Les technologues croient, au contraire, qu'ils répondent aux besoins des Québécois que snobent les architectes. Essayons de comprendre pourquoi une guerre larvée perdure depuis plus de 30 ans entre ces deux groupes.

Les technologues croient, au contraire, qu'ils répondent aux besoins des Québécois que snobent les architectes. Essayons de comprendre pourquoi une guerre larvée perdure depuis plus de 30 ans entre ces deux groupes.

Pour Pierre Beaupré, président de l'Ordre des architectes du Québec (OAQ), il ne fait pas de doute que les technologues, après trois ans d'études collégiales, ne sont pas formés pour concevoir des maisons. «Ils suivent une formation technique. C'est aux architectes, avec leurs études universitaires, que revient la responsabilité de la création», affirme-t-il sans ambages.

Pourtant, déplore M. Beaupré, la Loi sur les architectes stipule que les technologues professionnels (TP) peuvent signer et sceller les plans et devis des maisons unifamiliales sans limite de superficie, du nombre d'étages et de coût des travaux. «En fait, ce que dit la loi, c'est que n'importe qui peut concevoir des maisons au Québec. C'est une mentalité qui a de lourdes conséquences», enchaîne le président de l'OAQ.

À preuve, les maisons québécoises sont construites selon la mode du jour, sans tenir compte du style de vie et des besoins de ses habitants et sans être conçues en fonction de l'emplacement. «On privilégie des styles mièvres, comme les manoirs de banlieue, ce qui projette une image passéiste de l'architecture. On vernit le peu de culture des Québécois», renchérit-il.

Il en résulte une architecture résidentielle qui ne tient pas compte des traditions. «Dans le passé, les maisons canadiennes étaient l'aboutissement du savoir-faire de nos artisans. En répétant constamment le même style, on arrivait à quelque chose de bien. On n'a plus les mêmes références culturelles aujourd'hui», déplore aussi M. Beaupré.

Le président de l'Ordre des technologues professionnels du Québec (OTPQ), Alain Bernier, sursaute chaque fois qu'il entend cette éternelle litanie des architectes. «Depuis l'adoption de la Loi sur les architectes qui a permis aux technologues d'oeuvrer dans le secteur résidentiel sous certaines limites, en 1973, les architectes nous font la guerre», affirme M. Bernier.

Ce que veulent les architectes, c'est le monopole dans la conception de tous les bâtiments, dit-il, alors que les technologues favorisent le libre marché. «Si les Québécois veulent payer un architecte au coût de 8 % de la valeur de leur maison, plutôt qu'acheter un plan de technologues à 800 $, c'est leur choix», explique M. Bernier.

En ce qui a trait à la qualité architecturale, le représentant des TP réfute les affirmations des architectes. Si beaucoup de maisons québécoises sont laides, les architectes en sont aussi responsables. «Les Québécois n'affichent pas une grande sensibilité vis-à-vis de l'architecture», déplore-t-il.

Les architectes sont cependant convaincus qu'ils feraient mieux que les technologues. Pourtant, dans le domaine commercial, où les architectes ont le quasi-monopole, la qualité n'est pas toujours au rendez-vous, estime M. Bernier.

Ce à quoi, M. Beaupré réplique qu'il existe deux conditions essentielles pour réaliser une oeuvre architecturale de qualité: il faut un bon architecte et... un bon client.

M. Bernier est cependant d'accord sur un point avec son homologue de l'OAQ. Il trouve le style manoir, actuellement très en vogue, assez déprimant. «Cela dit, j'ai vu autant de manoirs avec tourelle quétaine signés par des architectes que par des technologues. C'est toujours le client qui a le dernier mot», rappelle-t-il.

Yves Carignan, président-directeur général de Dessins Drummond, le plus important concepteur de plans de maisons au Québec, en a assez de cette guéguerre entre technologues et architectes. «De toute façon, ce n'est pas tout le monde qui peut se payer les services des architectes, dit-il. Nos technologues répondent parfaitement aux besoins des Québécois.» M. Carignan accuse aussi les architectes de bouder le résidentiel.

Nos maisons sont-elles laides? Tout cela est subjectif. «S'il est vrai que dans certains secteurs, la qualité laisse à désirer, ce n'est pas notre faute. Les municipalités ont aussi un rôle à jouer. Elles doivent entre autres s'assurer d'une uniformité dans les styles d'un quartier», ajoute M. Carignan.

À long terme, les pastiches des châteaux européens risquent de mal vieillir, prévient M. Beaupré. Seule bonne nouvelle, à son avis, les arbres grandiront, ce qui masquera un peu plus leur laideur...