Avant cette sale guerre qui semble ne vouloir jamais finir, le souk d'Alep, en Syrie, était l'un des plus beaux et des plus vastes d'Orient. Il régnait là depuis huit siècles une animation permanente, pimentée du parfum des épices, du cuir, du savon ou de la laine, ponctuée du martèlement des orfèvres, de l'appel des marchands, du roulement des tombereaux...

Hélas, rien de tout cela ne subsiste, sauf dans le coeur des Syriens. Et dans les oeuvres de Christiane Chami, qui a quitté sa terre natale il y a 14 ans pour s'installer à Montréal avec ses deux filles. C'est à Alep qu'elle avait commencé à représenter des scènes de ce fabuleux souk dans de petits tableaux tridimensionnels pleins de charme.

« Quand j'étais en Syrie, j'avais une grosse production, majoritairement destinée aux touristes - ça se vendait comme des petits pains chauds ! Nous étions une équipe et le travail se faisait plus ou moins à la chaîne. »

Les tableaux qu'elle a conservés de cette époque, irrésistibles, sont comme autant de cartes postales d'un monde disparu. On y voit de minuscules marchands de parfums, d'orfèvrerie, de tissus, d'épices, chacun représenté dans sa boutique avec un luxe de détails charmants, tous patiemment modelés en pâte de polymère ou fabriqués à partir d'objets récupérés.

Depuis quelque temps, Christiane Chami a créé sa marque, L'Atelier du coq à l'âne, et diversifié ses sujets (ceci expliquant cela). Elle peut, par exemple, reproduire grandeur Lilliput un atelier d'artiste, une chambre d'enfant, voire un cabinet de médecin - cadeaux thématiques parfaits pour une naissance, une retraite ou un anniversaire. Elle crée également d'adorables crèches de Noël, tellement jolies que même le dernier des mécréants ou le pire des grincheux voudrait en avoir une sous les yeux à longueur d'année.

«Des poèmes d'amour»

La guerre qui mutile son pays d'origine a éveillé chez cette Montréalaise affirmée une nostalgie qu'elle exprime maintenant dans une série de scènes de la vie quotidienne « d'avant ». On y voit des femmes préparer la confiture de roses ou des brioches devant des maisons calmes aux façades ombragées ; un marchand de prunes ambulant ; un toit typiquement aleppin, encombré d'un fouillis de fils électriques et d'un joyeux bric-à-brac... Encore là, la finesse des détails, jamais dépourvus d'humour, traduit la tendresse qu'éprouve l'artiste pour son sujet. « Ce sont des poèmes d'amour », reconnaît-elle.

À présent en semi-retraite (elle continue de travailler occasionnellement comme interprète français-arabe pour les services sociaux), Christiane Chami peut consacrer plus de temps à ses créations. Elle a entrepris de restaurer des meubles orphelins - de pauvres chaises abandonnées au bord de la rue, auxquelles elle donne une seconde vie pleine de couleurs et de fantaisie - et va commencer une série de scènes montréalaises. Des poèmes d'amour pour Montréal... On a hâte de voir.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La fabrication du fromage d’Alep

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Vinyles nostalgie