Dans un monde de production de masse où l'originalité se fait rare, le travail des artisans est tout désigné quand vient le temps de donner la touche qui fera qu'un décor est réussi. Une fonction que remplit à merveille le linge de maison. Rencontres avec des passionnées. Première partie.

Les petits mots: par amour du dessin

Qui? Debra Brown, une architecte de Montréal qui a lancé, en 2009, sous l'étiquette Petits Mots, une collection de cartes de souhaits et de linge de maison imprimés de dessins animaliers et de natures mortes de son cru.

Quoi? L'essentiel de son travail de création, Debra Brown ne le fait pas dans son atelier, mais chez elle. Avec un grand cahier blanc et de banals stylos noirs à pointe fine, parfois une botte de carottes, quelques épis de maïs ou des champignons, pourquoi pas. Après des années consacrées à faire des plans d'architecte, Debra Brown a renoué avec le dessin en conservant un style très réaliste, croquant avec une précision saisissante des objets de son quotidien. Parce qu'elle aime cuisiner, il y a beaucoup de légumes dans ses dessins, achetés au marché Atwater situé pas très loin de son bel atelier, mais aussi de vieux outils de son père ou encore des vélos, parce qu'elle aime beaucoup rouler. Les impressions sont monochromes, souvent en noir, mais aussi en orange, en vert ou en marron: «Des couleurs vintage, des couleurs de mon âge [5 ans], qui plaisent aussi aux jeunes finalement», dit cette élégante Montréalaise.

Debra Brown ne s'occupe ni de la couture ni de l'impression. «Ce n'est pas ma force», dit-elle, mais tout est fait à Montréal. «C'est important pour moi. Ça me permet d'avoir un meilleur suivi de la qualité et je sais que les clients y sont sensibles», note-t-elle. C'est d'ailleurs l'un des facteurs qui a permis que ses produits soient bien distribués dans les boutiques de plusieurs musées du Québec, où son linge à vaisselle orné d'une tête d'orignal se vend particulièrement bien. Mais, depuis peu, le Musée des beaux-arts de l'Ontario (AGO) a aussi ses produits. «Cela m'a flattée, explique-t-elle, parce que ce n'est pas parce que mon produit est montréalais qu'ils l'ont pris.» D'ici quelques années, elle espère ainsi pouvoir se concentrer essentiellement sur sa petite entreprise, en élargissant son éventail de modèles. Sa collection compte une vingtaine de motifs différents, deux types de tabliers, des chemins de table et des serviettes, mais Debra Brown rêve déjà de nappes, de corbeilles à pain en tissu, etc. «C'est tellement beau, une belle table!»

Le produit-vedette: les trois premiers linges à vaisselle de sa série, l'un avec des betteraves, l'autre avec des carottes et le dernier avec du fenouil... qui apparaissent dans une scène du film Les Schtroumpfs 2. «Sony m'a fait signer une décharge, c'est comme ça que je l'ai su!», raconte Debra Brown, visiblement encore étonnée. On craque aussi pour ses tabliers de bars à motifs de vélo.

Où? Dans une cinquantaine de points de vente, dont les boutiques de plusieurs musées.

Liste complète: www.petitsmots.ca

Aucune vente en ligne.

Prune: au gré de l'inspiration

Qui? Lumineuse, un brin timide, Pascale Roussin est la jeune femme qui se cache derrière Prune, une étiquette ludique qu'elle a osé créer avant même d'avoir obtenu son diplôme d'études au Centre de recherche et de design en impression textile de Montréal, une audace qui l'a bien servie depuis.

Quoi? C'est sur les t-shirts que Pascale Roussin a fait ses premières armes, mais sur les coussins et les linges de vaisselle qu'elle a bâti sa réputation. D'abord et avant tout passionnée par le dessin, avec elle, il n'y a pas de collections lancées à date fixe, pas de modèles créés pour Noël ou pour Pâques: sa collection de linge de maison s'enrichit au gré de ses coups de coeur et de son inspiration. Son coup de crayon a parfois un je-ne-sais-quoi d'enfantin, comme sur ses coussins ornés de carottes qui n'auraient pas fait tache dans l'univers de Beatrix Potter, et il est le plus souvent monochrome. «J'aime la simplicité», dit-elle en resserrant son chignon défait. Certes, mais elle sait aussi y ajouter le détail qui donne du caractère et transforme le déjà-vu en unique. Comme sur son linge à vaisselle décoré d'un rouleau à pâtisserie, noir, qu'elle a rehaussé d'une petite flèche rouge en demi-cercle, sorte de mode d'emploi tellement plus esthétique qu'utile pour un objet que tous savent utiliser, bien sûr.

Pascale Roussin travaille essentiellement sur des toiles de lin, parfois mélangées de coton, dans les teintes neutres de gris ou d'écru. Elle est équipée pour faire quelques impressions dans son atelier, mais en confie l'essentiel à un atelier de sérigraphie de Montréal, qu'elle assiste toujours. «Je pourrais encadrer mes dessins, remarque-t-elle, visiblement bercée par plusieurs projets, mais j'aime mieux les voir sur des linges de maison, que ce soit des oeuvres qui s'intègrent dans le quotidien.»

Le produit-vedette? Son torchon qui porte simplement l'inscription «Brioche!» est l'un des plus réussis, estime Pascale Roussin qui, pour une dessinatrice, sait faire preuve d'une prédilection surprenante pour les mots. «J'aime les lettres. C'est beau», dit-elle, comme en fait foi une affiche bardée de consonnes et de voyelles inscrites au crayon rouge, source d'inspiration et de couleur sur le mur par ailleurs dépouillé de son atelier du Mile End.

Où? À Montréal et ses environs: chez Arthur Quentin (3960, rue Saint-Denis), aux Touilleurs (152, avenue Laurier Ouest), chez Nous-Vous-Ils (150, chemin de la Grande-Côte, Rosemère), entre autres, et bientôt, sur son site internet.

www.prunetextile.com