À 29 ans, Laura Gonzalez règne déjà dans la sphère de la déco parisienne. Fuyant le minimalisme des dernières années, elle est l'une des designers qui incarnent le renouveau en aménagement. Elle ne laisse personne indifférent avec ses décors décalés, remplis de papiers peints esprit mamie, de mélanges foisonnants et de détails féminins. Mais c'est surtout sa passion pour les objets de brocante, son style rétro-bohème et sa façon d'actualiser le style vintage qui l'ont rendue célèbre. Rencontre.

J'avais rendez-vous avec Laura Gonzalez au magasin d'exposition Pierre Frey, rue du Mail, à Paris, pendant le salon maison&objet, une foire vouée à la décoration qui s'est tenue le mois dernier.

Dehors, il neigeait. À l'intérieur, l'endroit était bondé. Tout ce beau monde s'était déplacé pour découvrir comment l'architecte avait mis en scène les collections 2013 de la grande maison française, reconnue pour ses tissus d'ameublement et ses papiers peints. Pour l'occasion, la jeune Parisienne avait aménagé plusieurs espaces, dont un boudoir peuplé de bougies, de fleurs, de papier peint à motifs et d'une méridienne.

Atmosphère enveloppante, ambiance rétro, lumière tamisée, le lieu - un condensé du style «Laura Gonzalez» - était propice aux confidences.

«Je n'habite plus dans l'appartement du Marais dont vous avez les photos [publiées dans ce reportage]. Je l'ai prêté, tout meublé, à un cousin, avoue Laura Gonzalez. Aujourd'hui, je vis chez mon amoureux, Benjamin, un styliste de mode pour homme et, éventuellement, nous prendrons un appartement plus grand afin de fonder une famille. Il faut s'y mettre», ajoute-t-elle en souriant.

Silhouette de rêve, charme naturel, esprit vif, cette grande brune parle vite et rigole souvent. Elle raconte sa vie et sa carrière sur le ton enjoué d'une copine. Sympathique et spontanée.

La voilà qui se lève pour replacer un tapis. Elle porte une robe fleurie, un collant gris, des chaussures à talons hauts et un magnifique bracelet doré à chaque poignet. «Je suis assez féminine dans mon style, admet-elle, mais je peux très bien faire du masculin... un masculin plutôt anglais, à la manière d'un dandy qui mélange les patchworks et les tweeds.»

Chic anticonformiste

Malgré son goût pour l'ancien (les antiquités, les papiers peints rétro, les meubles récupérés...) et la surcharge ornementale, Laura Gonzalez ne verse pas dans la reconstitution historique ni dans le luxe ampoulé. Au contraire. «Je me documente beaucoup, car j'ai besoin de références. Je les assimile et après je mélange tout», dit-elle. Pas question, donc, de copier l'histoire. La créatrice n'a pas peur de prendre des risques et de suivre son instinct. «Si on aménage un espace conventionnel avec des cimaises et des moulures, ça marche, mais ce n'est pas drôle. Mon but est de faire un twist. De créer un accident, comme un tag dans un lieu très classique. Même si ça détonne ou ça grince, ce n'est pas grave, cela me plaît. Ma volonté est de créer une atmosphère décalée. C'est ce qui donne de la modernité à mon travail», explique celle qui écume le marché aux puces de Saint-Ouen, tout à côté de Paris, pour ensuite intégrer ses trouvailles dans ses rénovations.

«J'aime le marché Paul Bert, c'est le plus sympa, enchaîne-t-elle. Sinon, je passe mes soirées à chiner sur eBay. Mon père court les ventes aux enchères pour moi et je vais aussi à des foires à la brocante professionnelles où l'on remplit notre camion.» Résultat? «Au bureau, j'ai une pièce remplie de trucs», confie-t-elle. Tour de force: même les accumulations d'objets dans ses aménagements semblent avoir été réalisées sans effort.

Débuts fulgurants

Avant même de terminer ses études, Laura Gonzalez attire l'attention. Contre un iPod, elle aide un ami pour un projet de boutique pour homme. Le résultat est si convaincant qu'elle reçoit de nombreux appels pour d'autres commandes. Dans la foulée, elle présente son mémoire de fin d'études et crée son entreprise (Pravda Arkitect). Le chantier qui l'a propulsée? La décoration du Bus Palladium, mythique boîte de nuit parisienne des années 70. Elle travaille alors jour et nuit pendant trois mois. «J'ai dormi sur la moquette et j'ai arrêté tout le reste, affirme-t-elle. J'avais carte blanche. J'ai donc décidé de taper fort en élaborant un concept.»

Inspirée par les films La famille Tenenbaum et Dogville, elle imagine un décor de maison sans cloisons. «C'est à ce moment que j'ai commencé à chiner intensivement et à mélanger les motifs des papiers peints, révèle-t-elle. Sur place, les ouvriers n'y comprenaient rien et me disaient: Tu as acheté des vieilleries, c'est comme chez ma grand-mère. Eh bien, après, tout le monde a fait pareil...»

Renaissance du rétro

«Pour le décor du Bus Palladium, j'ai largement puisé dans le style des années 50», indique Laura Gonzalez. Trop vu, trop copié, trop branché, la conceptrice s'est, par la suite, tournée vers d'autres périodes. «Je me suis intéressée aux XVIIIe et XIXe siècles et, maintenant, j'explore une partie du design des années 70, c'est-à-dire le mobilier comportant de l'inox, du verre fumé marron et des lignes droites, notamment. Rien à voir avec le plastique orangé», souligne-t-elle.

«Avant j'allais aux puces, j'achetais des chaises des années 50 et je créais une pièce 1950, poursuit-elle. Aujourd'hui, je vais m'inspirer d'une telle chaise, puis je vais ensuite en concevoir une autre dans un esprit contemporain. L'avenir est au vintage redessiné», conclut-elle.

Comment mélanger les motifs?

«Le secret est de rester dans des gammes de couleurs qui s'harmonisent, conseille Laura Gonzalez. Vous pouvez donc faire cohabiter plusieurs motifs de papier peint, pourvu qu'ils soient dans les mêmes tons.»