Kitsch. Juste à lire ce mot, des images mentales surgissent du restaurant Madrid, à Drummondville, et du salon de Pôpa et Môman, dans La Petite Vie. Le kitsch fait sourire. Mais le kitsch n'est pas quétaine.

Kitsch. Juste à lire ce mot, des images mentales surgissent du restaurant Madrid, à Drummondville, et du salon de Pôpa et Môman, dans La Petite Vie. Le kitsch fait sourire. Mais le kitsch n'est pas quétaine.

 Un certain objet naît quétaine, il sombre ensuite dans l'oubli. S'il revient, il devient kitsch. S'il dure, il est promu antiquité. Le glissement temporel est important, décrète Roxanne Arsenault, qui rédige un mémoire de maîtrise sur «l'histoire des lieux kitsch et exotiques du Québec». «Dans 20 ans, les années 80 seront probablement kitsch.»

Prenons une boule de Noël ancienne de couleur turquoise, en forme de larme, embossée vers l'intérieur et recouverte de brillants. Par sa couleur, son outrance et son éclat de faux objet précieux, elle correspond à la notion de kitsch, explique l'étudiante en histoire de l'art à l'Université du Québec à Montréal.

Placez-la maintenant dans un sapin avec 100 autres boules aussi rutilantes et bigarrées, que vous accrochez jusque dans le centre de l'arbre, à travers les jeux de lumière, les faux glaçons scintillants et les cannes en bonbon. Vous vous retrouvez avec une «composition» faite de superpositions d'objets, avec un «paysage» qui n'est pas du tout assorti à la décoration de votre salon. Vous avez créé une installation kitsch parfaitement réussie. Kitsch et belle!

Les nouveaux sapins, design, inversés, monochromes ou zen, très peu pour Roxanne Arsenault, une jeune femme elle-même excessive, notamment dans sa passion du kitsch. N'habite-t-elle pas à Rosemont une maison de 12 pièces, toutes chargées d'objets plus clinquants les uns que les autres, en fausse pierre, faux bois, faux tout. L'outrance, l'accumulation et le faux: le kitsch, c'est ça.

Ce mot bizarre provient du verbe allemand verkitschen, qui signifie galvauder, vendre en dessous du prix. Indissociable de l'industrie de consommation de masse, le kitsch évoque d'abord l'inauthentique et le «succédané de culture». «Dans les années 60, le kitsch garde son sens péjoratif, mais avec les années 70 commence l'utilisation ironique d'objets kitsch - consciemment appréciés pour leur mauvais goût - dans la décoration», nous apprend le livre Design du XXe siècle.

Décors polynésiens

Roxanne Arsenault situe l'ascension aux États-Unis de ce style aux années 50-60. «À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les soldats arrivaient du Pacifique Sud, relate-t-elle. Pour eux, les îles pouvaient évoquer quelque chose de positif. On les a donc recréées ici.»

C'est ainsi que sont apparus dans les hôtels et les restaurants d'Amérique des décors polynésiens saturés de petits ponts, d'aquariums, de murs en raphia, de palmiers et de coquillages. «C'est la version la plus connue du kitsch», affirme l'étudiante.

Souvenez-vous des bars-salons des restaurants Marie-Antoinette. Visualisez Le Madrid, sur la 20, et son ramassis de «n'importe quoi», où on peut acheter les disques de Normand L'Amour. Remémorez-vous les films hawaïens d'Elvis. Allez voir le motel Coconut, à Trois-Rivières, le «classique des classiques». Arrêtez-vous au restaurant chinois Wok and Roll, boulevard Charest, à Québec, un bel exemple de design «rétro-exotique des années 50».

Et si vous voulez mettre un visage sur le kitsch, pensez au chanteur français Claude François, mort électrocuté dans sa baignoire le 11 mars 1978. Ce n'est pas sa disparition foudroyante qui l'a transformé en icône kitsch, mais plutôt ses smokings à paillettes, ses brushings impeccables et ses chorégraphies sautillantes. Ses chansons? «Encore quétaines», certifie Roxanne Arsenault.

Ludiques et divertissants

Pierre Jolicoeur, copropriétaire de la boutique De Retour, rue Saint-Paul, a bien profité de la popularité de l'émission La Petite Vie dans les années 90. Inspirés par l'abat-jour de parchemin, les rideaux tropicaux à palmiers et le canapé en peluche jaune de la famille Paré, les kitschies se ruaient sur ses meubles et ses accessoires modernes.

Cette «vision allégorique», cette superposition en couches de plusieurs éléments disparates, ce champ visuel surchargé, c'est le kitsch à son meilleur, selon lui. La dernière campagne publicitaire de Nez rouge, avec Claudine Mercier, est de la même eau: délirante et excessive. «Il y a un esprit, juge-t-il. On aime ou on n'aime pas.»

Dans le film québécois C.R.A.Z.Y., en revanche, la décoration bien dosée qui restitue les années 70 «sans en faire trop» n'est pas kitsch justement à cause de son équilibre, analyse le designer.

Les nappes napolitaines, les horloges bavaroises, les musées de cire, les nains de jardin et Disney World peuvent être taxés de kitsch, ainsi que les décors néo-chinois, grecs et espagnols. «Ils sont ludiques et divertissants, résume Roxanne Arsenault. Ils sont conçus pour recréer des lieux et changer le quotidien des gens.»

 

Photo fournie par Natalie Gadoua

Une entrée à saveur flamenco qui ne manque pas de faire sourire.