Dans une maison de style contemporain, les moulures se font très discrètes alors que dans une résidence ancienne, au contraire, elles tiennent la vedette. Mais peut-on les faire cohabiter dans une même propriété? Démonstration.

Les architectes de l'agence Kanva ont rénové et agrandi une maison de la fin du XIXe siècle, située dans le quartier de prestige Golden Square Mile, à Montréal. Plutôt que de reproduire l'allure de la maison existante, ils ont créé un nouveau volume en béton, résolument contemporain, en guise d'agrandissement. Quant au bâtiment ancestral, ils l'ont remis à neuf sans toutefois rejeter son caractère traditionnel. Entre les deux, ils ont construit un atrium parcouru de passerelles et qui abrite un escalier desservant les cinq niveaux d'habitation. «Il n'était pas question d'effacer l'ancien, explique Tudor Radulescu, architecte et cofondateur de l'agence Kanva. Nous préférions établir un dialogue entre le passé et le présent, entre le style ornemental et l'épuration, poursuit-il. Et ce jeu de contraste entre les deux volumes n'a rien de conflictuel. Au contraire, c'est ce qui rend la maison unique.»

Avec ou sans moulures? Lors de la mise en place des moulures, deux approches ont été adoptées. Dans le bâtiment d'époque, les moulures sont bien visibles. «Traditionnellement, les moulures avaient une double fonction, celle de dissimuler des joints et, surtout, de participer à la décoration», précise l'architecte. Ainsi, celles qui composent l'encadrement des portes ont été mises en valeur, car elles ont été couvertes d'une teinture foncée (brun chocolat).

Photo: Kanva

L'agrandissement de la maison ancienne loge dans un bâtiment en béton, parfaitement contemporain. Entre les deux, un atrium au plafond vitré a été construit. Les architectes ont opté pour un aménagement dépouillé, d'où l'absence de moulures au haut et au bas des murs. La structure en béton 1 est exposée. Il suffit de pousser cette porte 2 pour accéder à la chambre principale. Des lames de cerisier 3 tapissent le mur, la porte et, surtout, elles sont alignées, afin de produire une continuité. Ce palier 4 est formé de verre structural givré. La couleur des marches 5 et des mains courantes 6 concorde avec celle du mur. Cette uniformité atténue ainsi leur présence. Par conséquent, l'attention est davantage portée sur l'effet de contraste entre le béton brut et le bois lisse.

Toujours dans le respect des lieux, les corniches en plâtre ont été reproduites à l'identique par des artisans spécialisés. Au bas des murs, les plinthes en bois évoquent celles posées à l'origine. Les nouveaux caissons en bois du salon - inspirés de ceux créés lors de la construction - ont également été teints en brun. À l'inverse, l'esprit moderne de l'atrium est accentué par l'absence de moulures. Les lames de cerisier qui tapissent les murs vont du sol au plafond. «En architecture contemporaine, une approche antiornementale est privilégiée, explique Tudor Radulescu. Et lorsque des moulures sont utilisées, elles sont alors rectilignes et d'une grande sobriété. Souvent, elles sont même intégrées dans le plan des murs. L'idée est de les faire disparaître ou de diminuer leur présence.»

Photo: Kanva

L'intérieur de cette résidence ancestrale a été rénové et son style traditionnel a été respecté notamment par la mise en valeur des moulures. Cet encadrement 1 de deux portes coulissantes escamotables est composé de moulures en bois teintes en brun chocolat. Ces nouveaux caissons 2 s'inspirent de ceux installés au temps de la construction. Cette corniche en plâtre 3 a été reproduite et sa teinte contraste légèrement avec la couleur du mur. Cette plinthe en bois 4 rappelle l'ancienne. Le parquet 5 est en cerisier et sa teinture s'harmonise à celle de l'encadrement et des caissons. Des moulures 6 en plâtre ont été installées sur les murs et le volume de l'escalier afin d'évoquer la décoration d'origine.