Une petite cour (12 pieds sur 33) donne sur le salon, la cuisine et la salle à manger. Ce coin de nature judicieusement éclairé se transforme en tableau vivant, selon le temps. L'hiver, les flocons se donnent en spectacle. L'été, les immenses portes-fenêtres laissent pénétrer le jardin.

Une petite cour (12 pieds sur 33) donne sur le salon, la cuisine et la salle à manger. Ce coin de nature judicieusement éclairé se transforme en tableau vivant, selon le temps. L'hiver, les flocons se donnent en spectacle. L'été, les immenses portes-fenêtres laissent pénétrer le jardin.

Mais une cour intérieure n'est pas une révolution, dites-vous. N'empêche, Jean-René Corbeil en a réalisé une avec brio et sans dépenser une fortune. C'est pourquoi il a retenu l'attention du jury des 23es Prix d'excellence en architecture de l'Ordre des architectes du Québec (OAQ).

Des 120 projets soumis à l'Ordre, 32 se sont qualifiés pour la finale de cette année. Parmi ces finalistes, on trouve quelques projets résidentiels. Deux maisons sont également en lice pour le prix Marcel-Parizeau, une récompense destinée aux projets dont le coût des travaux n'excède pas, dit-on, 150 000$.

Toutes ces demeures «finalistes» possèdent sûrement des attributs que les autres n'ont pas. Une chose est sûre, elles reflètent les goûts architecturaux du moment. Voyons voir.

Résidence Chambord

Ce cottage n'était au départ qu'une petite maison d'un seul niveau. Un cour très intime a été aménagée entre le bâtiment existant et le garage au fond de la cour. Agrémentée d'arbustes et d'un plan d'eau, elle constitue aujourd'hui le coeur de l'habitation. Le centre est pavé de béton. Le mur mitoyen du voisin a été peint en blanc crémeux. L'acier galvanisé couvre les autres murs. Ce matériau est non seulement abordable, mais il réfléchit la lumière. Le jardinet devient donc lumineux. Mais il empiète sur l'espace habitable. Les dimensions des pièces sont donc modestes, sans être exiguës. L'ensemble est dépouillé, mais attrayant.

Peut-on vraiment espérer une maison semblable pour moins de 150 000 $? L'architecte Jean-René Corbeil apporte des nuances. «Ce prix exclut les taxes, les frais d'architecte et le coût du terrain. J'ai été le gestionnaire du chantier, je n'ai pas eu besoin d'entrepreneur général et j'ai acheté moi-même la brique, les fenêtres et les poutrelles. Sans compter que le début de la construction remonte à trois ans, alors que les tarifs étaient moins élevés que maintenant.»

Le grand luxe de cette demeure se trouve donc concentré dans sa cour intime. Le reste est simple et discret. Par exemple, les planchers ne sont pas en bois exotique, mais en merisier. Le comptoir de la cuisine n'est pas en granit, mais en stratifié. Les meubles sont simples. «Mais l'achat de fenêtres de qualité était primordial. J'ai donc choisi, entre autres, deux portes-fenêtres de 11 pieds de long chacune», précise l'architecte. Ainsi, l'été, aucune cloison ne sépare les résidants de leur jardin secret.

Le 6747 à 6759 rue Saint-Urbain

La transformation de petits bâtiments industriels de la rue Saint-Urbain, à Montréal, a donné naissance à trois logements très spacieux. L'effet est théâtral. Une vaste mezzanine, ou plutôt un second étage est cerclé de garde-corps en acier perforé.

L'intérêt du projet? «La remarquable exploitation du volume intérieur», affirme Georges Adamczyk, professeur et directeur de l'École d'architecture de l'Université de Montréal. Juré aux Prix d'excellence, le spécialiste explique que ces logements rappellent les ateliers d'artistes européens. «Contrairement aux lofts, qui sont de vastes espaces plats, le modèle de l'atelier d'artiste exploite le volume vertical en introduisant des niveaux grâce aux mezzanines», précise-t-il.

Ce modèle architectural pourrait-il supplanter un jour la mode des lofts, ou même des condos aux allures de loft? «Sûrement pas, car un promoteur ne vend pas du volume ou de la lumière, mais des pieds carrés!» répond-il. Sans compter la présence d'escaliers qui peuvent désenchanter l'acheteur vieillissant. Selon Henri Cleinge, l'architecte du projet, l'ancienne fabrique de vin avait beaucoup d'attraits. «Comme il n'y a pas de colonnes intermédiaires, j'ai pu obtenir un espace très aéré», dit le propriétaire de la maison du 6747, rue Saint-Urbain. À l'avant, là où se trouve un atelier, le plafond atteint 18 pieds. Le langage industriel a été largement exploité. Exemples? Le plancher est en béton et il a été couvert d'époxy, comme dans les usines. Les poutres intérieures sont laissées à l'état brut. Les cadres des fenêtres et les lanterneaux sont en acier galvanisé.

Une immense bibliothèque court jusqu'au plafond. À l'étage se trouvent deux petites chambres, une salle de bains et un bureau. Au niveau de la cuisine, cependant, le plafond n'atteint que huit pieds. À l'extérieur, l'acier Cor-Ten a pris la couleur de la rouille. «Les voisins trouvent ça bizarre, mais intéressant. Ils s'habituent...»

Géométrie bleue

Aux Îles-de-la-Madeleine, les architectes Loukas Yiacouvakis et Marie-Claude Hamelin d'YH2 ont agrandi une maison de vacances grâce à la conception d'une demeure soeur. Leur exploit? Respecter l'architecture naïve de l'endroit tout en distillant une touche actuelle à l'ensemble. Les deux maisons bleues sont reliées par une passerelle. Couverte de cèdre naturel, elle semble transpercer les deux habitations. Ce «jet» commence à l'entrée et se termine, dans la construction neuve par une lucarne.

«Ils ont réinventé les volumes et la géométrie de l'habitation tout en gardant une silhouette traditionnelle. C'est l'art d'être un peu comme les autres tout en étant différent», résume Georges Adamczyk. Dans la maison neuve, un repaire pour les propriétaires, se trouvent la chambre principale, un vivoir et une salle de bains. Les invités logent dans la résidence principale. Pour eux, trois chambres et une cuisinette ont été aménagées au sous-sol. La cuisine, le salon et la salle à manger sont au rez-de-chaussée. Un bureau est situé en mezzanine. Les murs sont immaculés.

Mais les invités ne dorment-ils pas dans une petite maison en retrait, normalement? Effectivement, une inversion s'est produite. «Grâce à leur habitation privée, les propriétaires ont plus d'intimité et peuvent se retirer même s'il y a une fête ou plusieurs enfants en vacances dans la maison principale», explique Loukas Yiacouvakis.

115 studios du Cirque du Soleil

À mi-chemin entre la résidence pour étudiants et l'hôtel-boutique, les studios réservés aux artistes du Cirque du Soleil n'ont rien de rébarbatif. Au contraire. L'architecture sympathique existe. «Ce projet a été réalisé avec élégance et son allure générale est joyeuse. L'ensemble me fait penser aux maisons accrochées aux collines des petits villages en Italie, commente Georges Adamczyk. Cette construction s'impose comme un objet sympathique dans le quartier Saint-Michel.»

À la demande des dirigeants du Cirque, les panneaux d'acier et d'aluminium qui couvrent le bâtiment ont été réchauffés. Comment? Grâce à une peinture de couleur cuivrée. Ce choix permet également une meilleure intégration avec les immeubles de brique brune environnants.

Étonnamment, des cubes jaillissent aux quatre coins de l'édifice. Ils contiennent les suites et semblent en état d'apesanteur. «C'est une façon d'évoquer les acrobates et les artistes du Cirque qui, eux aussi, défient les lois de la gravité. C'est aussi un écho aux conteneurs qui suivent les artistes dans le monde», explique Éric Gauthier, architecte au cabinet Faucher Aubertin Brodeur Gauthier.

À l'intérieur, l'esprit est ludique sans être trop tonique. Les murs adoptent les couleurs de la nature: vert feuille, jaune doré ou orange brûlé.

Un atrium complètement vitré permet aux résidants de se reluquer. «C'est un peu voyeur, admet Éric Gauthier, mais ça permet de rendre l'endroit convivial et ça laisse voir les murs de couleurs qui forment une sorte de patchwork», conclut-il.