Que de préjugés nous entretenons à l'endroit des bois exotiques! Nous les soumettons à la torture dans nos maisons surchauffées. Nous les faisons souffrir sous notre climat à l'humidité instable. Et nous déplorons qu'ils travaillent! Leur beauté, pourtant, l'emporte sur les irrégularités et les imperfections qui les distinguent de nos essences locales.

Que de préjugés nous entretenons à l'endroit des bois exotiques! Nous les soumettons à la torture dans nos maisons surchauffées. Nous les faisons souffrir sous notre climat à l'humidité instable. Et nous déplorons qu'ils travaillent! Leur beauté, pourtant, l'emporte sur les irrégularités et les imperfections qui les distinguent de nos essences locales.

Le bois est un matériau vivant, que nous devons traiter avec beaucoup d'égards dès le moment où nous le coupons. Zebrano, acajou, ébène, teck: les bois exotiques plaisent. Comme tous les matériaux vivants, ils prennent de l'expansion et ils rétrécissent au gré des variations d'humidité et de température. Pour ne pas regretter son achat, il suffit de tolérer ses imperfections et de s'adresser à un vendeur qui connaît son affaire.

Les bois exotiques réagissent de la même façon que l'érable ou le merisier: ils travaillent. Mais dans nos maisons humides en été et surchauffées et sèches en hiver, ils travaillent plus que dans des pays où l'humidité est constante à 90 % à longueur d'année. Ça ne veut pas dire de se priver de meubles ou de planchers en bois exotique. Au contraire. Ils sont souvent si beaux qu'ils transforment les objets en oeuvres d'art. Leurs couleurs, leurs veinures, leur imputrescibilité, leur grain: on aime tout ce qui les distingue de nos bois locaux.

Avant d'acheter un meuble ou des lattes pour son plancher, il faut s'assurer que le bois soit bien sec, avec un taux d'humidité maximum de 6 à 8 %. Ça, seul un vendeur de bonne réputation pourra vous le confirmer, convient Georges Kassabgi, président de l'entreprise Les Ventes Nagam à Montréal, grossiste en placage de bois. «Le bois exotique, c'est comme les montres Rolex, tu n'achètes pas ça au coin de la rue», dit-il. Il vend aux grosses ébénisteries et aux artisans des placages de bois d'Afrique, d'Asie, d'Indonésie et d'Amérique du Sud, qui proviennent d'arbres dont les troncs ont été tranchés en Europe ou aux États-Unis. Fabriquer des placages d'une épaisseur de 0,7, de 0,6 et même de 0,3 millimètre requiert de la machinerie d'une précision extrême, que les pays producteurs n'ont pas les moyens de s'offrir.

 Les bois exotiques massifs ne courent pas les rues. Parce qu'ils coûtent très cher et parce que les beaux troncs vont d'abord dans les usines de placage. La prochaine fois qu'un voisin vous montrera ses armoires de cuisine en acajou ou en zebrano, il se peut qu'il s'agisse d'un placage de bois collé sur un panneau d'aggloméré. Et c'est très bien. Le placage est plus écologique que le bois massif parce qu'on en coupe davantage pour une même quantité de bois. «Qu'ils soient en érable ou en ipé, on en demande beaucoup à nos meubles», constate le designer d'intérieur Jean Martel, qui utilise beaucoup le bois dans ses propres créations. «Le chauffage au bois, c'est épouvantable pour les meubles. Ils souffrent.»

Si un jour vous achetez en Thaïlande une table de bambou, vous pouvez être certain que son bois va «bouger». Il peut même fendre ou se tordre parce qu'il a été habitué à un milieu où l'humidité est à 90 %. Quel choc il subira dans votre salon, à côté du foyer, sur un tapis, où l'air est archi-sec.

Acclimater le bois

Et si, en plus, le meuble a traversé l'océan dans un conteneur suintant, sans protection, il aura absorbé plus que sa part d'humidité, qu'il perdra une fois chez vous, c'est garanti. «Mais il va finir par s'acclimater, assure Georges Kassabgi. De toute façon, le bois ne peut pas devenir plus sec que l'air ambiant.» Pour minimiser le mouvement du bois, il faut donc essayer de garder un taux d'humidité constant toute l'année. Jean Martel affirme que le teck est le bois qui travaille le plus.

 Les boutiques Mâ et Villa, dans le quartier Saint-Roch, achètent souvent des meubles dont le teck a été «recyclé». «Comme il a déjà travaillé, il sera moins sensible aux écarts d'humidité», mentionne Andréanne Laporte, gérante chez Villa. Le jatoba, le cabreuva, l'ipé et le cumaru, entre autres, vous feront des planchers remarquables, à la condition que les planches soient ancrées à tous les six pouces, mentionne M. Kassabgi. Le bambou, très dur, gagne également en popularité ; comme c'est une graminée, il arrive très vite à maturité, soit en une dizaine d'années. Il s'agit d'un choix écologique. Jean Martel vous recommande de huiler vos planchers de bois exotique. «Le vernis plastifie le bois, ça l'empêche de bien vieillir, explique-t-il. C'est du gaspillage. Et en plus, le vernis ne se répare pas si le plancher est égratigné.»

Écologie

Les forêts tropicales n'échappent pas à la menace des multinationales qui les exploitent. Un mouvement en développement vise à assurer leur reboisement continu sous contrôle gouvernemental. Le FSC (Forest Stewardship Council) et le SFI (Sustainable Forestry Initiative), deux certifications internationales délivrées par des organisations indépendantes, garantissent aux acheteurs que le bois provient d'une forêt exploitée selon des critères écologiques et sociaux. Plus les architectes, les ébénistes et les grosses compagnies exigeront des bois écologiques, plus les multinationales se sentiront moralement obligées d'obtenir une certification.

Les bois exotiques

AFRIQUE

Acajou : Arbre des régions tropicales dont la couleur varie du brun rougeâtre au rouge clair. Donne une très belle finition.

Bubinga : Bois foncé avec, à l'occasion, un veinage rouge violacé.

Ébène noir : Bois de l'ébénier, noir foncé, au grain uni, très dur.

Iroko : Couleur brun-jaune à brun plus ou moins foncé, avec reflets dorés.

Padouk : Rougeâtre à rouge-orangé, strié de veines plus sombres. Exposé à la lumière, il prend une belle couleur brun foncé. Imputrescible.

Sapele : Couleur similaire à celle de l'acajou, mais texture plus fine. Stable.

Wenge : Veinage bicolore, au grain plutôt grossier.

Zebrano : Bois d'un brun-jaune clair, avec des veines brun sombre, fines et nombreuses. Son placage évoque la peau du zèbre.

ASIE

Hévéa : Arbre à caoutchouc qui donne du latex jusqu'à l'âge de 30 ans. Grain dense. Grande durabilité. Très stable.

Merbeau : Jaune marron foncé jusqu'à rouge flammé. Très dur. Grain grossier.

Sheesham : Très dur, très dense, son charme vient des irrégularités et des imperfections de son grain.

Teck : bois précieux et imputrescible, mi-dur, recommandé pour la fabrication des ponts de bateaux, ainsi que des meubles intérieurs et extérieurs.

AMÉRIQUE DU SUD

Amarante : Lourd et dur, grain fin, de couleur violet plus ou moins foncé qui s'accentue avec la lumière et le temps.

Bambou : Graminée à la croissance très rapide, 27 % plus dur que le chêne, peu absorbant, doux, sans noeud.

Cabreuva : Brun chaud et cuivré, très dur, résistant à l'humidité.

Cocobolo : Bois de couleur variable quand il vient d'être coupé. Vire au rouge avec des veines ou des taches noires. Grain irrégulier.

Cumaru : Jaune-brun à brun rougeâtre, très dur. Ipé : Brun pâle à brun foncé, souvent veiné de sombre. Imputrescible. Très stable.

Jatoba : Bois de Guyane, brun clair avec des nuances orangées, peu sensible aux variations d'humidité. Grain moyen.

Tigerwood : Brun foncé avec veines brun-noir irrégulièrement espacées.

Photo Jean-Marie Villeneuve, Le Soleil

Banc en teck. Cette essence vient d'un arbre tropical qui produit un bois imputrescible. Provenant d'Asie, ce bois mi-dur est très recherché parce qu'il résiste aux agressions climatiques comme la pluie.