À Montréal, les jours des foyers et des poêles à bois polluants sont comptés. Dans deux ans, seuls les modèles à bois hyper performants pourront être utilisés. De nombreux propriétaires se conforment sans tarder à la nouvelle réglementation, remplaçant dès maintenant leurs appareils désuets. Incursion dans une industrie en perpétuelle évolution.

À bas la pollution

À Montréal, les plus prévoyants ont commencé à se conformer au Règlement sur les appareils de chauffage au bois, qui interdit l'utilisation de produits peu performants à compter du 1er octobre 2018. C'est le cas de Vincent et de sa conjointe, qui habitent dans le Plateau et qui ont décidé de remplacer leur encombrant foyer à combustion lente d'une vingtaine d'années par un foyer à gaz.

«Tant qu'à ne pouvoir se servir de notre appareil qu'un gros 6 heures par 10 ans, on a choisi de le changer avant la cohue, indique le propriétaire. Le nouveau foyer n'empiète plus sur le salon, et on peut voir les flammes d'un peu partout au rez-de-chaussée. Pour l'instant, c'est aussi notre système de chauffage.»

Au fil des discussions avec l'architecte Karine Dallaire, le couple a opté pour un décor épuré.

«Le rez-de-chaussée étant maintenant très ouvert, le modèle est linéaire, simple et ne jure pas avec le reste de la maison, précise Mme Dallaire. Il a été installé à la hauteur parfaite pour pouvoir admirer les flammes quand on est assis.»

Bien sûr, le fait que la maison soit reliée au gaz a facilité la décision et réduit certains coûts d'installation.

Règles très strictes

Dans deux ans, en vertu de règlements adoptés respectivement en août et en novembre 2015, la plupart des foyers et poêles à bois ne pourront plus être utilisés à Montréal et à Dorval. Les seuls appareils de chauffage au bois qui peuvent dorénavant être installés doivent être homologués par l'agence américaine EPA (Environmental Protection Agency) et ne peuvent pas émettre plus de 2,5 grammes par heure de particules fines dans l'atmosphère. Seule exception: en cas de panne d'électricité qui dure depuis plus de trois heures, les modèles existants, plus polluants, pourront reprendre du service.

Pratiquement tous les poêles et foyers à bois de ces villes devront graduellement être remplacés, souligne Marc Quirion, directeur des ventes de la boutique L'Attisée, à Saint-Hubert, et membre du conseil d'administration de l'Association des professionnels du chauffage.

«La Ville de Montréal autorise maintenant l'installation d'appareils de chauffage au bois, mais ils doivent répondre aux normes les plus strictes, qui ne devraient devenir le standard officiel qu'en 2020.»

«Autant les foyers, les appareils encastrables que les poêles sont visés, et ceux qui voudront continuer d'avoir un chauffage au bois devront s'y conformer», précise-t-il. 

La nouvelle réglementation soulève de l'intérêt bien au-delà de Montréal, constate-t-il. Sur la Rive-Sud, par exemple, plusieurs clients qui désirent acheter un appareil de chauffage au bois optent pour un appareil de combustion à haute efficacité qui répond aux exigences de la métropole, au cas où leur municipalité emboîte le pas dans un avenir plus ou moins rapproché.

Normand Brosseau, président de la boutique Les Foyers Mirabel, à Saint-Eustache, fait le même constat. «Les gens ne prennent pas de risque, dit-il. Mais c'est un pourcentage infime de notre clientèle.»

Les foyers à gaz demeurent en effet de loin les plus populaires. À la boutique Foyer Universel, à Montréal, ils représentent 80 % des ventes, estime le propriétaire, Pierre Catellier. La possibilité d'installer un appareil au bois plaît toutefois à une certaine clientèle, constate-t-il.

«Beaucoup de gens sont contents, mais ils sont aussi fâchés parce que les appareils émettant moins de 2,5 g/h coûtent deux fois plus cher.»

«Au prix moyen de 4000 $, il faut ajouter l'installation, les travaux dans la cheminée, etc., dit-il. Ils dépensent plus, mais à ce degré de performance, les appareils sont mieux fabriqués. C'est un plus pour les clients. Ils retirent plus de chaleur, avec moins de bois.»

Ôter l'autorisation d'utiliser les appareils existants est inusité, fait remarquer Marc-Antoine Cantin, président de l'entreprise québécoise Stove Builder International (SBI), qui vend ses appareils de chauffage au bois partout dans le monde. «Je n'ai jamais vu cela, dit-il. C'est mieux qu'un bannissement total, mais d'un point de vue normatif, cela ne respecte pas les règles de l'art. Il faudra voir comment ce sera mis en application.»

Son entreprise a mis au point quelques produits émettant moins de 2,5 g/h de particules fines. «En 2020, nous aurons un portefeuille complet d'appareils à offrir, précise-t-il. C'est déraisonnable d'imposer cette norme tout de suite, parce qu'il manque de produits.»

Un défi à relever

L'entreprise Blaze King, de Colombie-Britannique, est déjà rendue là, souligne Normand Carle, qui représente notamment l'entreprise au Québec. «Nous sommes favorisés parce que tous ses poêles à bois et encastrables émettent moins de 2,5 g/h. Les ventes ont augmenté de 30 % cette année.»

Stûv America, qui est établie dans l'arrondissement de Saint-Laurent et adapte aux normes nord-américaines les appareils Stûv fabriqués en Belgique, a commencé à relever le défi. «Nous sommes fiers d'avoir réussi à contrôler le taux d'émissions de certains produits, tout en continuant de donner une belle vision du feu», indique Nadia Gilbert, directrice du marketing de l'entreprise.

«C'était important d'offrir quelque chose aux Montréalais, précise-t-elle. Mais le règlement adopté ici a un impact jusqu'à Toronto. Les clients se demandent si cela s'en vient chez eux aussi.»

Comme c'était le cas avant à Montréal, Hampstead et Ville Mont-Royal ne permettent pas l'installation de nouveaux appareils au bois, même s'ils sont certifiés EPA. Beaconsfield a de son côté amendé le règlement BEAC-046 afin que ses citoyens possédant un foyer ou un poêle à bois désuet puissent se mettre à niveau. Ces derniers, s'ils désirent conserver un chauffage au bois, peuvent installer des appareils hyper performants certifiés EPA, avec un taux d'émission égal ou inférieur à 2,5 g/h. Aucune autre municipalité ne s'apprête à bouger sur ce point, assure Chantal Demers, directrice générale de l'Association des professionnels du chauffage. «Elles se collent simplement à la règlementation provinciale, qui autorise les appareils à bois déjà très performants, émettant moins de 4,5 g/h de particules fines.»

PHOTO FOURNIE PAR STÛV AMERICA

Stûv America, qui est établie à Saint-Laurent, adapte aux normes nord-américaines les appareils Stûv fabriqués en Belgique. Son modèle 16-H se conforme aux exigences imposées par Montréal et Dorval, avec un taux d'émission de 1,4 g/h.