Du tire-bouchon angélique d'Alessi aux râpes colorées IKEA, les ustensiles de nos cuisines ne doivent plus seulement être pratiques, mais aussi jolis. Après tout, comme l'a dit le designer industriel Walter Dorwin Teague, «le design moderne est entré dans les maisons américaines, non pas par la porte d'en avant, mais par la cuisine». La preuve se trouve au Musée Stewart, qui consacre une toute nouvelle exposition sur le sujet.

Affamé de design, Le design de nos cuisines du XVIIIe siècle à demain retrace l'origine et l'évolution des cuisines résidentielles en Amérique du Nord en rassemblant une foule de pièces provenant de la collection Hotterman d'ustensiles du XVIIIe siècle du Musée Stewart, de la collection Brill du programme Liliane et David Stewart pour le design moderne et du Musée des beaux-arts de Montréal.

Dès l'entrée, le visiteur est replongé au tout début de la colonisation, dans l'univers des premiers colons français. Les ustensiles conviennent à la cuisson sur feu de bois et aux matériaux assez peu malléables disponibles. Ils sont énormes. La moindre écumoire pèse une tonne. N'empêche, on remarque que les pièces ressemblent essentiellement à celles qui remplissent nos tiroirs aujourd'hui, version réduite.

«Plus ça change, plus c'est pareil!», remarque Guy Vadeboncoeur, conservateur en chef du musée. « Tout était plus gros - parce que la source de chaleur l'était aussi -, mais l'ergonomie des ustensiles était déjà assez bien déterminée.»

Et l'on se soucie déjà un peu du look, comme en témoigne un hachoir au manche décoré d'un renard.

La grande révolution

La salle suivante amène une grande révolution: l'arrivée de l'électricité et de l'eau courante dans la cuisine. Les ingénieurs entrent en scène et explorent les moyens de simplifier le travail des ménagères, inventent réfrigérateurs et fours électriques.

C'est à cette époque que naît le plan de cuisine classique avec les trois îlots de travail disposés en triangle pour limiter les déplacements et assurer la plus grande efficacité possible. Le magazine Popular Science publiera même, en 1953, l'article «Comment construire une cuisine à la hauteur de votre femme».

Même si les développements sont d'abord mécaniques, le souci du design devient de plus en plus présent. Dans les années 30 et 40, le style Streamline (paquebot) et ses lignes fuyantes, celui-là même qui influençait l'architecture ou le style des locomotives modernes, s'inscrit dans la forme des théières, des plats, des grille-pain, alouette. La céramique fait son apparition et, avec elle, la vaisselle plus colorée.

Des ingénieurs revendiquent le titre de designers industriels, comme Walter Dorwin Teague, qui remarquera à propos que c'est par la cuisine que le design s'installera dans les maisons des Américains.

La Seconde Guerre mondiale apporte son lot d'innovations et de nouveaux matériaux: c'est l'arrivée, plus ou moins heureuse, de la mélamine, du Formica et du stratifié.

«On quitte la notion de la cuisine blanche et aseptisée. Elle devient plus ouverte sur le reste de la maison et devient le lieu de l'action, même au théâtre et dans les téléromans», note Guy Vadeboncoeur.

Les plats Tupperware et les soirées de vente à domicile sont lancés. Les partys de cuisine peuvent débuter.

Avec les banlieues s'accroit aussi l'engouement pour les barbecues. On a une cour arrière, de l'espace et des voisins à épater. La cuisine se transporte à l'extérieur, mais reste un lieu de rassemblement. Cette partie de l'exposition retraçant une époque pas si lointaine est la plus intéressante, car elle évoque bien des souvenirs tantôt d'un repas pris chez une grand-mère, tantôt d'un plat utilisé par sa mère.

L'avenir

La finale explore ce que nous réserve l'avenir et quelques belles pièces modernes, dont le presse-agrumes de Philippe Stark ou l'égouttoir à vaisselle de Karim Rashid, commercialisé par Guzzini.

«Que nous réserve l'avenir? On ne le sait pas. Il y aura encore des avancées technologiques, mais la cuisine continuera d'être un espace de vie d'une très grande importance», dit Guy Vadeboncoeur.

Et en cette ère de cuisine spectacle, à la télévision comme à la maison, l'apparence des ustensiles et des appareils ne sera certainement pas négligée.

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Du 14 juin 2012 au 14 avril 2013 au Musée Stewart, dans l'île Sainte-Hélène (à 10 minutes de marche du métro Jean-Drapeau). Fermé les lundis et mardis. Gratuit pour les enfants de 6 ans et moins; 10$ pour les enfants plus vieux, les étudiants de 25 ans et moins et les personnes de 55 ans et plus. Adultes: 13$. Familles: 26$.

www.stewart-museum.org