Faut-il s'offusquer de voir des propriétaires se débarrasser d'armoires en chêne massif sous prétexte que des panneaux à pointes de diamant, c'est passé de mode? Sans porter de jugement sur ce type de comportement, Jocelyn Chamberland tient toutefois à préciser qu'en 2009, il faudrait débourser de 30 000$ à 60 000 $ pour équiper une cuisine d'armoires en chêne massif comme il s'en faisait dans les années 60. Une donnée qui, selon lui, mérite réflexion avant de mettre au rancart ses vieilles armoires de bois.

Jocelyn Chamberland se sent d'autant plus concerné par la préservation des bois durs comme le chêne, l'érable, l'orme ou le noyer qu'il travaille à restaurer des meubles. «Dans ma famille, c'est presque une vocation», dit-il. Son grand-père était peintre d'église, son père ébéniste-peintre et lui dirige l'entreprise Centre le décapeur A.C., que sa famille a fondée en 1979.

 

Le décapage, le sablage et la teinture n'ont pas de secrets pour lui. «À l'âge de neuf ans, je transportais déjà le coffre à outils de mon père, explique Jocelyn en entrevue. Et à l'adolescence, je savais comment utiliser les sableuses et les décapants en fonction des essences de bois.» Tous les trucs et astuces du métier, il dit les avoir appris dans l'atelier.

Or, de toutes les étapes qui mènent à la mise en valeur d'un meuble, c'est le sablage qui lui apparaît la plus délicate. «Quand on reçoit une table de bois dont le dessus est mince comme une feuille de papier, il faut manoeuvrer avec finesse pour ne pas passer à travers la surface. Le sablage devient une affaire de minutie, dit-il, visant à préparer le meuble pour la teinture.»

Mais chaque meuble a sa personnalité. Les bois vieillissent différemment. Ils ont une teinte naturelle qu'on doit respecter. «Par exemple, s'il est relativement facile de passer du clair au foncé, l'inverse pose plus problème», explique encore M. Chamberland. L'artisan nous désigne une table de noyer qui, même après un bon sablage, conserve une teinte miel foncé. «Ce bois-là ne sera jamais clair, lance-t-il, peu importe les traitements que vous lui donnerez.»

Dans la petite entreprise de la 7e Rue à Limoilou, l'équipement s'est modernisé avec les années, mais fondamentalement la restauration reste un travail d'artisan, déclare M. Chamberland. «On n'a pas le choix d'être en contact avec l'objet, ajoute-t-il. Réparer, décaper, sabler et vernir des meubles, c'est du cas par cas. Quand on nous apporte une commode aux coins aplatis, une table à trois pattes ou des chaises sans barreaux, nous devrons d'abord remplacer les pièces manquantes ou abîmées avant de penser à changer la couleur. Et même là, ce n'est pas toujours possible parce que les plastiques moulés qui imitent le bois ne se teignent pas, poursuit l'artisan. Dans ces cas-là, la solution repose sur le faux-fini.»

Au cours de sa carrière, Jocelyn Chamberland a restauré des meubles et des armoires par centaines, «mais ma plus belle réussite, dit-il, c'est la bibliothèque d'un juge dans l'ancien palais de justice de Québec». Depuis une dizaine d'années, l'artisan constate aussi que les jeunes s'intéressent de plus en plus à la restauration de meubles. Plusieurs viennent leur confier des pièces de mobilier dont ils ont hérité ou qu'ils ont déniché dans un grenier. Du point de vue de l'environnement, c'est une belle façon de faire sa part pour le développement durable.

Centre le décapeur A.C., 127, 7e Rue, Québec, 418 524-4736

www.accentreledecapeur.com