Le Soleil publie de nouveau cette année une série de textes sur l'ébénisterie. Dans la vie de tous les jours, on touche du bois pour appeler la chance. Dans cette rubrique, on le touchera pour en faire des meubles et d'autres objets délicats et ornés. Toucher du bois, c'est entrer dans le sillage de l'ébénisterie. À partir des rudiments. Cela, avec le concours de deux ébénistes et professeurs, l'un, Éric Thériault, spécialisé en sculpture d'ornementation; l'autre, Pierre Pagé, en finition.

1,618. Pas de panique, il ne mord pas. C'est même un nombre assez simple. Disons plutôt une proportion à partir de laquelle il est possible de déterminer mathématiquement telle dimension par rapport à une autre. En conception de meuble, ce peut être une aide non négligeable.

Le principe est simple : vous déterminez la hauteur d'un meuble (disons 457 mm, soit 18 pouces) et vous vous questionnez sur sa largeur idéale. En utilisant le nombre d'or, l'équation est simple : 457 mm X 1,618 = 740 mm (29 pouces) de largeur. C'est un «rectangle d'or». Ça ne veut pas dire qu'une autre dimension ne sera pas belle. «La beauté est dans l'oeil de celui qui regarde», sans parler que l'histoire de l'art prouve bien que ce qui était beau hier est parfois laid aujourd'hui et vice versa, nombre d'or ou pas.

Difficile de ne pas faire un peu d'histoire sur ce sujet, ce qui le rend d'autant plus intéressant. Il est parfois désigné par la lettre (phi) et ses origines remonteraient à l'Antiquité. Mais c'est vaste, l'Antiquité! Au cours de l'histoire, on nommera ce concept mathématique - dont je vous épargnerai ici la formule algébrique - selon les préoccupations du moment : «extrême et moyenne raison» (Grèce antique), divine proportion sous la Renaissance, puis nombre d'or au XIXe siècle.

Toutes ces époques ont cherché à prouver sans succès l'origine fort ancienne de ce nombre en passant par Dieu, l'Atlantide, les bâtisseurs des pyramides, du Parthénon et bien d'autres. Sans tomber dans ce débat, il est cependant véridique que l'on retrouve cette proportion chez certaines plantes - les spirales engendrées par les étamines de la fleur du tournesol ou celles engendrées par les écailles des cônes de pins, par exemple, certains cristaux - cristal de quartz - ou certaines formes géométriques telles le pentagone, le triangle d'or, le rectangle d'or ou la spirale d'or, lesquels font appel à des notions géométriques, logarithmiques, arithmétiques, etc. Il est également surprenant de constater à quel point les proportions du nombre d'or sont présentes dans la pyramide de Khéops. Malgré toutes ces observations, ce n'est pas une proportion qu'on retrouve dans tous les monuments anciens ni dans l'ensemble du monde naturel.

Chose certaine, ce fameux nombre d'or fut érigé en théorie esthétique selon laquelle on obtient une harmonie parfaite, «naturelle», en calculant en fonction de celui-ci la composition d'un tableau, les formes d'un édifice, la spirale d'un escalier, les proportions d'un meuble ou de quelque autre objet que ce soit.

Pierre Pagé et Éric Thériault sont ébénistes et enseignants à l'école d'ébénisterie Artebois. Vous pouvez consulter les cours de l'école au www.artebois.com ou venir visiter les ateliers au 2450, rue de la Concorde, à Québec.