Ce spécialiste de la construction de maisons en rondins a opté pour la méthode de poutres et poteaux en bois rond. Une technique traditionnelle utilisée, entre autres, pour les temples en Chine et au Japon.

Ce spécialiste de la construction de maisons en rondins a opté pour la méthode de poutres et poteaux en bois rond. Une technique traditionnelle utilisée, entre autres, pour les temples en Chine et au Japon.

L'effet est saisissant. Un immense foyer meuble le séjour où les billots de pin blanc posés comme de gros bijoux ont parfois 150 ans et un diamètre de 24 pouces. Le plafond monte jusqu'à 15 pieds de haut. Aucun vernsi n'a été posé. Le bois est laissé à l'état brut.

Le chic rustique n'a jamais été aussi prisé. Les constructeurs de bâtiments en rondins se multiplient depuis quelques années. «Je connais une trentaine de constructeurs de maisons de bois rond au Québec, dont cinq ou six dans la région de Mont-Tremblant», observe le fondateur des Maisons de billots Jacques Larivière. Ce maître charpentier a longtemps été seul dans ce coin des Laurentides. «J'envisage d'ailleurs de créer une association», ajoute-t-il.

L'allure primitive et massive de ce type de construction fait encore rêver bien des citadins. L'engouement pour le bois brut s'inscrit aussi dans une tendance en architecture: le retour des matières et des textures. Avec une maison en rondins, ce sont les arbres écorcés à la main - avec les bosses, les noeuds et les imperfections - qui constituent le décor.

«Le bois rond est tellement chaleureux et plus exceptionnel que le pièce sur pièce en bois carré», dit la propriétaire d'une maison en rondins datant des années 40, située elle aussi à Morin-Heights.

L'importatrice de vins a eu le coup de foudre pour cette maisonnette au Canada. Grâce à Douglas Lukian, elle a pu l'agrandir en respectant minutieusement le style. Malgré son penchant pour le design contemporain, elle n'a pu résister à la beauté et à l'authenticité du rondin. Ses trois fils aussi. «Pour eux, c'est sacré de fêter Noël ici», confie-t-elle.

Certains acheteurs argentés vont même s'offrir non pas une maison, mais une résidence de bois rond. «Il y avait moins de clients riches qui cherchaient ce type de construction auparavant. C'est devenu une habitation de luxe», constate André Julien, directeur de Maison Saga. Comme Jacques Larivière, ce maître charpentier maîtrise la méthode ancestrale d'assemblage scandinave. Cette technique artisanale est très prisée au Québec. Une des ses caractéristiques? Les billes se croisent et se prolongent à l'extérieur, à tous les coins (dites têtes de chien).

«L'invention du compas à niveau au début des années 80 a permis un assemblage de type scandinave beaucoup plus précis et plus performant que celui des anciennes constructions de bois rond», précise Jacques Larivière.

André Julien a d'ailleurs combiné cette méthode à celle de poutres et poteaux pour la réalisation de l'Auberge du lac Taureau, près de Saint-Michel-des-Saints.

Aujourd'hui, des constructeurs comme André Julien offrent des chalets-châteaux confortables de quelques milliers de pieds carrés de superficie. Les outils, les connaissances et le matériel se sont améliorés au cours des 20 dernières années. Les maisons faites à la main ont profité du progrès des techniques d'isolation et des assemblages avec goujons ou boulons transversaux, reconnaît la SCHL. «Les maisons en rondins sont plus grandes et les clients rajeunissent», renchérit André Julien, lequel privilégie les billots d'épinette blanche pour la construction de ses maisons.

Combien coûte une propriété en rondins de type scandinave? Le prix d'une maison finie oscille entre 175 $ et 350 $ le pied carré.

Martin Bergeron des Maisons Hestia propose des constructions d'un peu plus de 200 000 $. «Mais l'an prochain, j'en construirai une d'environ 800 000 $», affirme celui qui a réalisé l'hôtel Sacacomie à Saint-Alexis-des-Monts. La demande ne cesse de croître, juge-t-il. «Je pourrais en construire davantage, mais je préfère m'en tenir à mon quota de sept maisons par année.»

La maison en rondins est l'habitation naturelle par excellence. «Elle correspond à l'image de la construction originelle», explique Jacques Lachapelle, professeur agrégé à l'École d'architecture de l'Université de Montréal. Cette image s'inscrit dans l'imaginaire romantique du 19e siècle qui idéalise la nature. Cette architecture plutôt brute s'oppose ainsi aux concepts de la ville et du progrès.

C'est à la même époque qu'apparaît la villégiature de luxe en Europe. Au Québec, la construction du Château Montebello correspond à cet engouement. «On est loin de la misère des bûcherons», note-t-il avec une pointe d'ironie.

Zinzins de rondins

Les acheteurs de maisons en rondins sont des passionnés du genre, notent les constructeurs. «Celui qui se pose des questions sur les difficultés d'accrocher des cadres sur ses murs en bois rond n'est pas un vrai mordu. Dans ce cas, je lui propose la méthode de poutres et poteaux, car elle permet de mettre du gypse entre les poutres», indique Jacques Larivière.

La technique de poutres et poteaux gagne en popularité. Il explique cet engouement par l'arrivée d'Intrawest qui prise cette méthode dans la réalisation, entre autres, de ses condos. Cette technique accentue les éléments structuraux. Les poutres sont parfois visibles à l'intérieur, comme à l'extérieur. Il faut compter un minimum de 35 000 $ pour une allure de poutres et poteaux, estime Jacques Larivière. Ce dernier a étudié en Colombie-Britannique, comme Douglas Lukian, auprès du gourou de la construction de maisons en rondins, le Canadien Allan Mackie.

Maison vivante

C'est connu, une maison en rondins «bouge». Avec le temps, les billots sèchent et leur diamètre diminue. «Après sept ans, les murs peuvent perdre jusqu'à six ou même sept pouces de haut. On doit donc tenir compte de l'affaissement lors de la construction», précise André Julien. Selon la SCHL, peu de problèmes de retrait devraient survenir si le constructeur et les sous-traitants sont expérimentés dans ce type de construction.

Par contre, la longueur des billots demeure plutôt stable avec le temps. La méthode de poutres et poteaux est donc appréciée, car elle prévient le tassement.

Vivants, les rondins requièrent un traitement de finition afin de prévenir la carie, la présence des insectes et la moisissure. À l'extérieur, il est donc important de choisir un revêtement qui laissera le bois respirer tout en rejetant l'eau. Par contre, certaines personnes trouvent les émissions des produits du bois et des revêtements aussi incommodantes que les émissions d'une maison neuve conventionnelle.

Mais si les débords du toit sont suffisants et que de bonnes gouttières sont installées, «aucun revêtement ne serait nécessaire», affirme Jacques Larivière. Pour sa propre maison de bois rond, il a toutefois posé un revêtement à l'extérieur. «Mais j'aurais pu ne pas en mettre», dit-il. Selon lui, la cabane au Canada du 21e siècle redeviendra très naturelle: «La nouvelle tendance est de ne rien mettre sur le bois. Mais les adeptes se font encore extrêmement rares», admet-il.