison», indique Kevin Hughes.

Un toit à soi: c'est facile?

Les données laissent pourtant entrevoir une amélioration de l'accès à la propriété. Les bas taux d'intérêt des dernières années ont donné un coup de pouce à plusieurs jeunes familles. Le pourcentage de premier acheteur qui est à la hausse le montre bien.

Le nombre de Canadiens qui sont propriétaires atteint également des sommets inégalés. Au Québec, moins de la moitié des ménages (tous âges confondus) étaient propriétaires entre 1951 et 1971. Cette proportion est passée à 53% à en 1981 pour atteindre un sommet de 58 % en 2001.

Ces indicateurs font toutefois référence au revenu moyen de la population. Or, le problème de l'accès à la propriété se pose avant tout pour les jeunes ménages dont les revenus sont inférieurs à la moyenne. Selon Statistique Canada, tous les groupes d'âges, sauf les 55 ans et plus, ont vu leur situation financière se dégrader depuis 1991. Ainsi, le taux d'accession à la propriété chez les 25 à 34 ans a chuté de 46 % à 40 % entre 1981 et 2001.

«Les jeunes de moins de 44 ans n'ont en général pas connu de hausse de revenu au cours des 20 dernières années», explique Roger Sauvé, un analyste qui a mené une vaste étude sur la situation des familles canadiennes pour l'Institut Vanier de la famille.

Les jeunes retardent également le mariage et les enfants, qui sont des incitations traditionnelles à l'achat d'une propriété. De 1981 à 2001, la proportion de hommes âgés de 20 à 24 ans faisant partie d'une union est passé de 27% à 14% ; chez les femmes, elle est passée de 46% à 26%. Chez les 25 à 29 ans, la baisse observée a été de 64% à 45% pour les hommes, et de 73% à 57% chez les femmes.

La précarité du marché du travail et le fardeau de dettes sont d'autres raisons qui expliquent souvent que les jeunes éprouvent des difficultés financières, et par conséquent se portent de moins en moins acquéreur.

Difficultés

C'est le cas de Nadia Poulin et de son conjoint Vladimir Bocanin, qui sont dans la fin vingtaine. Elle a décidé de faire un retour aux études il y a trois ans et termine son baccalauréat. Elle va commencer une maîtrise à temps plein à l'automne. Durant l'année scolaire, elle ne travaille qu'à temps partiel alors que son mari travaille à temps plein.

Le couple aimerait acheter une maison, mais leur situation ne le permet pas. «Aucune institution ne va financer l'achat d'une propriété si je ne travaille qu'à temps partiel. Et en plus, j'ai des dettes d'études, remarque-t-elle. C'est difficile, car nous aimerions avoir une maison avec un garage où mon mari, qui est menuisier, pourrait travailler», indique Nadia.

Elle déplore la sévérité des institutions financières lorsque vient le temps d'accorder un prêt hypothécaire à des jeunes. «Il devrait y avoir un peu plus de cas par cas», soutient-elle.

Les prêteurs affirment de leur côté avoir assoupli les règles d'accès à la propriété. La SCHL permet de faire l'acquisition d'une propriété avec seulement 5% de comptant, un montant que l'on peut même emprunter. De plus, des institutions financières permettent des remises sur le solde d'une hypothèque fermée à taux fixe d'une durée de cinq ou sept ans. La Banque Nationale, par exemple, remet 4% sur l'argent emprunté, ce qui peut servir comme capital de départ.

Mais il faut d'abord se voir accorder un prêt hypothécaire, rappelle Nadia Poulin. Et lorsqu'on constate que le %age des ménages de moins de 25 ans ayant un faible revenu est passé de 31% en 1980 à 43% en 2002, la situation des jeunes ne semble guère s'améliorer.

Mais les spécialistes estiment qu'il est difficile de savoir maintenant si le retard qu'accusent les moins de 30 ans dans la formation de leurs ménages, par rapport à la génération de leurs parents, n'est qu'un accident de parcours ou une tendance lourde. «Il va falloir continuer d'étudier la situation de près», prévoit Roger Sauvé.