De l'acier, du bois grossièrement coupé, une tapisserie fanée; mais aussi des lèvres pleines, un repas qui mijote sur le barbecue, une petite auto jaune cabossée... L'Atelier 3/4 fort, ce n'est pas seulement de l'architecture. C'est aussi un mode de vie dicté par l'amour des textures et des matériaux bruts.

Les deux gars de 3/4 fort nous donnent rendez-vous à leur atelier, dans une bâtisse anonyme de Saint-Henri. Ils servent le café sur une superbe table de bois, fabriquée de leurs propres mains. Impossible de déceler, même avec un oeil averti, que la table a été construite avec de vieilles solives trouvées directement... dans les poubelles!

Ce n'est qu'un exemple des nombreux matériaux que Francis Rollin et Éloi Ménard ont sauvés d'une mort certaine. Les jeunes concepteurs de l'atelier 3/4 fort, qui se spécialisent dans la transformation de duplex en cottages, sont passés maîtres dans l'art de récupérer des matériaux découverts au moment de la démolition, pour ensuite les mettre en valeur ailleurs dans la maison.

«En démolissant, on trouve des trésors», lance Francis Rollin. Bois de sous-plafonds, pièces de plomberie, passe-fils anciens: rien de tout cela ne doit être jeté quand on peut en faire des lampes, des tables, des comptoirs...

«On aime quand les matériaux qu'on travaille parlent de l'endroit où ils ont été récupérés», poursuit Francis Rollin. Comme dans ce duplex de Villeray transformé en cottage: une nouvelle fenêtre a été taillée dans la façade; lorsque le morceau de bois résiduel est tombé, les concepteurs se sont rendu compte qu'il avait exactement la bonne forme pour devenir une table de salle à manger. De quoi fournir des anecdotes savoureuses chaque fois que de nouveaux invités viennent à la maison.

Le duo recycle aussi des objets trouvés un peu partout en ville. «C'est une célébration de Montréal dans son patrimoine d'objets, en quelque sorte», résume Francis Rollin. Par exemple, ce portemanteau vendu sur leur boutique en ligne, dont les crochets sont constitués de vieux clous d'un chemin de fer de Griffintown. Accrocher son manteau sur un morceau d'histoire montréalais, ça ne se trouve pas chez IKEA!

3/4 fort... Ça vient d'où?

Maintenant, la question qui brûle les lèvres: pourquoi 3/4 fort? Le nom a été emprunté à une expression qu'on entend fréquemment sur les chantiers québécois, comme l'explique Francis Rollin. «Puisque le système impérial n'est pas précis, les gens disent, par exemple: coupe-moi ça à 3 pouces 3/4 fort, ce qui correspond à un peu plus de 3/4. On trouvait ça drôle d'y faire référence.» Le nom est aussi lié à l'aspect brut de leur travail.

Duo

Francis Rollin et Éloi Ménard travaillent ensemble «depuis environ toujours», comme ils se décrivent eux-mêmes sur leur site internet. Ils ont fondé l'atelier il y a deux ans et demi et leur équipe compte moins de 10 personnes. Allergiques à la publicité et aux concours, les deux moitiés de 3/4 fort préfèrent miser sur le bouche à oreille pour se faire connaître. «Souvent, c'est notre dernier client qui parle de nous à ses amis... Donc l'important, c'est que nos clients soient vraiment contents à la fin d'un projet!» lance Éloi Ménard dans un sourire. Il faut croire que ça marche: leur agenda est toujours rempli au moins un an à l'avance.

Francis Rollin et Éloi Ménard sont des récupérateurs dans l'âme, qui redonnent leur âme aux objets. On peut dire que la boucle est bouclée... au moins aux trois quarts.

Pour plus d'information et visiter la boutique en ligne: troisquartfort.com