Plusieurs fantasmes futuro-fictifs ont été collés à l'an 2000: voitures volantes, structures aériennes, bulles de verre, appartements robotisés. Des idées bien loin du décor d'aujourd'hui. Mais l'exercice reste tentant. Quelle allure aura la maison québécoise dans 25 ans?

Plusieurs fantasmes futuro-fictifs ont été collés à l'an 2000: voitures volantes, structures aériennes, bulles de verre, appartements robotisés. Des idées bien loin du décor d'aujourd'hui. Mais l'exercice reste tentant. Quelle allure aura la maison québécoise dans 25 ans?

Une fois de plus, le cerveau s'emballe, imagine des murs tapissés d'hologrammes, des fenêtres qui captent l'énergie solaire, des matériaux qui changent de couleur, de forme, qui résistent à tout... Holà ! ont freiné une poignée d'architectes invités à en discuter dans les locaux du Soleil. La résidence de demain ne sera pas si méconnaissable. Encore moins au Québec, bastion assez conservateur en matière d'habitation.

Autour de la table, photos et croquis marquent tout de même une évolution, dans la taille, dans la forme, dans les ouvertures et les divisions. Des prototypes que les architectes proposent déjà, mais auxquels beaucoup de gens ne sont pas prêts, remarquent-ils.

Éric Pelletier résume sa pensée : « Les maisons devront être plus petites, plus polyvalentes, de meilleure qualité. Il s'agira de faire plus avec moins. » En effet, lui-même a conçu des demeures de 5,6 mètres de large ! Une dimension qui pourrait devenir courante si les terrains continuent de rétrécir.

Dans ce cas, la logique est mathématique. Pour conserver un semblant d'espace, il faut monter en hauteur. Les deux étages resteront donc, parfois même chapeautés d'un troisième.

Mais le tout ne formera pas nécessairement une masse carrée ou rectangulaire. Plans et croquis suggèrent des formes géométriques, des volumes juxtaposés, d'autres superposés. Autant de blocs qui représentent des aires de vie différentes. « Là, c'est la tour des chambres », pointe à gauche de son dessin très compartimenté Jacques White, professeur d'architecture à l'Université Laval.

Dans un projet de maison futuriste, présenté au Salon de l'habitation de Montréal il y a quelques années, l'architecte Suzanne Bergeron et sa collègue Louise Amiot proposaient une maison dont le plan forme un L. Une charpente en coin, munie d'une passerelle qui sépare deux zones de vie. Car de plus en plus, Mme Bergeron croit que différentes personnes, différents ménages cohabiteront. « Un studio autonome, mais relié à la maison, pourrait accueillir des enfants universitaires en couple, des parents vieillissants, un préposé aux personnes âgées », avance-t-elle.

Ces maisons à angles peuvent en plus créer de l'intimité dans la cour arrière. Aussi, les architectes préconisent de les bâtir sur la marge zéro, c'est-à-dire à l'extrême limite de la cour pour aller chercher le maximum de terrain. Une façon de faire qui demandera toutefois l'assouplissement des règlements de certains arrondissements.

L'entrepreneur général Sylvain Tremblay approuve ces idées. Mais en regardant les croquis et photos fournis par le SOLEIL, il doute toutefois qu'un style plus californien au toit plat s'implante ici. À cause de notre climat, il ajouterait sans contredit une toiture en pente.

La tradition du bois

Côté matériaux, M. Tremblay énumère les classiques pierre, brique et bois en pensant à la maison de demain. Il n'écarte pas les nouveaux composés.

Les architectes, eux, la voient principalement en bois. « Au Québec, c'est culturel », plaide M. White. Pourtant, tout le monde se plaint que cette matière exige beaucoup d'entretien. Mais il y a maintenant des bois traités très résistants, dit M. Pelletier. Et parmi les matériaux sans entretien, plusieurs se détériorent avec l'âge, souligne Mme Bergeron.

Par ailleurs, une conscience écologique qui devrait aller en grandissant pourrait aussi jouer sur le choix des futurs revêtements. M. Tremblay, qui est aussi vice-président de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ) pour la région de Québec, souligne par exemple que le vinyle est fait à base de pétrole.

Dans un autre ordre d'idées, les architectes rêvent à des constructions contemporaines érigées ailleurs dans le monde, exhibant, notamment, un harmonieux mariage de verre et d'acier. M. White pense à l'architecte australien Glenn Murcutt, dont les maisons aux immenses fenêtres coulissantes et aux parements métalliques sont étonnamment chaleureuses.

Le climat québécois freine ici l'utilisation du verre. Mais tout de même, il sera beaucoup plus présent dans l'avenir. Et sûrement plus énergétique. Pour donner l'illusion de grandeur dans une maison plus étroite, rien de tel qu'une belle fenêtre.

Éric Pelletier accorde beaucoup d'importance à ces ouvertures, qu'il compare à des tableaux. Dans ses plans de maisons, il dessine des murs pleins et d'autres très vitrés. « C'est plus économique que de percer des petits trous çà et là de tous les côtés. Ça optimise le processus de construction. C'est tellement simple qu'on peut même aller en préfabrication », dit-il.

À travers ces grandes fenêtres, les pièces rapetissent d'ici 2030. « Je crois qu'on va rationaliser les espaces, qui seront plus ouverts et plus polyvalents », lance M. Pelletier. Il parle aussi de jeux de cloisons pivotantes, qui rendront les aires transformables.

Les chambres et les salles de bains devraient perdre du pied carré au profit des pièces à partager : séjour, salle à manger, cuisine. Le bureau à domicile sera chose courante, prévoit M. Tremblay.

La disposition des pièces pourrait aussi changer pour mieux répondre aux besoins de la maisonnée. Qui a dit que toutes les chambres devaient aller au deuxième étage ?

Parallèlement, la designer d'intérieur Roxana Retamal précise que le décor québécois ne s'épurera pas avec le temps. « C'est blanc six mois pas année à l'extérieur, on a besoin de chaleur. » Le bois assurera toujours cette fonction.

Maisons d'antan

Retour en arrière, Jacques White réintroduit dans la maison de l'avenir des zones tampons du genre cuisines d'été ou tambours. Sa récente étude parle de « pièces annexes réinventées », des pièces trois saisons « moins protocolaires, moins finies, où l'on pourra ranger des choses en hiver ».