Vivre en toute simplicité dans une ville immense. C'est le pari qu'ont fait Erin Boyle et James Casey en élisant domicile dans Brooklyn Heights, àNew York, en juin 2011, dans un micro-appartement de 240 pi2.

Oui, oui, une superficie totale de 240 pi2. En comptant même l'espace occupé par la mezzanine, qui tient lieu de chambre à coucher. Le prix mensuel de la location? 1500 $. Trop cher?

Pas pour ce secteur huppé de Brooklyn qui surplombe l'East River, offrant une vue en plongée sur la pointe sud de l'île de Manhattan. C'est le meilleur compromis qu'ont trouvé les jeunes mariés, qui ont choisi d'emménager dans ce quartier propice au « flânage «, selon eux, avec le Brooklyn Bridge Park en pleine éclosion, au pied de la promenade de Brooklyn Heights.

«Je ne vous cache pas que James consulte tous les jours les sites des agences immobilières, blague Erin Boyle. Mais pour l'instant, nous n'avons rien trouvé qui soit plus abordable et aussi confortable, et qui convienne mieux à nos besoins.»

Deux jours. C'est le temps qu'avaient à leur disposition Erin et James, fraîchement diplômés de l'Université Brown, à Providence (Rhode Island), pour dénicher un appartement dans la Grosse Pomme. Le jour où ils ont posé les pieds pour la première fois dans ce qui allait devenir leur nid, ils ont dû faire preuve d'une certaine dose d'imagination pour flairer le potentiel des lieux : «Le logement était surchargé, le plancher, recouvert de tapis ; de lourds rideaux descendaient des fenêtres. L'esthétique des précédents locataires divergeait en tous points de la nôtre, et refermait encore davantage l'espace sur lui-même. Mais c'était, et de loin, le «moins pire» que nous avions visité», explique Erin. Par mesure de prudence, le couple s'est toutefois contenté de signer un premier bail de six mois seulement.

Lorsqu'ils débarquent en plein été avec tout leur attirail dans leur nouveau pied-à-terre complètement vide, ils sont pris de vertige. «Sans meubles à l'intérieur, on s'y sentait d'autant plus à l'étroit, raconte Erin. J'ai pensé : «Mais qu'est-ce qu'on a fait?» Debout au milieu de la pièce, entourés de toutes nos boîtes empilées, on s'est dit que ça ne marcherait pas, que ce ne serait pas possible, que rien ne trouverait ici sa place.»

Ils avaient tort. Depuis deux ans déjà, Erin tenait un blogue, baptisé Reading My Tea Leaves («Je lis dans mes feuilles de thé»). En juin 2011, elle publie un billet intitulé Life in a Tiny Apartment. Elle y prodigue son premier «conseil de survie» pour rester sain entre quatre murs, une méditation sur l'art de fleurir un environnement miniature. Rapidement, le logis devient un laboratoire pour le blogue, où, une entrée après l'autre, Erin raconte et photographie les micro-projets et rénovations qu'elle entreprend, partage ses trucs pour maximiser l'espace, ses astuces de rangement (toujours ingénieuses), ses trouvailles, etc.

Quelque 63 conseils de survie plus tard (à ce jour), le petit appartement de Brooklyn Heights s'est enjolivé sous les yeux des lecteurs. Si son blogue lui prend le plus clair de son temps, il lui a aussi ouvert d'autres portes. Aujourd'hui, Erin collabore, entre autres, à Gardenista, petite soeur du magazine de design en ligne Remodelista, où elle propose des projets sur le thème du jardinage.

Et la clé pour vivre dans un espace restreint, selon elle? Cela va de soi : réduire son bagage à sa plus simple expression, à l'essentiel. «James et moi n'avons jamais ressenti le besoin de garder, d'accumuler beaucoup de choses, explique Erin. Même si nous disposions d'une plus grande surface, je ne suis pas certaine que nous en posséderions davantage. Et puis l'idée que je peux bouger rapidement, être mobile sans traîner un fardeau à ma suite, me rassure.»

Aussi, Erin s'efforce de rester fidèle à une seule esthétique, de ne pas métisser les genres. Côté décoration, elle priorise les meubles et accessoires qui ont du caractère, qu'ils soient antiques ou pas. Son plus récent achat : une boîte à pâtisseries en métal dans laquelle elle range la terre à rempoter et les graines pour les oiseaux, et qui peut se transformer en petite table de chevet une fois refermée. Elle compose elle-même ses arrangements de petites fleurs délicates, qui lui permettent d'exposer sa collection de bouteilles anciennes en verre transparent (sa seule obsession). Aux couleurs sombres, elle préfère les teintes pâles, claires.

«Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de s'entourer d'objets adaptés à l'exiguïté des lieux. Par exemple, ces chaises, poursuit Erin en pointant vers le coin salle à manger. Il aurait sans doute été plus fonctionnel, et moins encombrant, de s'équiper de tabourets. Mais nous tenions à ces chaises, nous tenions à garder les objets qui nous étaient précieux. S'il y a un élément à retenir, c'est celui-ci : entourez-vous de jolies choses. Même les plus triviales : de la serviette de bain à la poubelle. Parce qu'il vous sera impossible de les ignorer, de les cacher à la vue. Assurez-vous aussi que vos objets soient polyvalents. Ici, la plupart ont plus d'un usage, tout est mobile, réversible.»

Erin se surprend parfois à rêvasser à une grande maison, qui lui permettrait de créer une barrière franche entre vie privée et vie professionnelle, surtout. En attendant, elle fait de son chez-soi la matière première de son travail. «Vivre dans une petite unité nous encourage à sortir, à voir notre voisinage comme une extension de notre appartement. À l'extérieur, on essaie de créer de nouveaux espaces communs. Un peu comme le font les Européens, pour qui ce mode de vie est moins inusité et plus naturel. Et puis, ajoute-t-elle, 240 pi2, au fond, ce n'est pas si petit!»

Vie minuscule... vie immense.