Pour habiller un décor, il n'y a rien comme une oeuvre d'art. Tous n'ont toutefois pas les moyens d'acheter de grandes toiles d'artistes contemporains. Or, pour quelques dizaines de dollars à peine, il existe des moyens originaux d'accrocher des oeuvres variées et signées  à ses murs.

S'abonner au gym. À un magazine. Au théâtre. Et pourquoi pas à un réseau d'artistes?

C'est ce que propose Papirmass, une petite entreprise fondée par deux Canadiens qui assurent la livraison, chaque mois, de centaines d'imprimés à leurs abonnés répartis sur tous les continents. «Sauf l'Antarctique, dit en rigolant Kirsten McCrea. Mais je pense souvent à envoyer un paquet à la base scientifique, ça doit leur manquer, aussi, de voir des expositions, non?»

Pourquoi pas? C'est justement parce qu'elle sentait un manque de stimulation artistique que la jeune femme a créé, il y a 10 ans, un abonnement original qui prévoit la livraison, chaque mois, du tirage d'une oeuvre unique d'un illustrateur contemporain. Kirsten McCrea venait de faire ses études à Montréal, «une ville avec une scène artistique très vivante», quand elle est retournée dans son Alberta natale. Pour y renouer contre son gré avec un certain ennui.

«J'ai pensé que si le contact avec les artistes me manquait à Edmonton, il devait aussi manquer à d'autres personnes dans des villes encore plus petites, plus éloignées. C'est là que j'ai eu l'idée de cet abonnement.»

C'était il y a 10 ans. Quelque 1200 oeuvres différentes ont été expédiées depuis. Autant d'artistes se sont immiscés dans des milliers de foyers pour en égayer le décor.

En pratique, Papirmass permet de renouveler tous les 30 jours le décor de sa maison pour moins de 75 cents par jour. L'abonnement coûte 12 $ par mois - à condition d'y souscrire pour un an - ou 16 $ par mois par semestre. Chaque envoi contient une impression de format moyen et une carte postale du même artiste, une brève entrevue avec lui ainsi qu'une fiche d'activité (coloriage, dessin, etc.). On peut changer d'oeuvre chaque mois, ou les accumuler pour recouvrir, petit à petit, un mur entier, jouer les ressemblances et les dissemblances entre les artistes.

«La moitié de nos abonnés sont des jeunes professionnels qui s'intéressent à l'art, mais sont intimidés à l'idée d'acheter leur première oeuvre et veulent se familiariser avec cet univers. Et dans l'autre moitié, on trouve beaucoup de gens un peu plus vieux qui offrent un abonnement à un jeune qui étudie, ou a étudié, en art ou qui s'y intéresse!»

«Ce qu'on souhaite, à terme, c'est que les gens prennent confiance en eux, en leurs choix, leurs goûts, et achètent de plus en plus d'oeuvres», dit la jeune femme.



D'autres oeuvres

Papirmass n'est pas seule à poursuivre cette mission. C'est pour cette raison, aussi, que Shira Adriance a lancé, il y a cinq ans, la boutique en ligne Sur ton mur, qui commercialise les oeuvres de 28 illustrateurs québécois. Le catalogue comprend des oeuvres à tirage limité, pour la plupart, numérotées et signées par l'artiste dont le prix oscille autour de la quarantaine de dollars, frais de livraison inclus.

Depuis ses débuts, Sur ton mur affiche une préférence pour les illustrateurs jeunesse - le site a été mis sur pied en partenariat avec Élise Gravel, bien connue dans le domaine de l'édition pour enfants. On y trouvera matière à décorer la chambre du petit dernier avec les oeuvres de Geneviève Godbout (Mary Poppins), Michel Rabagliati (la série des «Paul») ou Isabelle Arseneault (Jane, le renard et moi), mais Shira Adriance tient désormais à élargir son public, notamment avec des illustrations moins enfantines, comme celles de Cyril Doisneau.

À Montréal, on trouvera aussi une belle variété d'oeuvres d'artistes québécois à peine plus chères que celles vendues par milliers chez Ikea dans la nouvelle boutique Paperole, avenue Duluth Est. L'agence a d'abord commercialisé des cartes postales. «Mais on voyait bien que les gens les exposaient ensuite. C'était une façon de faire circuler l'art, de le faire entrer facilement dans les maisons», explique Jacinthe Pilote, directrice de création de Paperole.

C'est dans cette optique qu'on vend également des cadres dans la boutique. «Les gens peuvent partir d'ici et accrocher directement leur illustration chez eux, ou l'offrir en cadeau.» Si on tarde à encadrer, souvent, on tarde à accrocher, remarque Jacinthe Pilote.

Enfin, plusieurs événements de petite ou moyenne envergure permettent au public de dénicher des illustrations à prix abordable, foires où l'on peut s'exposer à une belle diversité de styles en un seul endroit.

Les 20 et 21 octobre, la Société des arts technologiques (SAT) accueillera la Foire de livres sur l'art et de livres d'artistes, Volume 1, parrainée par les mêmes organisateurs qu'Expozine, où l'on pourra aussi se procurer une sélection d'impressions des artistes représentés. «Les foires, ça permet de briser la glace parce qu'on peut simplement se promener entre les allées pour regarder le travail des artistes, sans se sentir seul, observé, dans une galerie privée», plaide Louis Rastelli, qui est aussi organisateur de la Grande Foire de l'art imprimé, qui aura lieu au printemps prochain. Parmi les autres événements, on soulignera Expozine, en novembre, et les Puces Pop, en décembre, de même que le Souk@SAT qui proposent tous, juste avant Noël, des oeuvres imprimées à offrir ou s'offrir.

https://www.papirmass.com/ (en anglais)

https://surtonmur.com/

https://www.paperole.com

https://expozine.ca/

Photo Bernard Brault, La Presse

L'abonnement à Papirmass prévoit la livraison, chaque mois, du tirage d'une oeuvre unique d'un illustrateur contemporain.

Des astuces pour afficher de l'art

L'erreur à ne pas faire

«Jamais! Il ne faut jamais laminer une illustration signée, numérotée», insiste Jacinthe Pilote. Le procédé, à la mode à la fin des années 90, a encore ses adeptes qui risquent de voir la valeur de leur oeuvre baisser ou, à tout le moins, stagner, après avoir été plastifiée. «Une oeuvre signée, numérotée peut toujours prendre de la valeur, si elle est bien préservée et, en aucun cas, laminée.» On encadre ou, à défaut, on laisse à nu nos acquisitions, mais on ne les plastifie jamais.

Les mariages

Faut-il s'assurer que les oeuvres d'une même pièce soient «coordonnées»? Oui et non, observe Shira Adriance. Elle aime particulièrement juxtaposer des oeuvres plus «enfantines» avec des oeuvres plus minimalistes pour viser un certain équilibre. Elle suggère aussi de faire des thématiques - par couleur ou par sujet - pour commencer un mur «exposition» avec une multitude de cadres.

Les cadres

Faut-il impérativement que les oeuvres d'une même pièce soient encadrées de la même façon? Non. Cela dit, si on veut changer régulièrement les oeuvres, il vaut mieux éviter les cadres colorés, plus difficiles à coordonner. «Je préfère m'en tenir à un duo de cadres noir et bois, ou bois et blanc», souligne Shira Adriance.

Les galeries

Même si elle est propriétaire d'une galerie d'art en ligne, Kirsten McCrea insiste sur l'importance de visiter des galeries en chair et en briques pour découvrir de nouveaux artistes, affiner ses préférences avant de passer à l'achat. À Montréal, l'un de ses arrêts favoris est la galerie Monastiraki, repaire d'oeuvres en tout genre à prix abordable, fondée il y a 20 ans dans le Mile End.

http://monastiraki.blogspot.com

Photo Bernard Brault, La Presse

Des cadres de teintes plus neutres - comme le noir ou le blanc - sont plus facilement utilisables avec des oeuvres de différentes couleurs.